Ils s’appelaient Charles Mvogo et Jean-Noël Shimpe Poungou Zok. L’un était âgé de dix sept ans, élève au lycée technique d’Abong-Mbang, et l’autre de 15 ans, étudiant en électricité. Ils sont morts sous la tension qu’a véçue leur village, du 14 au 17 septembre 2007. Un lundi fatidique et terrible, un lundi noir de septembre qui fit frissonner l’actualité.
Tandis que la politique battait grand train, et que les élites arrosaient le village avec force ripailles, les populations, épuisées par un quotidien sans eau, ni électricité, étaient déjà au bord de la crise. Mais qui fera attention ? Habitués aux rudesses paysannes, nul ne pouvait s’attendre à ce cri qui déchira le voile léger d’un pays qui vit en paix. Les secousses d’Abong-Mbang ont la valeur symbolique d’une tornade. C’est un tourbillon de menaces, de signes qui doivent être lus comme des messages forts. La progression du mouvement, le fait qu’à aucun moment, on ait pu prévoir le pire, montre que les différentes autorités n’ont plus le contrôle tant social que politique de la localité.
Il y eu du sang, il y eu des cris, puis, finalement, deux morts. La révolte des populations d’un petit village de l’Est du Cameroun n’est qu’un de ces nombreux temps de refus qui essaiment la vie d’un pays réputé stable et en paix. La guerre des pauvres, celle qu’ils mènent tous les jours avec les moyens de la faim, ne réussit pas à transformer le refus d’un moment en un temps de construction pour d’autres alternatives. Les Regards de cette semaine vont s’efforcer de comprendre pourquoi l’essai n’est-il jamais transformé ?
Revenons sur les faits et l’événement de ce week-end rouge sang. Vendredi 14 septembre, la localité vibre. Elle gronde sous la colère. La tension monte. Lundi 17 septembre, le drame éclate, la confrontation tourne au drame : deux morts.
A Abong-Mbang, petite bourgade de quelques milliers d’habitants, un fil a sauté après plusieurs semaines d’obscurité. Enclavé et mal alimenté, Abong-Mbang ressemble à ces nombreux villages du Cameroun dans lesquels des élites ont réussi à tirer des fils pour “ mettre l’électricité ” sans qu’un système cohérent de distribution n’alimente régulièrement le village. La distribution de l’électricité dans les zones rurales a toujours été affaire de fils que l’on tire, de transactions sommaires et de calculs politiciens, sans que le système soit précis. Aujourd’hui, les pannes successives, la vétusté des installations pèsent sur le quotidien. Il suffit d’un rien pour que des siècles de pauvreté, des années de misère, explosent en une révolte qui s’éparpille en de morceaux de colère. Aujourd’hui, Abong-Mbang. Et demain à qui le tour ?
L’absence d’une politique énergétique digne de ce nom a plongé le pays dans l’obscurité et l’archaïsme. Aes-Sonel, malgré une campagne de communication pugnace, ne peut pas faire oublier son absence de politique prospective. Elle ne réagit que par coups et ne semble pas avoir fait le bon diagnostic des situations.
En se focalisant sur les grandes masses, sans établir comment les fils passent dans des villages pas loin des chefs-lieux, elle s’expose et expose les populations et le pays à des crises sociales graves avec des émeutes incontrôlées.
Il arrive régulièrement que des petites bourgades soient privées d’électricité pendant des semaines. Et la révolte d’Abong-mbang impose un véritable état des lieux. Mais, comme à l’accoutumée, on panse la blessure en laissant de côté les causes de la maladie. On croit avoir fermé les vannes de la révolte, mais le sang continue de couler par les plaies béantes. La révolte d’Abong-Mbang est un langage. Une grammaire de la révolte et du refus, dont la syntaxe, malheureusement, a du mal à évoluer. Elle est symptomatique, dans sa forme comme dans sa durée, dans ses conséquences comme dans ses attendus, des modalités actuelles de la capacité du peuple camerounais à refuser et à résister.
Elle traduit l’absence d’encadrement des luttes et d’une organisation constante des citoyens sur des perspectives politiques claires. Mais, elle témoigne aussi du fossé qui se creuse entre les élites locales qui ont demandé les voix au clan pour aller “prendre leur part du gâteau national ”, et la réalité de ceux qui sont restés au village, croyant qu’en ayant un fils ou une fille dans la mangeoire, ils allaient voir le village se développer.
