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Acculé par les manifestations de l'opposition et la pression internationale, le chef de l'Etat s'efforce de sortir de l'impasse en combinant raidissement et concession. Le raidissement est la suspension des libertés publiques, le couvre-feu imposé dans une soixantaine de villes et la censure des médias qu'implique l'état d'urgence. La concession est le choix du président d'annuler les élections législatives du 22 janvier, cédant ainsi aux exigences de l'opposition. Les rues de Dacca étaient calmes, vendredi, mais l'incertitude demeure sur les perspectives d'un règlement pacifique du conflit.
La Ligue Awami, dirigée par l'ancien premier ministre Cheikh Hasina, reprochait au gouvernement intérimaire chargé d'organiser le scrutin de n'avoir pas procédé à la refonte de listes électorales qui, selon elle, sont biaisées au profit de la formation rivale du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) de Khaleda Zia.
Cette dernière dirigeait le gouvernement jusqu'en octobre 2006, date à laquelle le président Iajuddin Ahmed a pris la tête du gouvernement intérimaire. L'opposition estime que les autorités ont "gonflé" les listes électorales de 14 millions citoyens fantômes, pervertissant ainsi la sincérité du scrutin. Ces accusations ont été relayées par une étude de l'Institut national pour la démocratie, une organisation américaine qui a chiffré à 10 millions le nombre d'inscriptions suspectes, soit 13 % d'un corps électoral s'élevant à 93 millions de personnes.
IMPLACABLE RIVALITÉ
La communauté internationale a multiplié les signes d'agacement devant l'incapacité du président Iajuddin Ahmed à moraliser sérieusement le processus électoral. Les Nations unies et l'Union européenne ont décidé de suspendre leur mission d'observation des élections du 22 janvier. Devant une telle pression, le chef de l'Etat s'est finalement incliné. "Il n'est pas possible de tenir les élections à temps, a-t-il déclaré jeudi. Nous avons besoin d'une liste électorale parfaite afin que le scrutin soit libre, juste et crédible." Tirant les enseignements de son échec personnel, le chef de l'Etat a démissionné de ses fonctions de chef du gouvernement intérimaire.
Cette crise nouvelle s'ajoute à la longue liste de troubles qui ont secoué le Bangladesh depuis son indépendance arrachée en 1971 au Pakistan. L'avènement d'un régime démocratique en 1990 s'est traduit par une implacable rivalité entre les deux principales formations du BNP et la Ligue Awami.