Le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) est la première maladie grave et transmissible à émerger en ce XXI° siècle. L'épidémie, partie de Chine fin 2002, a éclaté au niveau mondial en 2003 faisant plus de 8000 cas et près de 800 morts (voir plus loin: chronologie d'un serial killer). Grâce à une mobilisation internationale sans précédent, motivée par l'alerte mondiale déclenchée le 12 mars 2003 par l'OMS, l'épidémie a pu être endiguée par des mesures d'isolement et de quarantaine. De même, l'agent causal du SRAS, un coronavirus totalement inconnu, a pu être rapidement identifié.
La route des airs
Le SRAS, au départ nommé pneumopathie atypique, est caractérisé par une fièvre élevée (>38°C), associée à un ou plusieurs symptômes respiratoires : toux sèche, essoufflement, difficultés respiratoires. D'autres symptômes peuvent être constatés comme des maux de tête, des douleurs musculaires, des diarrhées et un malaise général. La durée d'incubation ne dépasse généralement pas 10 jours. L'OMS considère que le taux de létalité global est de 15% et peut dépasser 50% chez les personnes de plus de 65 ans. Le SRAS s'est vite avéré être transmis d'homme à homme par des gouttelettes de salive contaminées. Il s'est rapidement propagé le long des voies internationales de transport aérien, les flambées les plus importantes s'étant concentrées dans les plaques tournantes du transport aérien ou dans des zones à fortes densités de population. D'autres modes de transmission sont probables, par des objets contaminés par exemple. L'épidémie survenue dans un groupe d'immeubles (Amoy Gardens) à Hong Kong, où 66% des malades étaient atteints de diarrhées contre 2 à 7% habituellement, a soulevé la possibilité d'une transmission locale par le système d'évacuation des égouts.
Un virus inconnu
Le réseau de laboratoires (dont le Centre Collaborateur de l'OMS pour la Recherche et la Référence sur les Virus Grippaux et les Autres Virus Respiratoires au sein de l'Unité de Génétique Moléculaire des Virus Respiratoires à l'Institut Pasteur) chargés par l'OMS de rechercher l'agent causal du SRAS et de mettre au point un test diagnostique a découvert un virus totalement inconnu des scientifiques, un coronavirus pas comme les autres. Ce genre de virus est généralement à l'origine chez l'homme de rhumes sans gravité.Chez les animaux, il est responsable, entre autres, d'infections pulmonaires ou intestinales. Le réservoir animal du coronavirus du SRAS est activement recherché. Le virus a pour l'instant été trouvé chez nombre d'espèces notamment chez la civette, animal sauvage vendu sur les marchés et consommés au sud de la Chine.
De nombreuses questions restent posées face à ce nouveau virus, contre lequel on ne dispose encore d'aucun traitement. Comment s'est effectué le passage de l'animal à l'homme? Combien de temps subsiste-t-il dans l'environnement? Pourquoi est-il si virulent? Etc. L'effort international se poursuit, y compris à l'Institut Pasteur à Paris et au Centre de Recherche Université de Hong Kong-Pasteur.
CHRONOLOGIE
D'UN SERIAL KILLER
(d'après
OMS)
16 novembre 2002 : le premier cas de pneumopathie
atypique survient à Foshan City, dans la province de Guangdong en Chine,
mais ne sera identifié qu'en avril.
10 février 2003 : le bureau de l'OMS
à Beijing reçoit une alerte décrivant une curieuse maladie
contagieuse qui a déjà tué plus de 100 personnes dans la
province de Guangdong en l'espace d'une semaine.
11 février : le ministère
chinois de la santé annonce officiellement une épidémie
de syndrome respiratoire aigu ayant fait 300 cas et provoqué 5 décès.
Les analyses effectuées sont négatives pour le virus de la grippe.
21 février : un médecin de
la province de Guandgong arrive à Hong Kong et d'installe au 9ème
étage de l'hôtel Métropole. Il avait précédemment
soigné des patients atteints de pneumopathie atypique avant de quitter
la Chine continentale; il est lui-même hospitalisé le lendemain
de son arrivée à Hong Kong.
