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Après L'Emeute sanglante d'Abong-Mbang: Clash dans le commandement |
DOUALA - 19 SEPTEMBRE 2007 © Le Messager |
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Le gouvernement se mobilise pour résorber la crise. Sur le terrain, la tension reste vive, mais sourde. |
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Le bilan officiel des émeutes de lundi 17 septembre à Abong-Mbang, dans le Haut Nyong (province de l’Est), affiche pour le moment deux morts, une dizaine de blessés, des édifices publics détruits, et des effets de particuliers consumés. Mvogo charles, dix-sept ans, élève en classe de quatrième année électricité au Lycée technique d’Abong-Mbang, est passé de vie à trépas. Il en est de même pour Shimpe Poungou Zok Jean Joël, quinze ans, élève en deuxième année électricité équipement dans le même établissement. Les habitants de la ville accusent le préfet d’avoir personnellement tiré à bout portant sur le premier, tandis que le second a été abattu par un adjoint au commissaire de sécurité publique. Le préfet nie tout en bloc, mais les habitants tiennent à cette version des faits.
Parmi la dizaine de blessés, des élèves, mais aussi des habitants ordinaires qui se sont joints à la manifestation. A la suite du décès des deux manifestants, la préfecture et d’autres bâtiments publics sont attaqués. Le domicile du préfet également. Rendu chez l’adjoint au commissaire, les manifestants boutent ses effets hors de la maison et y mettent du feu. Au courant de l’événement, les autorités, le secrétaire d’Etat à la Défense en premier, se dépêchent sur les lieux. Dès le début de la soirée, des communiqués du gouvernement pleuvent. Ils appellent au calme et à l’apaisement.
Réunion de crise
Hier 18 septembre 2007, deux réunions se sont succédé à Abong-Mbang. La première, une concertation de crise, débute à midi à la maison de la femme. Au cours de cette grand’messe, les autorités locales, du préfet au proviseur en passant par les responsables de la sécurité, s’expliquent. Ils n’arrivent malheureusement pas à convaincre le secrétaire d’Etat à la Défense, Jean-Baptiste Bokam. Pour lui, ces autorités sont incompétentes. A l’en croire, elles auraient pu maîtriser la situation, d’autant plus que les manifestants avaient donné un ultimatum avant d’engager leur mouvement. Son ton est menaçant. On attend des sanctions.
Seize heures trente. La réunion de crise prend fin. Jean-Baptiste Bokam fait une adresse solennelle invitant à l’apaisement. Il fait comprendre que le gouvernement a pris les choses en main. L’électricité est revenue depuis hier matin. L’Etat s’occupe des blessés. L’on apprend aussi que Aes-Sonel prendra en charge les obsèques des décédés. Interrogé à Yaoundé, Jean David Bile, le directeur général de Aes-Sonel, se contente d’affirmer : “ Nous prendrons nos responsabilités. ”
Vers dix-sept heures, la réunion de sécurité est ouverte. Les responsables du Groupement mobile d’intervention de Bertoua, du Groupement polyvalent d’intervention de la gendarmerie, du Bataillon d’intervention rapide, et des élèves sous-officiers de l’armée y prennent part. Un couvre feu non baptisé prend effet dans la ville. Apparemment, tout est calme. Mais les populations ne se sentent toujours pas en sécurité. En sourdine, dans les chaumières, elles jurent encore d’avoir la peau de ceux qui viennent d’éliminer leurs fils.
L’élite du Haut-Nyong pleurniche au village
Le courroux des populations d’Abong-Mbang, lundi 17 septembre 2007, a fortement ébranlé les ressortissants de cette ère géographique. Jean Baptiste Bokam, le secrétaire d’Etat à la Défense, s’y est personnellement rendu. Ce fils du département du Haut-Nyong est allé en mission professionnelle…au “ village ”. Joseph Le, le directeur adjoint du Cabinet civil de la présidence de la République, n’a pas résisté à la tentation de l’éloignement. Cet autre fils du Haut-Nyong est descendu sur le site du drame.
Car, après une tuerie comme celle d’avant-hier, les populations sont généralement inconsolables. “ Nous avons apporté un message de paix, un message d’apaisement. Nous sommes venus tous [à Abong-Mbang, ndlr], c’est-à-dire le secrétaire d’Etat à la Défense, Jean Baptiste Bokam, M. Jean Marie Aleokol [ancien secrétaire d’Etat à la Défense chargé de la gendarmerie, natif du Haut-Nyong, ndlr] et moi-même, plus bien sûr un certain nombre d’autres élites ”, a laissé entendre Joseph Le. Il pense que “ les pouvoirs publics n’ont jamais oublié la Province de l’Est ”. Joseph Le s’inscrit cependant en faux contre les revendications bruyantes comme celle d’avant-hier. “ Même lorsque nous avons des revendications à faire, il faut le faire dans le calme, il faut le faire dans la dignité ”, suggère-t-il. Mais il reconnaît quand même ce fait : le manque d’énergie électrique à Abong-Mbang “ est un problème réel ”, la ville étant quasiment plongée dans le noir depuis près de quatre mois.
