Sud Quotidien - SENEGAL
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CAMEROUN – QUATRE MORTS A DOUALA
Le mouvement de grève dégénère en émeutes
mardi, 26 février 2008 / REUTERS
(Reuters) - Quatre personnes ont été tuées hier à Douala, capitale économique du Cameroun, lorsqu’une grève des chauffeurs de taxi contre la hausse du prix des carburants a dégénéré en émeutes et scènes de pillage, rapportent policiers et témoins.

« Deux personnes ont été extraites de force de leurs véhicules et battues à mort dans le quartier de Bonaberi », a déclaré un policier souhaitant garder l’anonymat. Une troisième personne a été brûlée vive dans l’incendie d’un bâtiment administratif local et un jeune homme est mort par suffocation après avoir inhalé des gaz lacrymogènes, a-t-il précisé. Selon des témoins, la police a non seulement fait usage de grenades lacrymogènes mais également tiré en l’air pour disperser des petites groupes de protestataires et de pillards, qui ont mis le feu à plusieurs stations-service qui refusaient de fermer.

Les chauffeurs de taxi grévistes ont brûlé des pneus et érigé des barricades en divers points, paralysant la circulation du principal port du pays, l’un des plus importants du continent. Le port de Douala expédie les chargements de cacao du Cameroun, quatrième producteur mondial. Selon des témoignages, l’activité portuaire a été ralentie par des barrages empêchant l’entrée des employés du port et des cargaisons.

Selon la radio nationale, des manifestants ont incendié cinq camions appartenant à un exportateur de bois. Les policiers ont reçu le renfort de militaires pour les aider à rétablir l’ordre. Le gouverneur de la province du Littoral, où se trouve Douala, a tenu une réunion de crise, a-t-on appris de source policière. Douala est un des bastions de l’opposition au président Paul Biya, au pouvoir depuis 25 ans. Ces violences interviennent 48 heures après des heurts, également à Douala, entre policiers et opposants hostiles au projet du chef de l’État de se maintenir au pouvoir plusieurs années encore. Un manifestant avait alors été tué.

Selon la Constitution camerounaise, Biya doit quitter le pouvoir en 2011. Le président, qui est âgé de 75 ans, a toutefois annoncé le mois dernier qu’en raison de ce qu’il qualifiait d’appels populaires, il demanderait au gouvernement de réexaminer la Constitution. Des députés d’opposition ont accusé le gouvernement d’avoir réagi brutalement aux manifestations. « Depuis que le président Biya a fait connaître sa décision d’amender la Constitution, cette ville (Douala) est virtuellement en état de siège », a affirmé Jean-Jacques Ekindi, chef de file du Mouvement progressiste, un parti d’opposition.

Les manifestants ont également dénoncé la fermeture de la chaîne de télévision privée Equinoxe. Equinoxe avait diffusé ce mois-ci une interview de John Fru Ndi, chef de file du Front démocratique social, dans laquelle il accusait Biya de vouloir gouverner à vie et exigeait une table ronde sur la Constitution. Paul Biya bénéficie depuis les législatives de l’année dernière d’une large majorité parlementaire, suffisante pour amender la Constitution. L’opposition avait dénoncé des fraudes lors du scrutin.