Le Mouvement démocratique orange (ODM) de Raila Odinga, candidat malheureux à la présidentielle kényane du 27 décembre, a annoncé jeudi le report au 8 janvier de son rassemblement populaire initialement prévu l'après-midi même. Un responsable du parti, William Ruto, a annoncé le report à la mi-journée, alors que la police tentait depuis l'aube, à Nairobi, de disperser par la force des centaines de partisans de l'opposition qui cherchaient à se rendre au coeur de la capitale pour le rassemblement initialement annoncé par Raila Odinga et interdit par les autorités. La police a utilisé des canons à eau, tiré en l'air à balles réelles et eu recours aux gaz lacrymogènes en direction de partisans de M. Odinga rassemblés autour de barricades en feu aux abords du bidonville de Kibera, un des fiefs du chef de l'opposition. Aucune victime n'a été signalée jeudi matin, alors que les violences politiques et ethniques, déclenchées après le scrutin qui s'est soldé par la réélection du chef de l'Etat sortant Mwai Kibaki, ont fait jusqu'à présent 342 morts, selon un bilan établi par l'AFP à partir de sources policières et hospitalières et de plusieurs morgues. "Nous avons dû disperser les manifestants parce qu'ils ne sont pas autorisés en ville", a expliqué un commandant de la police, Herbert Khaemba. "Nous rappelons une nouvelle fois que ce rassemblement a été déclaré illégal et que toute personne y prenant part sera traitée conformément à la loi", a averti le porte-parole national de la police, Eric Kiraithe. Nairobi s'est réveillée jeudi matin dans une atmosphère d'état de siège avec des milliers de policiers déployés dans la capitale pour contrecarrer cette manifestation. Tous les accès au bidonville de Kibera, le plus grand de la ville et dont M. Odinga est le député, étaient bloqués par la police anti-émeutes et la police paramilitaire (GSU). Depuis 08H00 (05H00 GMT), manifestants et policiers jouaient au chat et à la souris: les tentatives des partisans de M. Odinga pour s'aventurer hors de Kibera étaient immédiatement mises en échec par des tirs en l'air et des gaz lacrymogènes. Dans le centre-ville, où les commerces avaient de nouveau baissé leurs rideaux par crainte d'affrontements, des policiers de la GSU avaient pris position tout autour du parc Uhuru, où M. Odinga a demandé à ses partisans de se rassembler. Dans la nuit, le gouvernement a lancé par voie de SMS l'avertissement suivant: "l'envoi de messages de haine incitant à la violence est une infraction qui peut entraîner des poursuites". Les violences des derniers jours ont fait environ 100.000 personnes déplacées, selon la Croix-Rouge kényane qui a lancé jeudi un appel à des dons de 7,5 millions de dollars (5,1 millions d'euros). Les efforts diplomatiques se sont accélérés mercredi dans l'espoir de voir MM. Kibaki et Odinga s'asseoir à la même table pour éviter au pays de sombrer dans le chaos. Après les diplomaties américaine et britannique notamment, le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier s'est entretenu mercredi soir par téléphone avec son homologue kényan Raphael Tuju et avec Raila Odinga. Le prix Nobel de la paix sud-africain, Desmond Tutu, est arrivé jeudi matin à Nairobi pour se joindre à ces efforts de médiation. La visite au Kenya du président de l'Union africaine, John Kufuor, dans un premier temps annoncée mercredi soir, n'était plus confirmée jeudi matin. Le gouvernement kényan a estimé mercredi que la situation ne nécessitait pas de médiation. "Le président Kibaki est prêt à parler avec tous et à tout moment", a déclaré mercredi le porte-parole du gouvernement, Alfred Mutua. "Cependant, il faut souligner que le Kenya n'est pas en guerre et n'a besoin ni de médiateurs ni de forces de maintien de la paix", a-t-il ajouté. Dès dimanche, M. Odinga avait accusé M. Kibaki de fraude sur au moins 300.000 voix à la présidentielle. Les doutes sur la crédibilité de ce scrutin ont été renforcés par les récentes déclarations du président de la commission électorale kényane. "Je ne sais pas si Kibaki a gagné l'élection", a dit Samuel Kivuitu, qui avait pourtant proclamé la réélection de M. Kibaki avec plus de 230.000 voix d'avance.
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