
ar Andrew Cawthorne et Katie Nguyen
NAIROBI (Reuters) - La crise politique kényane s'est déplacée mardi au Parlement, où le gouvernement et l'opposition se sont
affrontés pour l'élection du président de la nouvelle Assemblée, tandis que Kofi Annan, souffrant, reportait la médiation qu'il
devait entamer dans la journée.
"Sur les conseils de ses médecins, il a reporté sa mission (de bons offices) de quelques jours", ont fait savoir le secrétariat
genevois de l'ancien secrétaire général des Nations unies, précisant qu'Annan souffrait d'un gros rhume.
Les accès au Parlement, situé dans le centre de Nairobi, ont été barrés et la police en tenue anti-émeute a bouclé le périmètre
avant l'ouverture de la séance inaugurale.
En présence l'un de l'autre pour la première fois depuis l'élection du 27 décembre, le président Mwai Kibaki et le chef de file
de l'opposition Raila Odinga ont pénétré en même temps dans la salle sans se saluer.
Seules les partisans de Kibaki se sont levés pour accueillir le chef de l'Etat. Avec 99 élus sur 222 sièges, le Mouvement
démocratique Orange (ODM) d'Odinga, qui conteste la réélection de Kibaki, est aujourd'hui la première force parlementaire et
compte bien installer son candidat, Kenneth Marende, au "perchoir".
Le Parti de l'unité nationale (PNU) de Kibaki, dont la victoire a provoqué une vague de violences politico-ethniques qui ont fait
quelque 600 morts, ne compte que 43 députés.
Avec force protestations, les élus de l'ODM ont exigé que l'élection du président de l'Assemblée soit publique. "Nous avons eu
des élections nationales à bulletins secrets et vous avez truqué le scrutin", a affirmé en leurs noms William Ruto.
Les députés fidèles à Kibaki s'y sont opposés, arguant que le vote avait toujours eu lieu à bulletins secrets, et ont lancé un
appel au calme, jugeant la conduite des élus de l'ODM déshonorante pour les victimes des manifestations du début du mois.
"KESHO!"
La séance inaugurale du Parlement a ouvert une nouvelle période de tensions, l'ODM ayant annoncé trois jours de
manifestations à l'échelle nationale à compter de mercredi.
La police a interdit ces rassemblements et de nombreux expatriés quittent Nairobi et d'autres villes en prévision de troubles.
Les puissances occidentales, qui ont relevé des irrégularités lors de l'élection présidentielle, exhortent les deux camps à
s'entendre sur un partage du pouvoir.
L'Union européenne a menacé lundi soir de revoir le montant de son aide au Kenya en fonction de son évaluation du
déroulement de la présidentielle.
Bien que minoritaire, le PNU estime pouvoir s'appuyer sur d'autres formations pour rassembler une coalition majoritaire au
parlement.
Kibaki et Odinga, ancien ministre et détenu politique, se verront sans doute tous les deux, pour la première fois, face à face.
Les médias et les organisations civiques ont exhorté les deux camps à faire passer la paix et l'unité nationale avant leurs
querelles.
Dans le bidonville de Mathare, à Nairobi, des manifestants scandant "Sans Raila, pas de paix!" ont défié les forces de l'ordre
tandis que d'autres reprenaient le mot d'ordre "Kesho", qui signifie demain en swahili, évoquant le rassemblement de mercredi.
Version française Jean-Stéphane Brosse et Jean-Philippe Lefief