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Une "folie tribaliste" au Kenya qui choque les victimes

Par Tim Cocks Reuters - Samedi 26 janvier, 16h53

NAKURU, Kenya (Reuters) - Les cadavres de Kényans assassinés - adultes et enfants - s'amoncellent samedi dans la morgue de Nakuru. Certains portent des traces de machettes, d'autres ont été percés par des flèches et des lances qui les ont sans doute achevés.

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Tous ont été brûlés, leur membres et leur doigts sont recroquevillés et leurs visages figés par l'horreur.

Au moins 27 personnes ont péri ces deux derniers jours dans des affrontements entre gangs ethniques rivaux à Nakuru, une localité située dans une partie particulièrement photogénique de la vallée du Rift, autrefois très fréquentée par les touristes.

Avant vendredi, le secteur avait été épargné par les violences qui en quelques semaines ont fait au moins 700 morts dans ce pays et chassé 250.000 personnes de chez elles. La situation a basculé après la présidentielle du 27 décembre et la victoire contestée du président sortant Mwai Kibaki.

Des policiers déchargent 16 corps carbonisés d'un pick-up. Des badauds, choqués, regardent ailleurs à chaque fois que l'un des cadavres est jeté par terre. Une femme ne peut retenir ses sanglots et part en courant.

"Je n'ai jamais connu cela au Kenya", dit un homme bien habillé, le visage baigné de larmes. "Je prie pour que nos dirigeants y mettent rapidement fin."

Le rival de Kibaki à la présidentielle, Raila Odinga, qui a raté de peu la victoire dans ce scrutin jugé insatisfaisant par des observateurs internationaux, crie à la fraude.

"FOLIE TRIBALISTE"

Beaucoup ont péri dans des affrontements entre tribus rivales qui ont mis en lumière de profonds antagonismes entre les différentes ethnies que compte le pays.

Comme de nombreuses victimes de violences dans ce pays, longtemps considéré comme l'un des plus stables d'Afrique, Nicodemus Adede connaissait ses agresseurs: des amis.

"Ce sont des gens qui vivent avec nous qui font ça. Pouvez-vous le croire ?", s'emporte ce chauffeur de taxi-moto, montrant les deux marques laissées sur sa tête par les coups de machette qui lui ont été assénés.

Il attend son tour d'être soigné à l'hôpital de Nakuru, où 165 blessés ont été pris en charge. "Nous étions amis, mais ça, c'est de la folie tribaliste. Je ne sais toujours pas pourquoi ils l'ont fait."

Pendant qu'il raconte son histoire, un homme passe dans le couloir, une flèche fichée dans le crâne, sonné. Des employés de l'ONG Médecins sans frontières s'empressent de soigner les blessés et leur font passer des radios.

Ceux qui ont eu la chance de survivre aux machettes et aux flèches empoisonnées ont parfois perdu leurs maisons, pillées puis incendiées. Des réfugiés ont trouvé refuge dans les champs et dans les cours d'église.

Certains font l'inventaire de ce qu'il ont pu sauver: meubles en bois, valises, canapés, réfrigérateurs et chaînes hi-fi.

"Au moins, nous sommes en vie", dit Mureithi Kibinge, 25 ans, qui travaille pour une petite entreprise financière, et qui a pu récupérer quelques effets personnels. Des gens ont réduit sa maison en cendres. "Tous ces biens matériels peuvent être rachetés à nouveau. Nous, ce que nous voulons, c'est le retour de la paix."

Version française Natacha Crnjanski

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