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Le Pakistan s'enfonce dans la crise

Par Munir Ahmad AP - Lundi 5 novembre, 21h39

ISLAMABAD, Pakistan - Déterminé à étouffer la contestation consécutive à l'instauration samedi de l'état d'urgence, le pouvoir pakistanais a lancé lundi ses forces de police contre des milliers d'avocats, juges et militants, qui protestaient contre la décision du général-président Pervez Musharraf, également dénoncée par plusieurs pays alliés, à commencer par les Etats-Unis.

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Depuis samedi soir, entre 1.500 et 1.800 personnes ont été arrêtées au Pakistan, a reconnu un responsable du ministère de l'Intérieur s'exprimant sous couvert d'anonymat. Un porte-parole du parti de l'ancien Premier ministre Nawaz Sharif évoquait quant à lui l'interpellation de 2.300 partisans de sa formation, tandis que d'autres mouvements d'opposition avançaient le chiffre de 3.500 arrestations.

Soucieux de ne pas se couper de ses appuis internationaux, Pervez Musharraf a informé les ambassadeurs de plusieurs pays alliés que ses mesures d'exception se justifiaient par le fait que "le système judiciaire paralysait différents organes de l'Etat et créait des blocages dans la lutte contre le terrorisme", selon l'agence de presse officielle APP. L'ancien putschiste, arrivé au pouvoir par la force en 1999, a assuré qu'il s'emploierait à rétablir la démocratie. Les élections législatives initialement prévues en janvier 2008 pourraient toutefois être reportées d'une année.

Ces explications n'ont pas convaincu Washington. Le président George Bush a souhaité que les élections législatives se tiennent et que M. Musharraf quitte la tête de l'armée "dès que possible". Le message a été transmis au président pakistanais par la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, qui l'a appelé depuis son avion.

L'appel a eu lieu alors que Mme Rice revenait du Proche-Orient, d'où elle avait publiquement invité le président pakistanais à honorer sa promesse de "retirer son uniforme" afin de ne plus être rattaché à l'armée et rétablir le pouvoir civil.

"Je voudrais être très claire. Nous pensons que la meilleure voie pour le Pakistan est un retour rapide au respect de la Constitution et à la tenue d'élections", a-t-elle déclaré devant la presse à Ramallah, en Cisjordanie, tandis que l'ambassade des Etats-Unis au Pakistan annonçait le report d'une réunion du groupe consultatif de défense américano-pakistanais prévue cette semaine à Islamabad.

Si Washington et Londres ont agité la menace d'un réexamen de leur assistance au Pakistan, le gouvernement néerlandais est allé plus loin en annonçant lundi le gel de son aide à ce pays pour la fin 2007 et l'année prochaine.

Dans le même temps, des policiers armés de grenades lacrymogènes et de matraques se heurtaient dans plusieurs grandes villes pakistanaises à des avocats qui tentaient de manifester contre le régime d'exception du général-président.

Le plus vaste rassemblement a vu environ 2.000 avocats se réunir dans les locaux de la Haute Cour de Lahore, dans l'est du pays. Des centaines de policiers ont investi le tribunal, frappant à coups de matraques les manifestants qui scandaient "Musharraf dehors!" et qui ont riposté par des jets de pierres.

La police a finalement embarqué environ 250 avocats dans des fourgons qui attendaient à proximité, comme l'a constaté un reporter de l'Associated Press.

Des affrontements moins graves ont également été signalés à Karachi, la capitale, où une centaine d'avocats ont été arrêtés, ainsi qu'à Rawalpindi et à Multan.

De son côté, le plus grand parti religieux du pays, Jamaat-e-Islami, a fait état de l'arrestation de plus de 500 de ses partisans depuis dimanche. La police a confirmé que Qazi Hussain Ahmed, le leader de la formation islamiste, et son bras droit Syed Munawar Hasan avaient été assignés à résidence à Lahore.

Parmi les autres opposants déjà emprisonnés ou en résidence surveillée figurent Javed Hashmi, président par intérim du parti de Nawaz Sharif, Imran Khan, ancien champion de cricket devenu homme politique, Asma Jehangir, chef de la Commission (indépendante) des droits de l'Homme du Pakistan, et Hamid Gul, ex-chef des services de renseignement.

Dans ce contexte de répression, alors que les chaînes de télévision privées restait interdites d'antenne, la police a investi lundi une imprimerie de Karachi appartenant au plus grand groupe de presse du pays pour bloquer la publication d'"Awam" (le peuple, NDLR), quotidien du soir en langue ourdoue. AP

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