PHNOM PENH (Reuters) - La Thaïlande a fermé sa frontière avec le Cambodge, jeudi, tandis que des avions militaires
évacuaient des centaines de Thaïlandais de Phnom Penh après une série d'émeutes dans la capitale cambodgienne où
l'ambassade et des boutiques thaïlandaises ont été incendiées.
Les troubles, qui ont débuté mardi et ont entraîné une crise diplomatique, ont pour origine des propos controversés
attribués à l'actrice thaïlandaise Suwanna "Kob" Konying, qui aurait dit que les temples d'Angkor - fierté nationale du
Cambodge - appartenaient à son pays. L'actrice de "soap opera" nie avoir tenu de tels propos.
Les autorités thaïlandaises, accusant le Cambodge de n'avoir rien fait pour empêcher les dégâts étendus causés aux
entreprises thaïes et la destruction par le feu de leur ambassade, ont rappelé leur ambassadeur, suspendu la coopération
technique et économique bilatérale et menacé d'expulser des centaines de milliers de travailleurs cambodgiens clandestins.
Le Premier ministre cambodgien Hun Sen a reconnu que les relations des deux pays étaient tombés à un "niveau
préoccupant" et une vingtaine d'arrestations ont eu lieu à Phonm Penh à la suite des émeutes.
Phnom Penh a retrouvé le calme jeudi mais, à Bangkok, des manifestants ont réagi aux événements de Phnom Penh en
brûlant des drapeaux cambodgiens et un portrait de Hun Sen.
Selon le ministre thaïlandais de la Défense, Tea Banh, plusieurs centaines de manifestants et de pillards ont été arrêtés.
"Les principaux fauteurs de troubles sont sous les verroux", a-t-il déclaré à la télévision en reconnaissant avoir été
dépassé par les événements.
Le roi Bhumipol Adulyadej de Thaïlande, vénéré dans son pays, a quant à lui lancé un appel au calme, mais la foule ne
semblait pas encline à se disperser.
Sept gros porteurs C-130 ont rapatrié quelque 700 personnes à Bangkok, pour la plupart de nationalité thaïlandaise
bien qu'on ait aussi mentionné trois Australiens.
SITUATION MAITRISEE
L'armée thaïlandaise a annoncé qu'un employé d'hôtel à capitaux thaïlandais de Phnom Penh avait été tué, mais le ministre
thaï de la Défense a dit qu'il s'agissait d'un Cambodgien abattu alors qu'il se livrait au pillage.
Après deux jours de manifestations anti-thaïlandaises, une foule s'est massée mercredi soir devant l'ambassade à la
tombée de la nuit. Une cinquantaine d'émeutiers ont franchi les murs de la mission diplomatique et brisé des vitres en
lançant des pierres dans l'enceinte avant que les locaux soient incendiés.
Tard dans la nuit, la foule a sillonné les rues de la capitale cambodgienne, incendiant des voitures et pillant des magasins
thaïlandais. "C'est parce que les Thaïlandais méprisent les Cambodgiens", a dit un pillard ramassant des médicaments dans
les décombres calcinés de l'Hôtel Royal Phnom Penh.
La police a dressé des barrières de barbelés devant l'ambassade et un véhicule blindé transport de troupes s'est
interposé pour bloquer la circulation et la foule.
Un haut responsable de police, Mak Savuthy, a déclaré à Reuters que les autorités maîtrisaient à présent la situation.
"Nous contrôlons tout depuis l'heure du déjeuner. Nul besoin de couvre-feu ni de bouclages, il n'y a pas plus de
manifestants à moto et le calme est revenu", a-t-il dit. Des bandes motorisées brandissant des drapeaux avaient déclenché
les émeutes nocturnes.
Dans le sud de Phnom Penh, une usine de plastique à capitaux thaïlandais brûlait encore jeudi, sans intervention
apparente des services anti-incendie ni de la police.
LE CAMBODGE PRET A REMBOURSER
Le ministre thaïlandais du Commerce, Adisai Bodharamik, a annoncé que ses services mettaient en place un bureau chargé
d'évaluer les pertes subies par les entreprises thaï et qu'ils présenteraient la facture au gouvernement cambodgien.
Le gouvernement du Cambodge a fait savoir jeudi qu'il rembourserait le coût des dégâts et que l'envoi d'enquêteurs
thaïlandais serait accueilli favorablement par les autorités cambodgiennes.
Le ministère thaïlandais des Affaires étrangères a estimé les dégâts aux entreprises et à son ambassade à plus d'un
milliard de bahts (23,41 millions de dollars).
Hun Sen a imputé les émeutes à un petit groupe d'extrémistes et déploré le préjudice ainsi porté aux relations avec la
Thaïlande.
Des centaines de pilleurs se sont servi dans les décombres calcinés de l'Hôtel Royal Phnom Penh. "Je n'ai pu sauver que
ma peau et mon ordinateur portable", confiait un ingénieur japonais résidant depuis deux ans dans cet hôtel, tandis qu'un
couple français abasourdi y recherchait des effets personnels.
Le ministre thaïlandais de la Défense Thamarak Isarangura a ordonné aux postes situés le long des 800 km de frontière
entre les deux pays de refouler les ressortissants cambodgiens. "S'ils viennent, nous les repousserons, a-t-il déclaré. La
frontière n'est pas officiellement fermée, mais nous interdirons (l'entrée) aux citoyens cambodgiens, seuls les Thaïs et les
touristes étrangers seront les bienvenus."