RANGOUN (AFP) - La dirigeante de l'opposition birmane Aung San Suu Kyi a été blessée au visage et à l'épaule lors d'affrontements vendredi dernier entre ses sympathisants et ceux de la junte qui auraient fait des dizaines de morts, a affirmé mercredi une source informée à l'AFP, contredisant totalement la version officielle.
"Elle a été blessée par des fragments de vitres de sa voiture, au visage et à l'épaule", a indiqué cette source précisant que Mme Suu Kyi se trouve détenue "dans un camp militaire à 40 km de Rangoun". Mardi, la junte avait assuré devant les diplomates à Rangoun que Mme Suu Kyi, qui n'est pas apparue en public depuis la fin de la semaine dernière, "va bien".
Cette source a également indiqué que la version officielle selon laquelle les violences avaient fait quatre morts et 50 blessés dans le nord du pays "étaient bien en dessous de la réalité": "Le bilan est probablement bien plus proche des 70 à 80 morts qui a été cité" par la dissidence en exil sur la foi de témoignages directs.
La dissidence avait indiqué ces derniers jours que des hommes déguisés en bonzes et soutenus par des prisonniers "recrutés" avec des promesses d'amnistie, avaient attaqué le convoi d'une dizaine de voitures dans lequel circulait Mme Suu Kyi, prix Nobel de la paix, qui effectuait une tournée dans le nord. Selon l'un de ces rapports qui font état d'une rare violence, des hommes ont attaqué à jets de pierre la voiture de Mme Suu Kyi, que des membres de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), ont tenté de protéger. Les blessures de l'opposante ne semblent pas mettre ses jours en danger "sinon elle ne serait pas dans un camp militaire", a poursuivi cette source.
Par ailleurs le sort de Tin Oo, vice-président de la LND qui accompagnait Mme Suu Kyi dans sa tournée, suscitait de vives inquiétudes. "On n'a aucune nouvelle de lui, on ne sait pas s'il est vivant ou mort", a déclaré cette source. "Si on ne veut pas que la vérité soit dévoilée, tout témoin direct est en danger". Mme Suu Kyi, que la junte avait ramenée de force dimanche à Rangoun, se trouvait dans un camp militaire à 40 km de la capitale, probablement séparée des autres membres de la LND ramenés avec elle du Nord du pays et qui étaient internés dans la prison d'Insein, dans les faubourgs de Rangoun.
"On peut se faire beaucoup de souci", a indiqué cette source, "on peut la maintenir au secret des années". Dans ce même camp on été détenus par le passé des opposants au régime. Tous les autres dirigeants de la LND ont été placés en résidence surveillée au cours du week-end et les permanences de la LND ont été fermées dans tout le pays. Les universités, qui devaient rouvrir lundi pour le nouveau semestre, sont restées fermées sur ordre du gouvernement dans la crainte de mouvements de protestation.
L'émissaire de l'ONU, le Malaisien Razali Ismail, était attendu vendredi à Rangoun pour une 10e mission destinée à rapprocher les positions de la junte et de l'opposition en vue d'un dialogue sur une démocratisation. Cette visite semblait compromise mercredi. "M. Razali prendra la décision (de venir ou non) à la dernière minute", a ajouté cette source.