KABOUL, Afghanistan (AP) - Le vent de colère lié à la publication de caricatures du prophète Mahomet continue de souffler dans le monde malgré les appels au calme. Des milliers de musulmans ont encore protesté, parfois violemment, lundi au Proche et au Moyen-Orient, mais aussi en Asie, notamment en Afghanistan où quatre manifestants ont été tués.
La liste des pays musulmans touchés par ces manifestations de colère s'est allongée: Afghanistan, Iran, Inde, Thaïlande, Indonésie, Irak, Territoires palestiniens, et même Somalie ont rejoint la Syrie et le Liban.
Les protestations les plus violentes ont eu lieu lundi en Afghanistan avec un bilan total de quatre morts et une vingtaine de blessés, dont une dizaine de policiers. A Mihtarlam, dans le centre de l'Afghanistan, deux manifestants ont été tués par balles lorsque les forces de l'ordre ont ouvert le feu sur des centaines de manifestants musulmans en riposte à des tirs et des jets de pierres et couteaux, d'après un porte-parole du ministère de l'Intérieur.
Près de Bagram, où se trouve la principale base américaine en Afghanistan, quelque 2.000 personnes ont tenté d'accéder par la force à ce site militaire placé pourtant sous haute protection. La police afghane a ouvert le feu sur la foule en colère, tuant deux manifestants, selon le chef du gouvernement local, Kabir Ahmed.
A Kaboul, la police a dispersé à coups de matraque et de crosse de fusil quelque 200 manifestants qui marchaient sur le palais présidentiel et avaient tenté de forcer l'entrée de la mission diplomatique danoise dans la capitale. D'après un journaliste de l'Associated Press présent sur place, trois protestataires ont été blessés et sept autres arrêtés.
En Iran, des centaines d'étudiants et manifestants en colère ont attaqué à coups de pierre d'abord l'ambassade d'Autriche, pays qui exerce la présidence tournante de l'Union européenne, puis en fin de journée l'ambassade du Danemark, pays où les dessins litigieux ont été publiés pour la première fois fin septembre dans le quotidien "Jyllands-Posten" avant d'être reproduits dans plusieurs journaux, notamment en Europe.
Après une heure d'incidents devant l'ambassade danoise à Téhéran, les forces de police, ne parvenant pas à repousser les protestataires, ont lancé des grenades lacrymogènes pour disperser les quelque 400 manifestants qui jetaient des pierres et des cocktail Molotov sur la représentation diplomatique et brûlaient des drapeaux danois.
Une dizaine de manifestants ont été blessés dans les affrontements à Téhéran. Deux arbres ont pris feu dans l'enceinte de l'ambassade danoise après des jets de grenades incendiaires. L'entrée de la représentation a été brûlée ainsi qu'une guérite de police située le long du mur d'enceinte. La foule, qui comprenait une centaine de femmes, s'est finalement dispersée vers minuit.
L'ambassadeur du Danemark en Iran, Claus Juul Nielsen, a confirmé dans la soirée que les manifestants avaient réussi à pénétrer brièvement dans les locaux de sa représentation et avaient vandalisé le rez-de-chaussée de l'ambassade où se trouvent le service des visas et celui du commerce. "Il semble à présent que la police contrôle la situation", a déclaré l'ambassadeur à la chaîne publique danoise DR.
Les manifestations ont également gagné l'Afrique avec des protestations en Somalie et en Algérie. En Somalie, pays d'Afrique orientale, des heurts entre manifestants et forces de l'ordre dans la ville portuaire de Bossaso (nord) ont provoqué une vaste bousculade au cours de laquelle un adolescent a péri. En Algérie, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées dans une salle en plein coeur d'Alger et sur le campus de Djelfa (275km au sud d'Alger).
Lundi, le Liban a présenté ses excuses au Danemark au lendemain de la mise à sac et l'incendie de la mission diplomatique danoise à Beyrouth lors de violentes manifestations qui ont fait un mort et une trentaine de blessés.
Face à la poursuite de ce mouvement de colère, les appels au calme se multiplient. A Dubaï (Emirats arabes unis), le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a appelé les musulmans à accepter les excuses présentées pour la publication de caricatures du prophète Mahomet et à agir avec "calme et dignité".
Dans un texte commun publié dans l'"International Herald Tribune", le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan et le chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero ont appelé au "respect" et au "calme". "Nous serons tous perdants si nous ne réussissons pas immédiatement à désamorcer la situation."
Le président français Jacques Chirac a aussi "encouragé tous les gestes qui peuvent contribuer à l'apaisement" et condamné "tous les actes de violence dirigés contre les Danois et des représentations étrangères". AP
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