![]() Les Somaliens s'enflamment contre l'Ethiopie
Addis Abeba a promis de retirer ses troupes d'ici à deux semaines.
Par Christophe AYAD
QUOTIDIEN : lundi 8 janvier 2007
Mogadiscio envoyé spécial
Une semaine, c'est exactement le temps qu'aura duré le fragile
état de grâce du gouvernement fédéral de transition somalien (GFT)
auprès de la population de Mogadiscio. Samedi, plusieurs centaines
de personnes ont manifesté dans les rues du centre de la capitale.
Les cortèges se sont formés spontanément au milieu de la matinée.
Chaque fois, il a suffi qu'un petit groupe d'hommes, souvent
d'ex-miliciens, enflamme un pneu sur la chaussée pour que les
badauds les rejoignent. Des écoliers et des femmes, surtout, qui
n'ont pas tardé à jeter des pierres sur les soldats gouvernementaux
cantonnés dans les bâtiments officiels et, surtout, sur les
militaires éthiopiens. D'abord hostiles au processus de désarmement
décrété par le gouvernement, les slogans ont laissé place à
l'émeute antiéthiopienne. Un à trois manifestants, dont un enfant
de 13 ans, ont été tués, selon les bilans. En début d'après-midi,
tout est rentré dans l'ordre et le gouvernement a annoncé le report
du désarmement de la capitale.
Insécurité. Ces incidents ont révélé au grand jour le
manque de confiance de la population envers le gouvernement qui,
avec l'aide de l'armée éthiopienne, vient de chasser l'Union des
tribunaux islamiques de Mogadiscio et des les grandes villes
contrôlées par les islamistes dans le sud de la Somalie. En
l'absence de désarmement, le niveau d'insécurité reste élevé à
Mogadiscio.
«Que voulez-vous que je fasse avec les 600 policiers dont je
dispose ? se plaint le jeune vice-Premier ministre Hussein
Aïdid.
J'ai besoin de 8 000 hommes rien que pour Mogadiscio,
correctement formés, bien payés et équipés d'autres armes que des
kalachnikovs. L'AK47 est devenu synonyme de guerre civile en
Somalie. Il faut que la police fasse un nouveau bruit, pour
rassurer les gens.» De plus, les habitants craignent le retour
des chefs de guerre, expulsés en leur temps par les islamistes.
Pour les tenir éloignés de la capitale, le GFT les a convoqués à
Baidoa, dans le sud du pays, au siège du président Yusuf...
Relève. A ce casse-tête du désarmement il faut
ajouter le sentiment, très vif, d'être sous occupation étrangère.
De fait, Mogadiscio est contrôlé par quelque 1 500 soldats
éthiopiens, les véritables vainqueurs de la guerre éclair contre
des islamistes qui, quoique militairement anéantis, gardent des
partisans dans la capitale : le pouvoir estime le nombre de ces
combattants
«dormants» à 3 000. Ayman al-Zawahiri, le numéro 2
d'Al-Qaeda, a appelé vendredi les Somaliens à mener des
«attentats-suicides» contre les troupes éthiopiennes. Les
deux jours précédents, des inconnus avaient jeté des grenades sur
des cantonnements éthiopiens, sans faire de victimes.
Addis-Abeba, conscient que ses troupes ne peuvent s'éterniser
dans le guêpier somalien, a annoncé un retrait d'ici deux semaines
«au maximum», une fois terminée la dernière offensive contre
l'ultime carré de combattants islamistes en fuite, estimés à moins
de un millier et regroupés près de la frontière kényane. Une
manière aussi d'accélérer l'arrivée d'un contingent de paix
africain de 8 000 soldats, issu de pays non limitrophes et censé
prendre la relève.
Fiasco. Vendredi à Nairobi (Kenya), lors d'une
réunion du groupe de contact pour la Somalie, à laquelle a pris
part la sous-secrétaire d'Etat américaine Jendayi Frazer, l'Ouganda
a promis l'envoi d'un millier d'hommes. L'Afrique du Sud et le
Nigeria hésitent : le souvenir du fiasco de l'Onusom, partie sous
le feu des chefs de guerre en 1995, reste vivace. Washington, qui
soutient sans retenue l'opération éthiopienne en Somalie afin
d'éradiquer les éléments d'Al-Qaeda présumés protégés par les
tribunaux islamiques, a promis 14 millions de dollars
supplémentaires pour le financement de cette force africaine.
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