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Emeute: La police tire sur des élèves à Kumba


Click to jump to 'Mutations'KUMBA - 12 NOV. 2007
© Eugène Dipanda, Mutations

Ngome Herbert Nkwele, élève en classe de 4ème, est mort sur le champ; Des édifices incendiés et des blessés par balle; Le préfet à l’origine de l’escalade.
 
Kumba: Au cœur d’une poudrière…

Des élèves ont tapageusement manifesté dans les rues pour le retour de l’énergie électrique et l’aménagement de la route qui mène à leur lieu d’étude. Sur ordre des autorités, policiers et gendarmes les ont violemment repoussés. Avec des gaz lacrymogènes et des balles réelles. Bilan provisoire : un mort et plusieurs blessés dans un état très critique.

Aux alentours des bâtiments publics de la ville, les forces de l’ordre sont comme sur le pied de guerre. Depuis la nuit de vendredi, 09 novembre 2007, ils y ont été déployés pour tenter de sécuriser ce qui peut encore l’être. Samedi matin, sur certains axes routiers de Kumba, les empreintes de la violence perpétrée quelques heures plus tôt, sont encore bien visibles. Les cendres de pneus incendiés se retrouvent un peu partout. Quelques-uns sont encore incandescents. Une odeur de souffre est perceptible dans l’air. De grosses pierres jonchent la chaussée. Elles ont manifestement servi d’arsenal aux belligérants. Dans les services de la police et de la gendarmerie, les agents assurant la garde ont l’air plutôt épuisés. Certains d’entre eux ont des sparadraps collés sur la tête et d’autres parties de leurs corps. Inutile de les interroger sur le pourquoi du comment. Ils semblent avoir reçu l’ordre de ne parler à personne. Que s’est-il donc passé ?

Comme Mutations l’indiquait déjà dans son édition du jeudi 08 novembre dernier, des élèves du lycée classique dénommé Cameroon College of Arts and Science (Ccas), les collégiens du Governement Technical College (le Cetic) et ceux du lycée technique de Kumba, ont fait une descente en masse dans les rues de la ville mercredi, 07 novembre, pour protester contre la "longue coupure" de courant électrique dans leurs établissements et dans le quartier estudiantin voisin, où résident certains de leurs camarades. Depuis une dizaine de jours en effet, la fourniture d’énergie électrique s’était interrompue, contraignant les élèves, internes et externes, à s’éclairer à la lampe tempête pour réviser leurs cours. Pendant la même période, ils n’ont pas moyen non plus d’effectuer leurs travaux pratiques en ateliers ou dans les laboratoires. Pareils pour les cours d’informatique, impossibles pour des raisons évidentes. Le mouvement d’humeur, rapportait alors votre journal, a aussitôt été étouffé par les forces de l’ordre. Selon des témoignages concordants, après une tentative de négociation vaine, les autorités administratives du département de la Meme, et notamment le préfet, Magloire Abath Zangbwala, auraient donné l’ordre aux policiers et aux gendarmes de repousser les manifestants, qui avaient entrepris une marche vers l’agence Aes-Sonel. Des gaz lacrymogènes et des matraques ont servi pour la cause, affirment les élèves. En réplique, "nous leur avons lancé des cailloux", soutient un élève de la classe de seconde au Ccas. On dénombre quelques blessés de part et d’autre.


Intifada

Sur ces entrefaites, le pare-brise arrière du véhicule de fonction du commissaire central, M. Ella Menye Fils, est réduit en cristaux. Plusieurs manifestants, une vingtaine selon les témoins, sont interpellés et gardés à vue par ses éléments. Les filles policières sont chargées de traquer les grévistes jusque dans leurs dortoirs. Leurs effets scolaires, affirment-ils, sont détruits et leur argent arraché. "Certains parents se sont rendus au commissariat central pour donner à manger aux enfants et essayer d’obtenir leur libération. Le commissaire a refusé que les repas soient servis aux élèves, exigeant plutôt que chaque détenu lui verse la somme de 25.000 francs Cfa pour l’achat d’un nouveau pare-brise…", révèle un autre élève du Ccas.

Dans le même temps, une forte rumeur circule dans la ville. Selon des témoignages divers, le préfet aurait décidé d’une détention administrative de 30 jours pour les élèves détenus. D’aucuns ont même évoqué un éventuel déferrement à Buea. Vérité ou affabulation ? En tout cas, face au durcissement présumé de la police, les autres élèves ont décidé de changer de stratagème. Entre-temps, aucun responsable d’établissement n’essaye d’apaiser la tension. Le principal du Ccas, Muelle Kunz Mbai, lui, semble dépassé par les événements. Ses élèves l’ont maintenu bloqué dans l’enceinte de l’établissement ; tandis que le délégué départemental des Enseignements secondaires est simplement porté disparu.