23 février : une touriste de 78 ans
en provenance de Toronto séjourne à l'hôtel Métropole.
A son retour au Canada, elle se réunira en famille.
26 février : un homme d'affaire sino-américain
est admis à l'hôpital français de Hanoï : il avait
voyagé dans la province de Guangdong et avait séjourné
au 9ème étage de l'hôtel Métropole à Hong
Kong.
1er mars : Un premier membre du personnel
de l'hôpital français de Hanoï tombe malade de pneumopathie
atypique et une femme de 26 ans est admise dans un hôpital de Singapour
: elle avait également fait un séjour à Hong Kong au 9ème
étage de l'hôtel Métropole.
4 mars : le docteur de Guangdong meurt de
pneumopathie atypique à Hong Kong.
5 mars : 5 membres de la famille de la touriste
canadienne tombent malades.
8 mars : Un homme d'affaire ayant voyagé
dans la province de Guangdong souffre de symptômes respiratoires et est
hospitalisé à Taïwan.
10 mars : au moins 22 membres du personnel
de l'hôpital français de Hanoï sont atteints de pneumopathie
atypique.
12 mars : Au moment où l'OMS lance
une alerte mondiale, la Cellule de lutte contre la Pandémie Grippale
mise en place en France se réunit et prend des décisions et informe
les hôpitaux de la situation.
13 mars : l'OMS envoie une alerte d'urgence
à ses partenaires du GOARN (Global Alert Research Network, dont fait
partie l'Institut Pasteur). Pendant ce temps, en France, particulièrement
exposée par le retour de médecins français de l'hôpital
français de Hanoi, le groupe de travail sur la pandémie grippale
met en place des protocoles pour rechercher, informer et suivre les médecins
de retour de Hanoi.
14 mars : Une mission diligentée
par les Ministères des Affaires Etrangères et de la Santé
français envoie une mission de secours à l'hôpital français
de Hanoi composé de personnel du SAMU de France, de l'Hôpital Avicenne
(Bobigny) et de l'Institut Pasteur.
15 mars : l'OMS énonce des recommandations
aux voyageurs, elle nomme la maladie mystérieuse qui se dissémine
par l'air et par les transports internationaux SRAS pour "Syndrome Respiratoire
Aigu Sévère", et la présente comme une menace de santé
mondiale.
16 mars : 150 cas suspects sont recensés
à travers le monde.
17 mars : l'OMS met en place un réseau
de 11 laboratoires (dont un à l'Institut Pasteur), dans le but de détecter
l'agent en cause et de mettre au point un test diagnostique fiable.
22 mars : 13 pays rapportent un total de
386 cas et 11 morts.
26 mars : la Chine déclare un total
de 792 cas et 31 morts dans la province de Guangdong entre le 16 novembre et
le 28 février. Les données officielles précédentes
ne faisait état que de 305 cas et 5 morts pour cette période
27 mars : plusieurs laboratoires annoncent
avoir identifié un nouveau coronavirus comme agent causal du SRAS.
30 mars : les autorités de santé
de Hong Kong annoncent que 213 résidents des immeubles de Amoy Garden
ont été hospitalisés pour SRAS depuis le début de
l'épidémie. Ces immeubles seront placés en quarantaine.
2 avril : l'OMS émet l'appel le plus
sévère jamais lancé en termes de recommandations, conseillant
aux personnes devant voyager vers Hong Kong et la province de Guangdong de remettre
leurs voyages; le total des cas déclarés dans le monde passe la
barre des 2000.
3 avril : une équipe de l'OMS arrive
à Guangdong; l'enquête permettra d'identifier le cas index de l'épidémie.
14 avril : le nombre de cas dans le monde
dépasse les 3000.
16 avril : exactement un mois après
son instauration, le réseau de laboratoires de l'OMS confirme l'identification
d'un nouveau coronavirus comme agent causal du SRAS.
