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LES VIOLENCES POST-ELECTORALES AU KENYA

"Quinze ans de démocratisation réduits à néant"

Vous travaillez à Nairobi depuis quatre mois comme chercheur à l'Institut Français de recherche en Afrique (IFRA), quelle est la situation aujourd'hui ?

- Depuis quelques jours Nairobi était une ville morte, quadrillée par la police. Ce mercredi est le premier jour ouvré depuis le 24 décembre. La circulation reprend doucement, il y a quelques magasins ouverts, mais l'atmosphère reste tendue, surtout à l'ouest du pays. La journée de demain sera un tournant. Raila Odinga a confirmé qu'il organisait une conférence de presse, puis une marche pacifique dans la capitale. Cet appel sera suivi dans tous le pays par les députés de son parti, qui organiseront des marches pacifiques dans leurs circonscriptions. Le rassemblement avait d'abord été interdit, puis il semble que Kibaki ait choisi de laisser à son opposant la liberté de s'exprimer et d'appeler au calme. Mais les forces de police seront sans doute très présentes. Il est très difficile de savoir si cela se passera dans le calme car il y a un vrai risque de confrontation.

Près de 300 personnes sont mortes depuis les résultats de l'élection présidentielle. Quelles sont les raisons qui expliquent le déchainement d'une telle violence ?

- Les raisons sont diverses. Il y a, depuis l'indépendance, des tensions importantes à chaque élection générale. En 2002, cela s'était mieux passé, mais il y avait aussi eu des morts. Cette année, il y a eu de fortes tensions pendant la course aux investitures des députés. Avec le recul, on a l'impression d'une montée en puissance de la violence. Ici, les partis politiques n'ont pas le même sens qu'en Europe. Il y a beaucoup de nomadisme politique. Si un candidat ne trouve pas ce qu'il veut dans un parti, il peut décider d'en changer assez facilement. Et cela participe à renforcer les tensions. Ensuite, il y avait une attente énorme pour Odinga. Une attente de l'ethnie des Luo, mais aussi des couches les plus défavorisées de la population. Odinga avait réussi à traduire en mots leurs souffrances et la croissance des inégalités. Ces gens là se sentent privés de leur vote. En outre, il y a eu, pendant le dépouillement, des tricheries, sans doute des deux côtés. Ca c'est endémique. Mais il y a eu tricherie au niveau des totaux. Des tricheries grossières et éhontées. La participation avait été très importante et au bout du compte, le sentiment qui prédomine est que 10 à 15 ans de démocratisation sont réduits à néant.
Enfin, il y a le problème des ethnies. Certes, il y a des rivalités historiques entre les Luo et les Kykuyu. Mais ces rivalités sont aujourd'hui instrumentalisées politiquement. Les deux partis s'accusent mutuellement de génocide, mais on est encore loin de ce qui s'est passé au Rwanda. En réalité, les politiques font preuve de peu de clairvoyance. En se maintenant à tout prix au pouvoir, Kibaki veut conserver des acquis économiques et satisfaire ceux qui l'ont porté au pouvoir en 2002. Il semble que le peuple ait mieux assimilé les fondamentaux de la démocratie que ses élites.

La communauté internationale appelle au compromis. Peut-elle être entendue ?

- Depuis hier, la plupart des chancelleries européennes ont adopté un ton ferme envers Kibaki. La Maison Blanche, elle aussi, est revenue sur sa position, renforçant un peu plus l'isolement de Kibaki sur la scène internationale. Que va-t-il faire ? Jusqu'où ces pays vont aller pour faire pression sur Kibaki ? C'est difficile à dire. Il y a beaucoup de tractations en arrière-cour en ce moment. Il serait possible de refaire les totaux. Ce qui est certain, c'est qu'Odinga à gagné l'élection. Le chef de la commission électorale a même reconnu avoir subi des pressions de l'entourage de Kibaki. Pour l'instant, les Kenyans subissent une propagande très forte, notamment par SMS. Hier, par exemple, la rumeur selon laquelle Odinga avait été arrêté et emprisonné a couru à Nairobi, entraînant de violentes émeutes dans son fief à Kibera.

Interview de Jérôme Lafargue par Simon Piel
(le mercredi 2 janvier 2008)

 

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par Jérôme Lafargue,
chercheur en sciences-politiques à l'IFRA de Nairobi, auteur de "La protestation collective", Armand Colin, 2005.

 
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