Le courant électrique a enfin été rétabli. Mais, une "réunion stratégique" des élèves se tient, dit-on, dans la nuit de jeudi, 08 novembre. Tôt le matin de vendredi, ils se remettent en ordre de bataille pour libérer leurs camarades. Leurs rangs sont grossis par une foule nombreuse de badauds et de moto taximen. Vers les coups de 9h, un nouveau commando va s’ébranler en direction du centre-ville. Au niveau de Kumba-Mbeng Bridge, le pont reliant la ville à la zone estudiantine, la route est aussitôt barrée par un énorme conteneur. Des pneus usés trouvés non loin de là sont incendiés et placés en travers de la chaussée. Informés du regain de tension, les forces de l’ordre redonnent l’assaut. Les gaz lacrymogènes et les gourdins ne suffisent pas à dissuader les manifestants, dont le nombre ne cesse de grossir à mesure qu’ils avancent. Cette fois, policiers et gendarmes vont se servir de leurs armes à feu. Au lieu dit Ccas Junction, ils tirent à balles réelles en direction de la foule. Ngome Herbert Nkwele, élève en classe de 4e au Government Technical College (Cetic de Kumba), est atteint en pleine tête. Il meurt sur place…


Un mort

"Pendant plus d’une heure, les balles ont crépité sans discontinuer. Les policiers tiraient en l’air et vers les élèves", indique un témoin. D’autres manifestants sont, en effet, atteints par balles. Une dizaine de cas critiques sont conduits à l’hôpital de district de Kumba et au Banga-Bakundu Hospital. Côté policiers et gendarmes, on compte également des blessures, quoique légères pour la plupart. Mais, d’un côté comme de l’autre, personne ne semble vouloir capituler. On eût d’ailleurs dit que c’est la quasi-totalité des populations de Kumba qui ont pris fait et cause pour les élèves, après le décès d’un des leurs. Du coup, les grévistes avancent plus vite. Malgré les coups de feu. Une station-service de la société Total est envahie. Des cocktails Molotov sont confectionnés. En nombre limité, les forces de l’ordre reculent progressivement. Le véhicule personnel d’un gendarme venu le faire laver non loin de là, est totalement consumé. La chasse aux hommes en tenue est ouverte. Les effets personnels de M. Eka Njume, un inspecteur de police réputé arnaqueur, selon les taximen de la ville, sont détruits à son domicile. Il est demandé à tous les chefs d’établissements de la ville de Kumba, de mettre leurs élèves "en congé" et de fermer leurs portes. Le préfet Magloire Abath Zangbwala, dit-on, est allé se réfugier à la compagnie de gendarmerie de Buea Road.

Plusieurs édifices publics (voir texte ci-contre) seront visités par les grévistes. Et même le commissariat central ne résiste pas à la pression. L’un de ses bâtiments annexes, qui sert de réfectoire, est partiellement consumé. Les agents de garde se voient obligés d’ouvrir grand les portes des cellules. Avant de se barricader eux-mêmes dans leurs locaux. Les élèves interpellés la veille sont délivrés. Tout naturellement, d’autres prévenus en profitent. L’agence Aes-Sonel est également attaquée et mise à sac. Pareil à la représentation locale des Brasseries du Cameroun. Sauf que, ici, plutôt que de casser et de brûler, les assaillants ont simplement bu et emporté d’importantes quantités de bière. Un autre front, armé de machettes, se crée au quartier Fiango. Le commissariat de police du 1er arrondissement, logé provisoirement dans un conteneur, est entièrement carbonisé. Une jeune gardienne de la paix est entièrement déshabillée et tabassée. Les scènes de pillages seront cependant stoppées au moment où des éléments du Groupement mobile d’intervention (Gmi) de Buea et de Douala arrivent en renfort à Kumba. A l’arrivée du Gmi, en effet, les forces de l’ordre ont progressivement repris le contrôle de la ville. La circulation a été interdite. Et, ceux qui se hasardaient à sortir de chez eux sans carte nationale d’identité, étaient interpellés et sommés de s’asseoir à même le sol, dans la boue. Petit à petit, un calme relatif est revenu à Kumba. Toute la nuit de vendredi à samedi, des coups de feu, apparemment dissuasifs, ont néanmoins continué à tonner dans le ciel.


Dégâts: Des symboles de l’Etat comme cibles

La sous-préfecture, la délégation du Minesec, les commissariats de police, les Impôts… ont tous reçu la visite des mécontents.

