Dir. de Publication - Publisher
: Pius NJAWE
Douala, Cameroun
A Weekly
Electronic Publication of the GMM Group - Hebdo
electronique publié par le groupe GMM
Bend-skineurs
contre Policiers
Corps à
corps sanglant Léopold Chendjou
Accusant les éléments du commissariat
de police du 6ème arrondissement de Douala,
d’être à l’origine du décès
d’un des leurs, les conducteurs de motos-taxis sont
descendus dans cette unité des forces de l’ordre
mercredi 09 juillet. Le bilan est lourd : trois morts,
de nombreux blessés, des dégâts
matériels importants. Récit d’une journée
de combat.
Ce mercredi matin, des conducteurs de motos-taxis ont
pris d’assaut les locaux du commissariat du 6è
arrondissement pour manifester contre le décès
de l’un des leurs qui aurait été assommé
la veille, au niveau de l’hôtel Arista,
par deux policiers présentés comme étant
des éléments de cette unité de
police. « Nous avons été informés
qu’un de nos collègues avait reçu, de
la part d’un policier, un morceau de planche au niveau
de la nuque. Transporté d’urgence à l’hôpital
Laquintinie, il est décédé.
Lorsque nous sommes arrivés au commissariat du
6è pour nous enquérir de la situation,
ce sont les coups de matraque qui nous ont accueillis.
Voilà pourquoi nous nous sommes mobilisés
pour manifester », déclare Guy, conducteur
de moto taxi. Un élan de solidarité sans
précédent va s’emparer de tous les bendskineurs
qui vont alors converger vers le commissariat du 6è
arrondissement, érigeant au passage des barricades
et brûlant les pneus.
A l’intérieur du commissariat, la défense
s’organise. Le chef de cette unité, le Commissaire
de Police Nsom Bendé Abraham va faire appel au
Gmi No 2 de Bonanjo. Le véhicule anti émeute
de la police va affronter durant des heures les
manifestants qui, armés de cailloux, ne se laissent
pas faire. « Nous préférons mourir
plutôt que de nous laisser faire. C’en est trop
avec les tracasseries policières », lance
un manifestant entre deux jets de pierres.
En face, la police utilise les grands moyens. Des coups
de feux fusent de partout. D’abord en l’air, puis
sur la foule. Après une heure de bataille, le
tank du camion lance-eau du Gmi se vide. Lorsqu’on le
déplace pour le recharger, les manifestants en
profitent pour assiéger le commissariat. C’est
alors que l’on va compter le premier mort. Un jeune
homme d’une vingtaine d’années gît sans
vie sur le sol. Une petite blessure au niveau de la
tête. « Il a été bousculé
dans les mouvements de foule », déclare
sans sourciller M. Tsanga Foe, le sous-préfet
de Douala 2ème, arrivé sur les lieux.
«Faux», rétorquent les manifestants.
« Il est tombé après avoir reçu
un coup de matraque sur la tête.» Il sera
transporté dans un véhicule en direction
de la morgue de l’hôpital Laquintinie.
Incendie
Entre temps, les policiers vont se barricader
dans le commissariat. Les cailloux et autres projectiles
pleuvent sur les locaux. Les manifestants s’en prennent
au véhicule du premier adjoint au commissaire
central garé devant le commissariat. Les
deux pares brise s’effritent. Quelques personnes tentent
d’incendier les locaux du commissariat sous le regard
plutôt amusé et impuissant des gendarmes
présents. L’adjoint au commandant de compagnie
de Douala ville va recevoir en plein visage un projectile.
Courroux des gendarmes : «Quand ils vont
faire leurs histoires au quartier nous ne sommes pas
là. Maintenant, c’est nous qui devons payer les
pots cassés. En tout cas qu’ils se défendent».
A l’extérieur, le commissaire demande à
nouveau du renfort qui tarde à arriver. A l’intérieur,
le chef d’unité doit calmer les ardeurs de ses
éléments décidés à
en découdre avec les manifestants. «
Mon commissaire, laissez-nous finir avec eux. Nous avons
nos armes », lance l’un d’eux. Le patron
des lieux qui refuse d’engager ses hommes se justifie
par le manque de moyens de protection. Au commissariat,
il y a en effet moins de dix casques disponibles de
même que les armuriers. Au dehors, la tension
monte de plus en plus. Finalement, le commissaire va
consentir à lâcher ses troupes pour un
affrontement direct avec les manifestants. «
Les gars, sachez qu’on va mourir ; mais nous devons
d’abord nous battre», lance-t-il sous un
ton galvanisateur. Des munitions sont distribuées
aux policiers.
Un manifestant abattu
Malheureusement, l’affrontement tourne court en faveur
des bend skineurs. Les policiers replient dans l’enceinte
du commissariat. Ils vont profiter d’un temps mort pour
prendre la poudre d’escampette dans un de leurs camions,
abandonnant le commissaire et quelques policiers à
leur sort.
« Ce soir on vous met le feu... », scande
en chanson les manifestants. Cette fois-ci, les conducteurs
ont réussi leur coup de l’incendie. Trois véhicules
de la police sont en flammes. La population applaudit
l’exploit. Les gendarmes présents ne lèvent
pas le petit doigt. Les cailloux continuent de pleuvoir
sur le commissariat. De temps en temps le commissaire
et le dernier carré de ses fidèles répondent
par des coups de feu pour tenir plus loin les manifestants
en attendant l’arrivée d’un hypothétique
renfort qui en fin de compte ne viendra jamais.
11h 50mn. Un manifestant qui s’approchait un peu plus
du commissariat est abattu à bout portant. Le
ton monte. Et seule l’arrivée du gouverneur de
la province du Littoral va sauver le commissaire et
ses hommes d’un lynchage populaire. Gounoko Haounaye
dirige alors les manifestants vers le carrefour dit
« Shell New-Bell », permettant ainsi de
libérer le commissariat du 6è arrondissement.
Le bilan de cette journée est tout aussi important.
A l’hôpital Laquintinie. Les responsables sont
formels sur le nombre de morts. « Nous avons reçu
jusqu’à présent trois victimes. Le dernier
est arrivé chez nous vers 16h 30mn et il est
décédé quelques temps après
de suite d’un traumatisme crânien », déclare
Fritz Ntonè Ntonè, le directeur de l’hôpital
Laquintinie joint au téléphone par Le
Messager. Qui ajoute que seul un corps est en voie d’identification.
Il s’agirait d’un conducteur de moto taxi ressortissant
du département du Noun, résidant vers
la douche municipale. Une vingtaine de blessés,
pour la plupart des traumatismes crâniens, reçoivent
encore les premiers soins. Pour les quatre blessés
par balle reçus aux urgences de l’hôpital
Laquintinie, ils n’en finissent pas de gémir.