KABOUL (AFP) - Les manifestations contre des profanations présumées du Coran par des soldats américains ont connu une certaine accalmie samedi en Afghanistan, où le président Hamid Karzai, de retour d'Europe, a accusé "les ennemis de l'Afghanistan" d'avoir organisé ces rassemblements contre lui.
Aucune manifestation d'ampleur, violences ou victimes n'ont été recensées samedi dans le pays, après trois jours de violentes manifestations au cours desquelles 15 personnes ont été tuées et plus de 120 autres blessées.
"Il y a eu des manifestations, mais nous n'avons pas entendu parler de victimes", a indiqué à l'AFP le lieutenant Karen Tissot van Patot, porte-parole de la Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf) commandée par l'Otan.
Dans la journée, les forces de sécurité afghanes et étrangères étaient toutefois "en alerte" dans l'attente de nouvelles manifestations, selon la police afghane et une source proche de l'Isaf.
Une quinzaine de provinces afghanes, sur 34, ont été le théâtre depuis mardi de manifestations en réaction à la publication d'informations affirmant que des soldats américains de la base de Guantanamo (Cuba) avaient profané le Coran en jetant un exemplaire du livre saint musulman dans les toilettes du camp.
"L'Isaf (environ 8.000 hommes) et la coalition militaire sous commandement américain (environ 18.000 hommes) laissent les forces afghanes mener les opérations, car le gouvernement doit montrer à la population qu'il contrôle lui-même les opérations", a expliqué la source proche de l'Isaf.
"Mais si les choses tournent mal, elles interviendront. Nous sommes prêts à évacuer des gens en cas de violences, comme l'Isaf l'a fait hier à Faizabad, dans le Badakhshan (nord-est)" a-t-elle précisé.
La plupart des victimes de ces manifestations, qui constituent le plus grand mouvement antiaméricain depuis la chute du régime des talibans en novembre 2001, ont été atteintes par la répression de la police et de l'armée afghane, récemment constituées et peu formées au contrôle des foules.
Grand absent de ces journées agitées, pour cause de voyage officiel en Europe depuis lundi, le président Karzai, de retour samedi à Kaboul, a accusé "les ennemis de l'Afghanistan", qu'il n'a pas nommés, d'avoir pris le prétexte du Coran pour s'opposer à sa volonté de "partenariat" avec les Etats-Unis et l'Otan.
Selon lui, ces rassemblements ont été orchestrés par "les ennemis de la paix et de la stabilité en Afghanistan", et non contre la corruption des autorités, comme le soulignent de nombreux observateurs, ou l'éventuelle installation d'une base militaire américaine permanente en Afghanistan.
"Dans les centres religieux comme en Iran ou à l'université islamique d'Islamabad, il n'y a pas eu de manifestations! Mais en Afghanistan, on a encouragé les étudiants à manifester! Une main ennemie s'est introduite dans les manifestations et a détruit les bâtiments de l'Afghanistan en se faisant passer pour des étudiants afghans", a-t-il expliqué.
"Les trois derniers jours ont été une alerte pour nous, ils nous ont montré que nous avions des vipères en notre sein", a-t-il ajouté.
"L'Afghanistan a des ennemis, des ennemis de la paix, et le pays a besoin d'être aidé sur le long terme par la communauté internationale, jusqu'à ce qu'il puisse tenir sur ses propres jambes, et que les ennemis ne puissent plus le menacer", a déclaré le président afghan.
S'il a écarté l'hypothèse de manifestations dirigées contre la lenteur de la reconstruction et la difficulté de la vie, également mises en avant par plusieurs analystes, M. Karzai a toutefois admis que l'Afghanistan "a des problèmes: nos institutions et nos revenus sont faibles".