L’image est saisissante. Samedi en fin de journée, de nombreuses feuilles blanches jonchaient encore la pelouse recouvrant la devanture de la sous-préfecture de Kumba. Des policiers, une dizaine, sont allongés à l’entrée. On remarque de gros trous au niveau de la toiture, partiellement arrachée. Certaines portes et les battants des fenêtres ont sauté. Selon toute vraisemblance, le groupe de manifestants en voulaient spécialement aux occupants des lieux. "Tout Kumba est convaincu que les autorités n’ont pas bien géré le mécontentement des élèves. C’est la raison pour laquelle les manifestants s’en sont pris aux bâtiments de l’Etat", croit savoir un chauffeur de taxi rencontré dans la ville. Ici d’ailleurs, la gravité des dégâts et la perte de l’ensemble des documents administratifs sont telles que le service public assuré par le sous-préfet Kouam David, pourrait être fortement hypothéqué dans les jours qui viennent.

La délégation départementale des Enseignements secondaires pour la Meme, elle, n’a pas été saccagée. Simplement parce que le bâtiment abritant ce service est la propriété d’un particulier. Toutefois, l’enseigne du Minesec accrochée sur son fronton a été démontée. Une clémence dont ne bénéficiera pas le service local des Impôts, dont le siège a également subi les attaques des manifestants. Aucun bilan officiel n’est encore fait. Mais, plusieurs documents et une partie du local ont été abîmés.


Préjudices

Au lendemain de l’antagonisme, ce qui semble cependant laisser tout le monde interloqué à Kumba, c’est la vulnérabilité dont ont fait montre les forces de maintien de l’ordre. Confiné dans leurs derniers retranchement par une foule en furie, ils ont déserté leurs locaux et ôter, pour certains, leurs tenues de flics afin de se mettre à l’abri. Résultats des courses : le conteneur qui servait de local au commissariat du 1er arrondissement a été carbonisé avec tout son contenu. Samedi, une mince colonne de fumée y était encore visible. Juste à côté, les murs d’une maison en construction ont été réduits en bris de parpaings. Selon les habitants du quartier Fiango, c’est ce bâtiment en chantier qui abritera les futurs bureaux du commissariat du 1er arrondissement.

Le commissariat central de la ville, lui, a connu moins de dommages. En dehors du réfectoire partiellement touché, le reste est sauf. "Là-bas, les manifestants ne voulaient que libérer les élèves. Dès qu’ils ont commencé à envoyer les cocktails Molotov, les policiers ont vite ouvert la cellule, et les manifestants sont repartis en courant…", affirme un témoin.

Ces derniers passeront cependant plus de temps au siège de Aes-Sonel. Ici, hormis les documents, les ordinateurs de la société chargée de la distribution de l’énergie électrique, ont été détruits et brûlés. Idem pour les deux véhicules pick-up trouvés au parking. A l’entrée du bâtiment actuellement gardé par les policiers, c’est le même spectacle désolant qu’à la sous-préfecture : la cour a pris la couleur blanche des papiers qui la recouvrent. Les Brasseries du Cameroun, elles, ont eu quelque chose à offrir pour préserver leur bâtiment et leurs documents : tout un pick-up de bière !

E. D.


Martyrs: Les acteurs du Far West

L’hôpital de district de Kumba a reçu le corps inerte d’un élève, et cinq autres personnes blessées par balles.

Le maire Rdpc de la commune urbaine de Kumba 1er, ne décolère pas. "Je n’ai pas apprécié qu’on utilise des balles réelles contre les populations. Il existe des méthodes de répression plus souples, comme l’usage des balles en plastique ou la pression d’eau. Mais, utiliser des pistolets-mitrailleurs me semble barbare et inacceptable", déclare Prince Ekale Mukete. En effet, à l’hôpital de district de Kumba, le principal centre hospitalier de la ville, certains visiteurs retiennent à peine leurs larmes. Le corps du petit Ngome Herbert Nkwele habillé de sa tenue de classe, est au frais à la morgue depuis vendredi dernier. Pendant ce temps, plusieurs autres manifestants touchés par les balles des policiers sont entre la vie et la mort.

Le cas le plus inquiétant est celui de Tchambanue Derrick, qui a reçu une balle à la tête. Après une tentative vaine des médecins de Kumba de le tirer d’affaires, samedi matin, il a été évacué d’urgence vers l’hôpital général de Douala. Selon le personnel traitant de l’hôpital de district de Kumba, sa vie est réellement en danger.

