Reportage
Chine : des milliers de manifestants affrontent la police au Hunan
LE MONDE | 14.03.07 | 15h28  •  Mis à jour le 14.03.07 | 15h28
PÉKIN CORRESPONDANT

ilhouettes de bus calcinés et renversés, de voitures de police brûlées dans les rues d'un bourg quadrillé par des unités paramilitaires : ces photos numériques de mauvaise qualité prises à la sauvette et diffusées sur un site d'information créé par des Chinois d'outre-mer témoignent de la violence des affrontements qui ont eu lieu durant quatre jours dans le village de Zhushan, au sud de la province du Hunan, dans le centre de la Chine.

Ces émeutes, au cours desquelles des milliers d'habitants se sont affrontés avec la police locale et des centaines d'éléments de la Police armée populaire (PAP) appelés en renfort, ont été provoquées par une dispute entre un employé d'une station de bus et un lycéen. Ce dernier, qui s'était plaint de se voir imposer une taxe de 50 yuans pour son bagage (près de 50 centimes d'euros), avait été battu par l'employé, vendredi 9 mars. La dispute a dégénéré dans un contexte où il suffisait d'un rien pour cristalliser le mécontentement populaire local à propos d'une récente hausse du prix des transports : lors des fêtes du Nouvel An chinois, le ticket de bus avait triplé, provoquant la colère des habitants. Les responsables de la compagnie de bus avaient été soutenus par les policiers de Zhushan, renforçant la méfiance des habitants à l'égard des autorités.

DISPARITÉS ENTRE VILLES ET CAMPAGNES

Ce qui avait sans doute commencé comme une manifestation s'est transformé, vendredi, en un affrontement généralisé avec les policiers qui ont fait appel aux unités armées de la PAP. Selon Zhang Zilin, "correspondant" local et clandestin du site chinois d'outre-mer boxun.com, un étudiant aurait été tué, des dizaines de personnes blessées et de nombreux protestataires arrêtés. M. Zhang affirme avoir vu un cycliste renversé par des policiers avant d'être battu et laissé pour mort sur le trottoir. Selon le quotidien hongkongais The South China Morning Post, neuf bus et sept voitures de police ont été incendiés ou détruits. Ces bilans n'ont pas été confirmés officiellement, un responsable se contentant d'affirmer que l'ordre est revenu.

Ce genre d'incidents est désormais classique dans toute la Chine où l'écart croissant des revenus entre villes et campagnes provoque des dizaines de milliers de manifestations plus ou moins violentes chaque année.

Lors de l'inauguration de la session annuelle de l'Assemblée nationale du peuple, la semaine dernière à Pékin, le premier ministre, Wen Jiabao, avait prêché son credo pour une société plus "harmonieuse" en ces temps où fleurissent les injustices sociales. La longue émeute qui a ensanglanté ce village du Hunan vient brutalement de rappeler que la Chine du miracle économique coexiste avec la Chine du mécontentement paysan.


Bruno Philip
Article paru dans l'édition du 15.03.07