JALALABAD (AFP) - Les manifestations contre de possibles profanations du Coran par des soldats américains ont gagné du terrain jeudi en Afghanistan, faisant au moins trois nouveaux morts, dans le plus grand mouvement de protestation anti-américain depuis la chute des talibans fin 2001.
Dix provinces afghanes, sur 34, ont été depuis mardi le théâtre de rassemblements hostiles aux Etats-Unis, après les manifestations de jeudi qui ont touchées cinq nouvelles provinces.
Après les quatre morts et 71 blessés de mercredi à Jalalabad (est), trois personnes ont été tuées et au moins cinq autres blessées jeudi, deux dans le district de Khogyani, proche de Jalalabad, et une dans la province de Wardak, au sud-ouest de Kaboul.
Ces nouvelles victimes portent à 7 morts et au moins 76 blessés le bilan des manifestations anti-américaines qui ont débuté mardi à Jalalabad, et se poursuivaient jeudi dans plusieurs provinces.
Les manifestants réagissaient à la parution dans la presse internationale d'informations indiquant que des interrogateurs à Guantanamo (Cuba) avaient jeté des exemplaires du Coran, le livre sacré de l'islam, dans les toilettes de la base pour irriter les prisonniers musulmans.
Les autorités américaines ont annoncé mardi avoir ouvert une enquête sur ces informations, qui ont d'abord provoqué une vive émotion au Pakistan, avant d'embraser l'Afghanistan.
Jeudi, à Wardak, "des gens ont manifesté dans le district de Shaq et mis le feu aux bureaux de la police et du gouvernement de la province, ainsi qu'à un dépôt de munitions, qui a explosé. L'explosion a tué un manifestant", a expliqué le porte-parole du ministère afghan de l'Intérieur, Lutfullah Mashal.
Dans le district de Khogyani, proche de Jalalabad et de la frontière du Pakistan, "certains manifestants ont ouvert le feu sur la police et deux manifestants ont été tués", a déclaré à l'AFP le gouverneur adjoint du Nangarhar, Mohammed Asef Qazizada.
Dans la capitale Kaboul, environ 300 étudiants se sont rassemblés dans la matinée à l'université pour exprimer leur colère face aux agissements présumés de soldats américains à la base de Guantanamo, a constaté l'AFP.
Les manifestants ont notamment brûlé des drapeaux américains et défilé autour de l'université aux cris de "Mort aux Etats-Unis! Mort à George W. Bush!". La manifestation s'est achevé sans incident en fin de matinée.
Dans la province de Takhar (nord) "entre 200 et 250 personnes ont manifesté dans le calme", a indiqué jeudi le chef de la police de la province, Haji Mohammed Akram.
"Des manifestations pacifiques ont également eu lieu jeudi dans les provinces de Parwan et Kapisa", situées au nord de Kaboul, a ajouté le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Lutfullah Mashal.
Mercredi, des milliers d'Afghans avaient manifesté pour les mêmes raisons dans cinq autres provinces: Kandahar, Nangarhar, Wardak, Laghman et Khost.
La plus violente des manifestations a eu lieu à Jalalabad, capitale du Nangarhar (est), où entre 5.000 et 10.000 manifestants, selon des témoins, s'en sont pris aux bureaux de l'ONU, de plusieurs ONG, du gouverneur provincial et du consulat pakistanais, qui ont été endommagés, partiellement brûlés et pillés.
Le plupart des étrangers travaillant dans la ville ont été évacués mercredi soir. Au moins 126 étrangers, dont sept Français, travaillant pour l'ONU et des ONG ont ainsi été transportés par avion vers Kaboul, a indiqué jeudi Latif Ahmad, de l'ONG de transport Pactes, qui a organisé cinq vols d'évacuation.