SANTIAGO (AFP) - Le 30ème anniversaire du putsch d'Augusto Pinochet contre le président Salvador Allende a été marqué dans la nuit de jeudi à vendredi au Chili par de violents affrontements entre policiers, manifestants et habitants de banlieues pauvres ainsi que des pillages et coupures de courant.
Les incidents ont éclaté après un rassemblement organisé à la tombée de la nuit sur la place de la Constitution, en face du palais présidentiel de La Moneda, à l'appel du Parti communiste, pour rendre hommage au président Allende, renversé le 11 septembre 1973.
Douze policiers ont dû être hospitalisés dont deux blessés par balles et au moins un touché par un cocktail Molotov, selon le chef des carabiniers, le général Alberto Cienfuegos. 206 manifestants au total ont été interpellés à Santiago et 90 dans des villes de province.
Les troubles ont débuté après la manifestation de la gauche, lorsque des centaines de militants ont bloqué la circulation aux environs de la gare centrale (ouest de Santiago) et du stade Victor Jara et lancé des bombes artisanales sur les forces de l'ordre.
La police a fait usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau pour les disperser. Les incidents ont gagné les banlieues pauvres où d'autres barricades ont été dressées, des magasins saccagés et des brasiers allumés. Dans le quartier de Penalolen, au moins trois magasins ont été pillés et l'un d'entre eux incendié. Des pompiers ont été pris à partie à coups de pierres.
Environ 5.000 personnes s'étaient réunies jeudi soir dans le centre de Santiago, autour de Gladys Martin, secrétaire générale du Parti communiste chilien (interdit sous la dictature), l'ex-président du Nicaragua Daniel Ortega et la présidente des grands-mères de la Place de mai à Buenos Aires, Hebe de Bonafini. Les participants ont salué l'action d'Allende et commémoré les 3.000 opposants assassinés ou disparus sous le régime Pinochet (1973-1990), applaudis par la foule qui brandissait de nombreux portraits de leurs proches.
Une autre manifestation rassemblait presque au même moment 2.000 personnes au siège de la Fondation Augusto Pinochet, pour saluer les quatre membres de la junte militaire qui prirent le pouvoir 30 ans plus tôt. Toute la soirée, les deux camps ont célébré chacun de son côté et à leur manière le 30ème anniversaire du coup d'Etat, sans que leurs militants n'entrent en contact direct.
Le réseau électrique de la ville a été saboté, privant de courant jusqu'à 200.000 foyers de Santiago. Vendredi matin, l'électricité n'était toujours pas rétablie dans 70.000 logements.
La veille du jour anniversaire du putsch, des inconnus se réclamant du Front Patriotique Manuel Rodriguez, la guérilla qui combattit Pinochet sous la dictature, avaient revendiqué l'arrachage de pylônes de lignes à haute tension, privant d'électricité 240.000 foyers au nord du Chili.
Les images des journaux télévisés de jeudi matin à Santiago ont montré un paysage de désolation, de pneus consumés, enseignes et vitres abattues et rues encombrées de détritus.
Le général des carabiniers Cienfuegos a estimé que les principaux fauteurs de troubles étaient des casseurs venus des banlieues défavorisées, notamment de nombreux mineurs.
Le maire du quartier de la gare centrale Gustavo Hasbun, a affirmé que les manifestations de la veille près du centre-ville avaient été organisées par des "groupes de terroristes qui s'étaient armés".
"Pendant trois heures, ils ont tiré sur tout ce qui s'approchait d'eux", a-t-il ajouté.
Mais le porte-parole du gouvernement Francisco Vidal, a minimisé la portée des troubles, affirmant que les incidents de la nuit avaient été isolés et de moindre ampleur que les années précédentes.
En prévision des risques de dérapages qui avaient fait cinq morts ces dernières années, 27.000 policiers avaient été mobilisés dont 15.000 à Santiago.