L’Est accuse un géant déficit d’électricité
Il est clair que c’est l’absence d’électricité qui a provoqué l’émeute d’Abong-Mbang avant-hier. Conscient des difficultés que Aes-Sonel éprouve à rendre le service que les Camerounais attendent, le directeur général de cette société a donné un point de presse hier 18 septembre à Yaoundé. Pour Jean David Bilé, deux causes principales sont à l’origine des graves incidents de lundi dernier. Il y a d’une part “ le rationnement de la fourniture d’énergie sur le réseau alimenté par la centrale de Bertoua (…) suite à l’indisponibilité des groupes électrogènes de cette centrale ”, et d’autre part “ l’interruption totale de la fourniture à Abong-Mbang à partir du jeudi 13 septembre 2007 à 9h suite à un défaut sur la ligne de distribution reliant la centrale de Bertoua à la ville d’Abong-Mbang. ” Quatre poteaux supportant la ligne sont en effet tombés à 35 Km de la ville.
“ Dès la connaissance de la cause du défaut d’électricité le vendredi matin ”, affirme le directeur général de Aes-Sonel, une première entreprise sous-traitante basée à Yaoundé est saisie pour les réparations nécessaires. Celle-ci se désiste samedi et une autre est contactée le même jour. C’est finalement cette dernière qui transporte le matériel nécessaire sur le site des travaux dimanche. Les réparations sont effectuées lundi. Mais un autre défaut survient : “ Il est causé par la chute de bambous de Chine sur la ligne à la suite d’un orage. ” Finalement, le courant n’a été rétabli que hier matin.
Les manifestions d’Abong-Mbang traduisent un malaise qui dure depuis longtemps à l’Est. La province accuse un déficit d’énergie électrique évalué à environ 2 mégawats. Installée en 1992, la centrale de Bertoua qui alimente la province connaît d’importantes pannes. Celles-ci sont dues à un défaut de fondation se traduisant par des vibrations excessives et une récurrence de bris mécaniques, et un déficit de personnels qualifiés pour assurer la maintenance. Des solutions sont en train d’être trouvées, assure Jean David Bile. Mais dans l’immédiat, dix - neuf groupes électrogènes sont partis de Douala hier pour renforcer le potentiel de la province. Comme solution définitive, Aes-Sonel envisage d’installer, d’ici le 20 octobre 2007, deux groupes de 2 mégawats chacun à la centrale de Bertoua pour résorber le déficit dans la province.
Mais les explications du directeur général de Aes-Sonel ne peuvent convaincre que difficilement de la sollicitude de cette entreprise – en situation de monopole – qui a l’obligation d’assurer le service public à temps et à tous les Camerounais, où qu’ils se trouvent sur l’ensemble du territoire. Les incidents d’Abong-Mbang auraient pu se produire ailleurs, notamment au Sud, où les délestages sont également sévères ces derniers temps. Y a-t-il une prévision et un souci de rendre véritablement service à Aes-Sonel ?
Alexandre T. DJIMELI
Déclaration de Emmanuel Edou
Le ministre délégué auprès du ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation s’est exprimé hier à Yaoundé.
En exécution des hautes prescriptions de M. le Premier Ministre, chef du Gouvernement, nous avons sollicité la presse ce jour pour qu’à travers elle, l’opinion publique nationale et internationale soit édifiée sur les incidents violents enregistrés dans la ville d’Abong-Mbang, chef-lieu du département du Haut-Nyong, province de l’Est, en date du lundi 17 septembre 2007.
En effet, selon les premiers éléments d’information entre les mains des pouvoirs publics, suite à une coupure prolongée de l’énergie électrique dans la ville d’Abong-Mbang, les populations sont descendues en masse dans la rue pour manifester leur mécontentement.
Cette manifestation va malheureusement dégénérer en un affrontement avec les forces de maintien de l’ordre. Le bilan provisoire s’établit à deux morts, dix blessés. A ce bilan humain s’ajoute l’incendie de la préfecture et de la résidence du préfet du Haut-Nyong.
D’ores et déjà, nous transmettons aux familles éplorées et à l’ensemble de la population de la ville d’Abong-Mbang les condoléances attristées du chef de l’Etat.
