BANGKOK (AFP) - Deux membres de l'opposition birmane témoins des heurts du 30 mai ont livré vendredi les premiers témoignages directs de l'assaut mené contre le convoi de l'opposante Aung San Suu Kyi et fait état d'une rare violence.
Les deux hommes, membres de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de Mme Suu Kyi et qui ont fui depuis la Birmanie, ont témoigné sous serment devant la commission des Affaires étrangères du Sénat.
Ils ont expliqué avoir été témoins d'une attaque d'une grande sauvagerie qui a fait, selon eux, environ 70 morts, lorsque le convoi de Mme Suu Kyi est tombé dans une embuscade dans le nord de la Birmanie où elle effectuait une tournée politique.
Mme Suu Kyi n'a pu échapper à la violence que parce qu'elle n'est pas sortie de sa voiture et que celle-ci a pu se dégager, selon eux.
Le vice-président de la LND, Tin Oo, 75 ans, qui voyageait à bord d'un autre véhicule, en a été extrait de force et a été blessé à la tête, des femmes dans des voitures qui suivaient ont été déshabillées et violentées, ont-ils ajouté.
"J'ai vu les assaillants leur sauter dessus et leur cogner la tête contre le sol, de toutes leurs forces", a déclaré Wunna Maung, l'un des deux témoins.
"Je n'arrive toujours pas à me débarrasser de la vision de ses gens, couverts de sang, battus sans merci et d'une manière totalement inhumaine", a-t-il dit.
Les assaillants --membres de l'USDA, organisation de masse pro-junte-- portaient des robes de moines bouddhistes et semblaient sous l'emprise de drogue et d'alcool, selon lui.
Le bilan de 70 morts donné par ces témoins corrobore les chiffres avancés par la dissidence en exil, tandis que la junte s'en tient à quatre morts et a attribué la responsabilité des heurts à la LND et ses "provocations".
L'autre témoin direct, Khin Zaw, a estimé les auteurs de cet "assaut clairement planifié" à environ 3.000 et a juré avoir "vu de (ses) propres yeux des agresseurs attaquer de toutes leurs forces des hommes avec des barres de fer acérées".
"Le tabassage a continué jusqu'à ce que mort s'ensuive", a-t-il dit, "j'entendais les blessés, les gens agoniser, hurler de douleur".
Après ces violences, Aung San Suu Kyi a été arrêtée, placée au secret, le reste de la hiérarchie de la LND en résidence surveillée et les permanences du parti fermées dans tout le pays.
Les deux hommes devaient livrer leur témoignage lors d'une conférence de presse vendredi, mais celle-ci a été annulée par crainte qu'ils ne soient arrêtés.
Après avoir témoigné devant le Sénat, ils sont allées directement au siège du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) afin de déposer une demande de statut de réfugié, a annoncé l'un des conseillers de la commission du Sénat, Sunai Phasuk.
"Evidemment ils sont entrés en Thaïlande sans papiers, donc ils pourraient être automatiquement arrêtés pour entrée illégale et être immédiatement renvoyés chez eux", a expliqué le sénateur.
"Ce sont des témoins du 'vendredi noir' (du 30 mai) et s'ils étaient renvoyés en Birmanie, leur vie seraient en danger", a-t-il ajouté.
Fidèle à sa politique de confidentialité, le HCR n'a pas souhaité faire de commentaires sur le sort des deux Birmans.