Le divorce peut être consommé. Et le mythe du partage du gâteau est sérieusement écorné. On peut comprendre désormais que la logique de l’équilibre régional au niveau de la technostructure politique n’a pas pour effet de favoriser le développement régional. Il s’agit juste d’une captation des élites pour les empêcher de se retourner contre le pouvoir central. Le fait que de nombreux villages se trouvent dans la même situation, malgré la présence de certaines élites au gouvernement signifie bien que la politique de dosage ethnique n’a jamais été un facteur d’intégration nationale et de développement régional. Il y a plus : la capacité d’agir des populations limitées à cette révolte de gueux, qui expriment leur rage par le feu, en brûlant la maison d’une autorité, dénote de la fin de plusieurs règnes.
A l’évidence, le préfet, ce chef de terre superpuissant qui terrorisait les populations, n’a plus la même autorité. Il a été dépouillé de son pouvoir, désacralisé et plus personne n’a peur de lui. C’est le cas des autres autorités traditionnelles : elles n’ont plus la capacité de contrôle social sur la bourgade. C’est la fin des monopoles de pouvoir et des autorités charismatiques, au sens du sociologue Weber.
La révolte met en exergue cette crise de l’autorité protéiforme et pluridimensionnelle, l’incompétence des autorités traditionnelles (qu’elles fussent administratives ou culturelles) la mauvaise politique énergétique de l’Etat et son allié Aes-Sonel, la désorganisation des populations et, surtout, leur l’impasse.
Albert Memmi analyse la manière dont se construit les systèmes de refus. Il décrit, de manière graduelle, les émeutes, les mutineries et projette que si tous ces moments de révolte étaient construits, alors il y aurait “ bouleversements ” et “ révolution ”. Il ajoute que le cycle de la révolte ne peut produire les effets de bouleversement de l’ordre, que si celui-ci n’est pas “ spontané ” malgré la récurrence du mouvement.
Pourquoi donc ces mouvements, ces secousses sans suite ?
C’est bien la problématique que suggèrent tous ces événements : moment d’humeur, de colère qui finissent par se tasser, après quelques morts, des transactions, des déclarations, des négociations. Comment expliquer le peu de suivi dans ces éclats de révolte, ces cris sans fin, ces colères noires ? Comment comprendre la concentration de violence en ces moments cycliques avec un sommet de l’asymptote où il faut toujours compter les morts ? Sans que rien ne vienne changer l’existant ? C’est sans doute parce que la lutte politique s’est polarisée sur les questions institutionnelles (Etoudi, Ngoa-Ekelle) et que les élites politiques rôdent à Yaoundé, en attendant un fauteuil, un siège ou tout simplement le trône.
C’est que si le pouvoir a abandonné les villages, les élites politiques l’ont fait aussi et que rien ne vaut la régionalisation, pour une meilleure gestion des zones rurales avec leur spécificité et leur inégalité de développement.
C’est que la politique dite de dosage ethnique, où les élites demandaient des suffrages pour sauver le village, est un échec. Avec ces émeutes, un nouveau cycle de la politique s’ouvre. Il faut savoir lire les signes de la révolte et comprendre les raisons de la colère. Mais il y a plus : la décentralisation, en tant que projet politique qui permet de maîtriser le développement d’un pays comme le Cameroun, devient mieux qu’une urgence. C’est une urgente nécessité.
bebeto | La décentralisation ??? Mon œil, si c’est celle de Biya nous allons attendre longtemps. Ils sont les seuls maître à pédaler, lui et sa clique ; tous les autres Camerounais qui ne sont pas du clan ne ‘’peuvent ‘’pas diriger d’après eux. Nous n’avons que les larmes pour pleurer nos enfants. Et les projets de construction des barrages pour augmenter l’énergie au Cameroun où en sommes-nous ??? Les dossiers y afférant, bien que initiés par les grands groupe étranger soucieux de créer des emplois et aussi de l’énergie propre dans notre pays n’aboutissent pas car les fonctionnaires bloques par ce qu’ils attendent d’être remercié par des grandes enveloppes pour débloquer la situation. Et dans tout çà, Biya ne dit rien et rien n’avance… Quelle honte !!! Où sommes-nous ??? Même l’illettré AHIDJO a mieux fait. |
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