Malgré la douleur atroce qu’il continue de ressentir, Pius Tabot, 16 ans, a manifestement plus de chance de se remettre de la balle qu’un policier lui a logée au niveau de l’avant-bras. Il a été interné à l’hôpital de district samedi en fin d’après-midi, après un séjour au Banga-Bakundu Hospital où il a subi une intervention chirurgicale. Ashu Mbeng Ferdinand, 26 ans (une balle au pied), Napoléon Muango, 20 ans et élève au lycée technique (une balle au dos), ainsi que le nommé Moange Ngoe, 33 ans (une balle au bras), sont également passés par le bloc opératoire. Dans la journée de samedi, ils avaient déjà tous été débarrassés des pruneaux logés dans leurs corps lors des affrontements. Par ailleurs, au Banga-Bakundu Hospital où quatre blessés ont été conduits, des sources hospitalières indiquent qu’un élève du Ccas a été amputé du gros orteil droit, préalablement bousillé par une balle.

La plupart des blessés moins graves, sont retournés chez eux après avoir subi des soins. Gratuitement. Parmi eux, quelques policiers, dont l’inspecteur Carine Mengue, attaquée alors qu’elle se trouvait au domicile du commissaire central Ella Menye Fils ; et les officiers Ekwalla et Obama, atteints par les projectiles des manifestants.

E. D.


Regard: Comme Abong-Mbang

On a beau retourner l’affaire dans tous les sens, on a toujours du mal à comprendre au nom de quoi les hommes en tenue peuvent se permettre d’ouvrir le feu sur des manifestants certes teigneux, mais désarmées.

Pis encore, les policiers et les gendarmes de Kumba ont agi sur ordre du préfet de la Meme, Magloire Abath Zangbwala, affirme-t-on. Une décision d’une gravité extrême, qui interpelle sur ce droit de vie et de mort que les "chefs de terre" semblent désormais s’arroger à travers le pays. Les événements d’Abong-Mbang sont encore frais dans les mémoires. Sylvestre Essama, le préfet du Haut Nyong, avait été accusé d’avoir tiré sur les jeunes Marcel Bertrand Mvogo Awono et Jean Jaurès Shimpe Poungou Zok. On attend toujours de connaître les résultats de l’enquête ouverte pour établir sa responsabilité.

En attendant, c’est Magloire Abath Zangbwala qui fait parler de lui. Qu’est-ce qui justifie donc le choix des autorités ? Personne, pour l’instant, ne peut en dire un mot. Toujours est-il que, selon le président du Réseau associatif des consommateurs de l’énergie (Race), Paul Gérémie Bikidik, "En choisissant de réprimer systématiquement dans le sang les manifestations pour l’électricité, les autorités se font complices des pratiques criminogènes de cette entreprise incompétente (Aes-Sonel, Ndlr), dont la seule préoccupation est de faire du profit à tout prix".

La société distributrice d’énergie électrique a pourtant des arguments à faire valoir. Dans une "Mise au point" conçu pendant le week-end, le Dg de Aes-Sonel, Jean David Bilé reconnaît que "Le transformateur qui alimente le lycée technique, le Cetic de Kumba et ses environs a connu une avarie le 30 octobre 2007". Mais, poursuit-il, "Les équipes Aes-Sonel commencent la vérification des installations du Lycée et constatent plusieurs tripatouillages notamment sur les appareils de comptage. Interrogé, le proviseur met en cause un agent Aes-Sonel. Après enquête, il s’agit plutôt d’un technicien de fortune, un faux agent Aes-Sonel aujourd’hui interpellé par les forces de l’ordre..."

Toutefois, ce qui choque dans cette affaire, ce n’est pas tant sa genèse, mais davantage la manière dont la crise a été gérée. Les responsables d’établissements, le délégué départemental des Enseignements secondaires, la préfectorale, etc., se sont tous montrés attentistes. Aucune autorité locale n’a été capable d’organiser la moindre concertation avec les élèves, question de les rassurer et de contenir leur courroux. Le plus drôle est que Magloire Abath Zangbwala s’est permis de venir narguer les blessés sur leur lit d’hôpital. "Vous avez voulu défier la police, voilà donc le résultat. Cela vous apprendra", a dit le préfet, décriant au passage les blessures reçues par les policiers et… la dégradation de la chaussée causée par les brûlures de pneus. A entendre les commentaires qui se font dans les quartiers de la ville, Kumba ne serait qu’un volcan endormi. On craint une résurgence de la violence…

Eugène Dipanda
 
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Rédaction de Cameroon-Info.Net
 
(c) 2000-2007 Cameroon-Info.Net. [ Hits: 5537 Réactions: 41 Transferts: 6 ]

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