Magasins fermés, pénuries et files d'attente dans Nairobi

Par Daniel Wallis
NAIROBI (Reuters) - Les rues de la capitale kényane, Nairobi, sont restées pratiquement désertes pour la nuit du Nouvel an, et les habitants ont dans leur grande majorité passé le réveillon chez eux, dans un contexte d'émeutes post-électorales qui ont fait dans les 150 morts.
Les partisans du candidat de l'opposition Rail Odinga, contestant la réélection jeudi dernier du président sortant Mwai Kibaki, ont continué ici et là de faire le coup de feu avec les forces de police. Des tirs d'armes à feu ont continué de retentir sporadiquement dans les bidonvilles de la capitale, où des colonnes de fumée s'élevaient par endroits.
Dans l'ensemble, l'activité économique tourne au ralenti, les magasins restent fermés pour la plupart par crainte de pillages, et les rares habitants qui s'aventurent dehors pour faire des provisions reviennent le plus souvent déçus. De longues files d'attente se forment devant les distributeurs bancaires et les quelques boutiques qui ont relevé leur rideau.
"Beaucoup d'entre nous, qui nous moquions de nos collègues kényans qui constituaient des stocks de vivres et d'eau avant les élections, nous retrouvons un peu idiots maintenant", déclare un Britannique travaillant pour les Nations unies, qui emploient plus de 3.000 personnes dans un vaste complexe de la banlieue nord de Nairobi.
Le pain, le lait et d'autres denrées de base sont absents des rayons de presque tous les supermarchés qui n'ont pas ouvert leurs portes. Mais pour le gouvernement, il n'y a pas lieu de s'alarmer.
DE RARES FÊTARDS, UN CALME SINGULIER
"Nul n'a de raison d'éprouver la nécessiter de constituer des stocks de vivres, parce que les magasins et les entreprises vont continuer de fonctionner comme d'habitude", souligne le gouvernement dans un communiqué qui n'a guère apaisé les inquiétudes.
"Les distributeurs bancaires sont presque tous hors service dans le coin. C'est pourquoi ils (les commerçants) acceptent maintenant les dollars par ici", explique une Irlandaise, Elizabeth Wolf, venue passer les fêtes de fin d'année au Kenya, et qui fait la queue pour acheter à manger. "La situation est abominable".
A l'autre bout de la ville, un homme âgé, Bernard Ngari, trouve enfin un distributeur bancaire en état de marche, dans une station-service ouverte 24h sur 24. Il peut s'acheter à la boutique trois bouteilles de bière. Finalement, il revient vers le réfrigérateur du magasin pour en prendre une quatrième: "Il faut bien fêter la nouvelle année d'une façon ou d'une autre", explique-t-il. "Les hommes politiques sont fous. Le pouvoir les rend fous".
A la tombée de la nuit, lundi soir, des quartiers d'ordinaire très animés à ce moment de la journée demeurent silencieux, envahis d'une inhabituelle obscurité. Les policiers, eux, poursuivent leurs patrouilles dans le centre de la capitale.
Dans un restaurant éthiopien resté malgré tout ouvert jusqu'aux toutes premières heures de ce 1er janvier, une bonne vingtaine de fêtards réveillonnent. A minuit, ils se lèvent comme un seul homme pour entonner l'hymne national kényan. "Ce soir, nous sommes tous des Kényans, tous ensemble!", dit un homme, en élevant son verre de vin. Ils ne feront cependant pas longue table et repartiront les uns et les autres en voiture, par des rues plongées dans un calme singulier.
Version française Eric Faye