Tout en déplorant les pertes en vies humaines et les importants dégâts matériels enregistrés, le Gouvernement a déjà pris un certain nombre de mesures visant à rétablir non seulement le calme et la sécurité dans la ville d’Abong-Mbang, mais aussi un fonctionnement normal des divers services publics. Au moment où nous vous parlons, nous pouvons affirmer que le calme est effectivement revenu dans la ville d’Abong-Mbang.
C’est dans ce contexte que sous l’impulsion de Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, les pouvoirs publics ont immédiatement organisé l’évacuation et la prise en charge des blessés dans des formations hospitalières adaptées. De même, ils ont œuvré au rétablissement de l’énergie électrique dans la ville d’Abong-Mbang.
Toujours dans ce train de mesures, il a déjà été mis sur pied une commission mixte d’enquête qui dispose de huit (08) jours pour déposer ses conclusions. Celles-ci devront établir clairement les responsabilités de toutes les parties impliquées dans ces incidents.
Le Gouvernement saisit par ailleurs cette occasion pour inviter fermement tous les concessionnaires des services publics à être plus attentifs aux doléances des populations et à l’avenir les désagréments tels que ceux à l’origine des incidents d’Abong-Mbang.
Enfin, un appel est lancé à l’ensemble de la population camerounaise afin qu’elle évite le recours aux manifestations violentes, sources de nombreux risques, pour exprimer ses revendications.
Je vous remercie.
Abong-Mbang-Doumé: Les populations sous haute tension
Des morts et des blessés parmi lesquels des élèves (voir LM n°2458 du 18 septembre 2007), les bâtiments de la préfecture, le domicile et le véhicule du préfet incendiés par la population en courroux, ce qui tient lieu de route nationale entre Yaoundé et Bertoua en passant par Abong-Mbang-Doumé et autres localités coupée. Voilà le triste bilan d’une émeute qui a pour origine l’insuffisance, pour ne pas parler du manque d’eau et d’électricité dans une province – l’Est – considérée comme le parent pauvre du pays, malgré ses riches potentialités économiques (le bois, l’or, du mercure et d’autres métaux précieux).
On sort pourtant d’un double scrutin au terme duquel les populations de cette province ont massivement fait confiance à ceux qui, depuis plus de vingt ans et plus, font peu voire très peu pour les sortir du Moyen-Age. On se souvient qu’en 1992, l’électorat de l’Est a flirté avec l’Undp. Une véritable passade vite brisée par le Rdpc dont les méthodes sont connues.
Ce qui s’est passé lundi à Abong-Mbang est révélateur du malaise qui règne non seulement dans cette province, mais sur l’ensemble du pays où les populations sont maintenues dans un état de pauvreté extrême. Mais au fil des scrutins, depuis 1992, on donne l’impression que les Camerounais sont si stupides et naïfs qu’ils ne peuvent même pas exprimer un vote-sanction contre les bourreaux qui les tiennent en otage.
Ils ne sont pourtant pas dupes, puisqu’ils vont de moins en moins voter. Sachant que cela ne leur apporte pas le mieux-être auquel ils aspirent et auquel ils ont droit. Comme le dit Bertrand Feumetio dans son dernier livre sur la pauvreté en Afrique subsaharienne, la pauvreté et la misère sont au Cameroun “l’aboutissement d’un programme politique. La paupérisation des populations, la misère du monde rural, la clochardisation des agents publics sont, à 50 % le résultat de l’action gouvernementale”. En donnant le Rdpc gagnant dans toutes les actions alors que le pays patauge dans la gadoue de la mal vie, “ les Camerounais apparaissent, avec les émeutes de lundi dernier à Abong-Mbang comme ces enfants qui, aux dires de l’auteur cité ci-dessus, expriment une colère dévastatrice au moment d’un châtiment ou d’une injustice, mais qui, l’instant d’après, oublient tout et sautent au cou de leur bourreau si celui-ci leur tend quelques friandises. Ils sont dans un état de résignation clôturée. ”
Avec la révolte d’Abong-Mbang, les Camerounais ne sont pas à la première du genre. Par le passé, il y a eu Obala, Mbalmayo, Ayos voire les banlieues de Yaoundé. Les élites du Haut Nyong sont allées une fois encore dans “leur village” calmer les esprits. Mais du sang qui a coulé, qu’en sera-t-il et de ces parents qui perdent ainsi des enfants sur lesquels, malgré tout, reposait au moins l’espoir de la perpétuation de leur lignée. Tout cela parce qu’un Etat n’arrive plus à assurer le minimum. Ce que vivent dans leurs chaumières les habitants d’Abong-Mbang, les industriels le décrient tous les jours.
Ainsi va le Cameroun !
Jacques Doo Bell
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Rédaction de Cameroon-Info.Net |
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