NAIROBI (Reuters) - Une semaine difficile s'ouvre pour le Kenya, où le nouveau Parlement tiendra mardi sa séance inaugurale suivie, le lendemain de grandes manifestations de l'opposition interdites par le pouvoir.
La crise déclenchée par la réélection contestée du président Mwai Kibaki aux dépens de l'opposant Raila Odinga le 27 décembre a provoqué un bain de sang, un demi-millier de personnes ayant trouvé la mort dans les deux semaines de violences politiques et ethniques qui ont suivi.
Contrairement à la présidentielle, truffée d'irrégularités selon les observateurs internationaux, les élections législatives qui se tenaient le même jour ont été jugées globalement satisfaisantes.
Le Mouvement démocratique orange (ODM) dirigé par Odinga a remporté 99 sièges sur 222, contre 43 au Parti de l'Unité nationale (PNU) de Kibaki. Le chef de l'Etat devra donc tenter de faire adopter des lois face à près d'une moitié des élus qui considèrent son gouvernement comme illégitime.
"Ce sera un champ de bataille où tous les moyens seront employés", prédit le politologue Mutakha Kangu. "Il y a beaucoup de colère, c'est cela qui commande tout. C'est très préoccupant pour les Kényans."
Faiblement représenté, le PNU devra s'appuyer sur les petites formations pour tenter de gouverner. Kangu s'attend à une inflation de pots-de-vin, étant donné la hauteur des enjeux.
Les parlementaires kényans ont une très médiocre réputation aux yeux de l'opinion publique, qui les voit dans leur majorité comme des paresseux avides d'argent.
Après les élections de 2003, la première décision des élus fut de quadrupler leurs salaires. Ensuite, le quorum requis de 30 députés sur 222 fut rarement atteint, sinon lors des débats sur leurs propres émoluments.
250.000 DÉPLACÉS
La sanction est venue des urnes, où beaucoup d'anciens députés ont perdu leur siège le 27 décembre. Vingt ministres de Kibaki, ainsi que son vice-président, n'ont pas été élus.
La première décision du nouveau Parlement sera l'élection de son nouveau président. La reprise des travaux sera programmée à une date ultérieure.
S'adressant à plusieurs centaines de partisans dimanche dans une église pentecôtiste de Nairobi, Raila Odinga a assuré que l'opposition était prête à dialoguer, mais à la seule condition que les discussions rétablissent la justice.
"Les Kényans ont parlé, les Kényans ont voulu le changement et les Kényans obtiendront ce changement", a-t-il lancé. "Je peux voir la lumière au bout du tunnel.
La perspective d'une vague de manifestations de l'opposition à partir de mercredi rend les commentateurs plus pessimistes.
L'organisation Human Rights Watch (HRW) indique avoir reçu des témoignages crédibles selon lesquels des dizaines de personnes ont été abattues par la police lors de manifestations à Kisumu, bastion d'Odinga dans l'ouest du pays.
HRW appelle à la retenue des forces de l'ordre, qui répondent n'avoir tiré que sur des émeutiers déterminés.
Selon les Nations unies, les violences post-électorales ont fait 250.000 déplacés et un demi-million d'habitants ont aujourd'hui besoin d'une aide d'urgence.
La Communauté d'Afrique de l'Est (EAC), qui regroupe le Kenya, la Tanzanie, le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi, a publié dimanche un rapport déplorant des "actions suspectes et désordonnées" après l'élection présidentielle.
Le document s'en prend aussi au président de la commission électorale, Samuel Kivuitu, accusé "de faiblesse et d'incompétence".
Ses initiatives, combinées au retard dans l'annonce des résultats, proclamés trois jours après le vote, ont abouti à une "gestion grossière" du dépouillement qui "a sapé la crédibilité" de la dernière phase du processus électoral, a estimé l'EAC.
L'ex-secrétaire général de l'Onu Kofi Annan est attendu dans le courant de la semaine pour entreprendre une nouvelle médiation après l'échec de celle menée par le président en exercice de l'Union africaine, le président ghanéen John Kufuor.
Vendredi, l'ODM a appelé à des sanctions internationales contre le gouvernement Kibaki.
L'Union européenne et les Etats-Unis ont prévenu qu'ils ne rétabliraient pas des relations normales avec Nairobi tant que les deux camps n'aboutiraient pas à un compromis politique restaurant la stabilité dans le pays.
De source proche de l'UE, on a déclaré à Reuters que Bruxelles réexaminerait sérieusement ses relations avec le Kenya en cas d'échec de la mission de Kofi Annan.
Version française Jean-Stéphane Brosse
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