cameroun,cameroon,afrique,africaCameroun : Emeute à Abong-Mbang-Des morts sur la conscience de l’Etat Les violentes émeutes qui ont endeuillé la ville traditionnellement paisible auraient pu être évitées. Si les pouvoirs publics prenaient en compte les revendications populaires. Le 17 septembre, jeunes et vieux, hommes et femmes, élèves et chômeurs ont organisé une marche pacifique dans les rues du chef-lieu du Haut-Nyong. Les manifestants entendaient protester contre l’interruption de l’énergie électrique et de l’eau potable dans leur ville depuis plusieurs mois. Une décision de descendre dans la rue après que tous leurs cris de détresse soient toujours tombés dans des oreilles de sourds. Depuis plusieurs jours, les autorités de la ville en particulier et celles de la province en général, mesurant le courroux des populations et la réaction prévisible, avaient déjà déployé dans la ville des éléments armés du groupement mobile d’intervention de l’Est, basés à Bertoua. Malgré ce dispositif dissuasif, les populations ont tenu à manifester leur ras-le-bol. La personnalité la plus indiquée à qui elles pouvaient présenter leurs doléances est bien évidemment le préfet. C’est au moment d’aller à sa rencontre qu’elles ont rencontré sur le chemin des forces de l’ordre totalement étrangères aux techniques de négociation. Et qui ont répondu par la brutalité qui, manifestement, a enflammé les manifestants. Lesquels, enragés, ont foncé par des chemins détournés, chez Sylvestre Essama. Le chef de terre, selon des témoins, aurait tiré le premier et à bout portant dans la foule. Un élève est resté sur le carreau. C’est une dose de combustible supplémentaire, et non des moindres, qui vient d’être versée sur une ville déjà en ébullition. C’est un embrasement généralisé qui a rendu la situation incontrôlable. Même par les forces qui ont failli au maintien de l’ordre, leur principale et noble mission. Les dégâts matériels et humains sont effrayants et historiques pour une ville qui vit de telles émeutes, suivies d’une répression sanglante pour la première fois. En quoi les manifestants aux mains nues constituaient un danger pour le préfet du Haut Nyong qui aurait été le premier à ouvrir le feu, à en croire les témoignages concordants recueillis sur place ? Si Sylvestre Essama, celui qui doit apaiser les tensions, puisque c’est son devoir, est le premier à abattre de sang froid un enfant, l’exemple est bien donné aux hommes en tenue de “ mettre de l’ordre ”. Et c’est ce qui s’est passé. Conséquences Comparaison n’étant pas raison, on se souvient de ces violentes émeutes qui ont embrasé les villes françaises et européennes, il y a quelques années, du fait des jeunes désespérés en colère. La police, pourtant de loin plus équipée que la nôtre, n’a point osé tirer sur les manifestants de loin plus violents que nos humbles pacifiques villageois, pas du tout entraînés à la bagarre. Finalement, les conséquences de ce mouvement d’humeur des populations sont plus graves que les causes. En fin d’après-midi du même jour, le ministre de l’Energie et de l’Eau, Jean Bernard Sindeu dont on ne peut pas dire qu’il ignorait la situation qui prévalait sur le terrain depuis des mois que cela dure, a rendu précipitamment public un communiqué dans lequel il annonce “ l’envoi dès ce mardi 18 septembre 2007 (Hier, ndlr) d’une mission technique de Aes Sonel dans la zone sinistrée, avec du matériel approprié, à effet de rétablir l’alimentation normale des localités privées d’électricité ”. Hier, nous apprenions que la lumière a été rétablie dans les localités où elle était interrompue. C’était donc possible. Pourquoi ne l’avoir pas fait de bon gré auparavant ? Au point de maintenir les populations dans le noir, pendant d‘interminables mois de souffrance. Jusqu’à ce que la répression des forces de l’ordre s’abatte férocement sur elles, parce qu’elles ont osé crier leur mécontentement. L’on a suivi aussi avec quelle promptitude les élites originaires de l’Est, membres du gouvernement, sont descendues sur le terrain pour un show loin d’impressionner leurs frères qui attendent d’enterrer leurs morts. Qu’avaient-elles fait, fort de leurs positions dans l’appareil de l’Etat, pour solutionner les problèmes d’eau et d’électricité dont la preuve vient d’être donnée ? Le sang qui a coulé à Abong Mbang va peut-être permettre de rétablir au moins pour quelque temps l’énergie électrique dans la région. Peut-être faudra-t-il une autre descente dans la rue, avec les mêmes conséquences douloureuses, pour que l’eau recommence à couler dans les robinets. Puisque c’était l’une des revendications des manifestants. Il faut dire que le cas d’Abong Mbang n’est pas isolé. Les nouvelles qui viennent des autres localités du Sud et de l’Est en particulier et de différentes localités du Cameroun en général, indiquent que les populations vivent aussi, à des degré divers, le calvaire imposé par l’absence de l’eau potable et de l’électricité. Depuis quelques semaines, les boulangers menacent d’augmenter le prix du pain, une denrée de consommation courante. Cette éventualité est susceptible de provoquer d’importants troubles sociaux dont l’issue reste imprévisible. Pendant que le volcan couve, les pouvoirs publics qui détiennent les solutions font preuve d’un étonnant laxisme. Si, dans les prochaines semaines, les émeutes du pain ont lieu, on va encore jouer au surpris, mais surtout faire le bilan. En attendant, les manifestants démontrent tous les jours que c’est leur option qui est finalement payante. Malgré la douleur, malheureusement. |