Emeutes de Dakar : situons les responsabilités
Après les malheureuses émeutes intervenues dans certains quartiers de Dakar et de sa proche banlieue et consécutives à la libération de la voie publique par des occupants irréguliers, des voix (Démocratie citoyenne, Raddho) commencent à s’élever par ci par là pour en attribuer la responsabilité à celui-ci ou à celle-ci. Reconnaissons quand même que ces jeunes qui travaillent au rond-point Sandaga, sur Lamine Guèye, Blaise Diagne, etc. sont nos propres enfants, nos neveux ou frères. Acceptons que le travail qu’ils font génère des revenus qui sont redistribués à la collectivité nationale. Penser que tous ces jeunes viennent directement du milieu rural, c’est se tromper. Il y a parmi eux des jeunes qui n’ont jamais dépassé le croisement de Diamniadio ! Fuyant la sécheresse des années 68, leurs parents sont venus s’installer à Pikine, Yeumbeul, dans les Parcelles Assainies, à Thiaroye, Guinaw Rail, Nietty Mbar, etc. Même s’ils ont des racines rurales, il reste que ces jeunes sont nés dans les départements de Dakar et de Pikine. Au même titre que leurs frères de la Médina, ils sont d’authentiques ‘boys Dakar’.
Fuyant une terre chaque jour plus ingrate qui ne leur donne aucune perspective, les jeunes ruraux ont rejoint à Dakar d’autres jeunes victimes d’un système d’éducation et de formation inadapté, une véritable fabrique de sans emplois. Ayant dépassé l’âge d’apprentissage d’un métier et ne pouvant plus continuer des études (primaires, secondaires ou supérieures), que reste-t-il à ces jeunes à la fleur de l’âge ? Des jeunes qui ne veulent que participer au développement de leur pays ?
Tous nos compatriotes, au premier rang desquels le président Wade et le maire Pape Diop, reconnaissent l’utilité du travail de ces vendeurs à la sauvette, de ces laveurs de voitures et vendeurs de journaux, de ces mécaniciens, plombiers, électriciens, tôliers, etc. prêts à dépanner avec plaisir en tout lieu et en tout temps. Mais nous sommes également tous d’accord que la chaussée est réservée aux véhicules, le trottoir aux piétons et le magasin au commerçant. Le jour où il n’y aura plus de trottoirs, piétons et automobilistes se partageront la chaussée (c’est déjà le cas) et bonjour les dégâts.
Situant les responsabilités, des compatriotes de Démocratie citoyenne et de la Raddho ont, sans aucun argument valable, demandé la démission du maire Pape Diop. Entendons-nous bien ! Je ne connais Pape Diop ni d’Adam ni d’Eve mais je peux affirmer, sans risque d’être démenti, que c’est un homme qui travaille sans tambours ni trompettes. On oublie souvent que de 06 h du matin à 23 h Pape Diop n’administre pas seulement les habitants de la commune de Dakar dont il est le maire mais ceux venant de toute la région de Dakar. Pour une raison ou pour une autre, les populations de Diamniadio, Bargny, Rufisque, Pikine/département, Guédiawaye/département, etc. convergent tous vers la commune de Pape Diop qui doit assurer leur sécurité, leur fournir des lieux pour exercer leur travail, pour leurs besoins naturels, nettoyer après leur départ, etc. Pourtant ces travailleurs versent des taxes aux mairies d’arrondissement de Dakar-Plateau, de la Médina, de Colobane-Fass-Gueule Tapée. Mise à part la mairie d’arrondissement de Gorée, qui des 17 autres mairies d’arrondissement et des 2 communes (Pikine et Guédiawaye) fait quelque chose pour les populations ? Pourtant la mairie de Dakar verse des fonds de dotation aux 18 mairies d’arrondissement. Si les maires d’arrondissement avaient fait ce qu’ils devaient faire, leurs jeunes administrés n’auraient pas convergé vers le centre de Dakar et rendre impossible la circulation au cœur de la capitale. N’en déplaise à nos honorables maires d’arrondissement, ils portent une lourde responsabilité dans les émeutes dites des marchands ambulants.
Dans le domaine de la santé, on oublie souvent que le Centre hospitalier municipal Abass Ndao financé par la mairie de Dakar reçoit les malades venant de toute la région de Dakar, des autres régions et même des pays de la sous-région ? Quelle mairie de plein exercice ou quelle mairie d’arrondissement participe un tant soit peu aux frais de fonctionnement de cet important hôpital qui abrite le Centre national anti-diabéte Marc Sankalé ? Je défie un seul maire d’arrondissement d’oser dire qu’il participe au fonctionnement de ce centre. Pourtant, la santé fait partie des compétences transférées. Au lieu de tirer sur le Maire Pape Diop, encourageons-le plutôt tant il est vrai que le ‘Waay Goor’ démultiplie les forces de quelqu’un.
Alassane Oumar BA
Banlieusard
Pikine / Khourounar
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