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Violences au Kenya, les résultats des élections contestés
Reuters 30.12.07 | 09h29

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Par Helen Nyambura-Mwaura et Wangui Kanina

NAIROBI (Reuters) - Des violences ont éclaté samedi au Kenya, faisant plusieurs morts, au fur et à mesure de l'annonce des résultats de l'élection présidentielle donnant le président Mwai Kibaki et l'opposant Raila Odinga au coude à coude.

Le président de la commission électorale a déclaré qu'après le dépouillement de près de 90% des bulletins, le chef de l'Etat sortant avait une avance de quelque 120.000 voix mais il n'a pas pu lire les chiffres jusqu'au bout, sa voix étant couverte par une échauffourée et les cris des proches d'Odinga, crédité d'une forte avance dans les sondages et les premiers résultats.

La commission s'en est finalement tenue à sa précédente estimation, accordant une avance de 38.000 voix à Odinga dans le scrutin de jeudi dernier, avant d'annoncer abruptement qu'aucun autre chiffre ne serait donné avant le lendemain matin, laissant les 36 millions de Kényans dans l'expectative.

Les résultats dans 180 circonscriptions créditent Odinga de 3,88 millions de voix et Kibaki de 3,84 millions.

Ces retards dans la proclamation des résultats officiels ont alimenté des tensions dans tout le pays, les deux principaux partis s'accusant mutuellement de fraude alors que des émeutes éclataient dans la plupart des grandes villes.

Le Mouvement démocratique orange (ODM) d'Odinga et le Parti de l'unité nationale (PNU) de Kibaki ont tous deux revendiqué la victoire, s'appuyant sur les rapports de leurs militants sur le terrain.

EMEUTES

Tout au long de la journée, des jeunes issus de tribus rivales se sont affrontés, pillant et incendiant des maisons, le plus souvent dans des fiefs de l'opposition.

La police a fait usage de gaz lacrymogènes et jusqu'à six personnes sont mortes, selon des témoins et les médias kényans.

Le secrétaire au Foreign Office britannique, David Miliband, a lancé un appel à la fin des violences et jugé vital que les dirigeants politiques agissent de manière responsable et respectent la démocratie.

Si Odinga, un riche homme d'affaires qui se présente comme le candidat des démunis, parvient à la présidence du Kenya, Kibaki deviendra le premier dirigeant du pays depuis l'indépendance à quitter le pouvoir à la suite d'une élection.

Dans l'ensemble du pays, des troubles ont éclaté samedi, mettant aux prises les partisans d'Odinga, membres de l'ethnie des Luo, et ceux de Kibaki, de celle des Kikuyu.

Ces deux groupes ethniques, parmi les plus grands du Kenya, sont des rivaux de longue date, notamment depuis l'indépendance il y a une quarantaine d'années.

Selon des habitants, une personne a été tuée à Kisumu, ville d'ordinaire paisible sur les rives du lac Victoria. Plusieurs centaines de jeunes émeutiers ont brûlé des pneus dans les rues, pillé les magasins et barré les routes, appelant au meurtre des Kikuyu.

A Kibera, vaste bidonville aux abords de Nairobi, deux personnes ont été tuées, des tirs entendus et des dizaines d'abris incendiés, selon des habitants.

A Nairobi, les commerçants baissaient le rideau tandis que les rues, presque désertes, étaient parcourues par des camions de la police militaire.

Les observateurs internationaux ont appelé au calme et à l'unité nationale. "Il ne s'agit pas de Luo et de Kikuyu, mais de l'ensemble du Kenya", a déclaré l'ambassadeur des Etats-Unis à Nairobi.

Version française Gregory Schwartz