23 avril : l'OMS conseille de différer
les voyages vers les provinces de Beijing et Shanxi en Chine et vers Toronto
au Canada; le nombre cumulé des cas de SRAS est de 4288 et 251 morts.
28 avril : le Vietnam est le premier pays
a être enlevé des zones de transmission locale récente de
SRAS, et donc à avoir contenu efficacement son épidémie;
la barre des 5000 cas dans le monde est dépassée.
30 avril : la Chine, avec 3460 cas sur un
total de 5663, compte désormais plus de cas à elle seule que l'ensemble
des pays touchés.
2 mai : la barre des 6000 cas est franchie.
13 mai : un signe de fléchissement
des épidémies dans les régions qui restent affectées
montre que le SRAS peut être maîtrisé.
22 mai : Toronto est de nouveau victime
de cas groupés; la barre des 8000 est franchie.
23 mai : les restrictions pour les voyages
vers Hong Kong et la province de Guandong sont levées; des chercheurs
de Hong Kong et de Chine annoncent avoir détecté le virus du SRAS
chez des civettes, des animaux sauvages traditionnellement consommés
dans le sud de la Chine et vendus sur les marchés.
26 mai : Toronto est à nouveau dans
la liste des pays de transmission locale du SRAS.
27 mai : l'Assemblée Mondiale de
la Santé adopte une résolution sur le SRAS reconnaissant la sévérité
de la menace posée par cette nouvelle maladie et appelant tous les pays
à rapporter leur cas rapidement et en toute transparence.
31 mai : Singapour est retiré de
la liste des zones de transmission locale récente du SRAS.
12 juin : une équipe de l'OMS arrive
à Beijing pour estimer la situation du contrôle du SRAS en Chine.
13 juin : de nombreuses provinces chinoises
sont retirées de la liste des zones de transmission locale du SRAS.
17 juin : la première conférence
internationale sur le SRAS s'ouvre à Kuala Lumpur en Malaisie.
18 juin : l'épidémie mondiale
entre dans son centième jour tandis que le nombre de nouveaux cas se
réduit à une poignée.
23 juin : Hong Kong est retiré de
la liste des zones de transmission locale récente du SRAS.
24 juin : les recommandations aux voyageurs
sont levées pour Beijing, dernière zone encore concernée
par ces conseils; Beijing est également supprimé de la liste des
zones de transmission locale récente du SRAS.
2 juin : Toronto est supprimée de
la liste des zones de transmission locale récente du SRAS qui ne comprend
plus que Taïwan.
5 juillet : Taïwan est retirée
de la liste des zones de transmission locale récente. La chaîne
de transmission du SRAS d'homme à homme semble désormais rompue;
l'OMS considère que "la flambée mondiale de SRAS est endiguée"
mais précise : "la menace subsiste et les recherches doivent
se poursuivre".
Le bilan de l'épidémie est de plus de 8000 cas survenus dans 27 pays, dont 774 décès.
Depuis, des chercheurs
ont été contaminés au laboratoire par le virus du SRAS,
l'un à Singapour en septembre 2003, l'autre à Taïwan
en décembre 2003. Un cas de SRAS indépendant de tout
accident de laboratoire est par ailleurs survenu chez un homme de 32 ans
fin décembre dans la province de Guangdong au sud de la Chine et a été
confirmé par l'Organisation Mondiale de la Santé le 5 janvier
2004. Enfin, deux scientifiques de l'Institut National de Virologie de Beijing
en Chine ont développé un SRAS fin mars et mi-avril 2004,
et contaminé 7 autres personnes.
L'épidémie de SRAS en France en 2003
Le Centre National de Référence pour les virus influenzae (Région
Nord) également Centre Collaborateur de l'OMS pour les Virus Grippaux
et autres virus respiratoires de l'Institut Pasteur qui sont associés
à l'Unité de Génétique des Virus Respiratoires,
a été au centre du dispositif de surveillance du SRAS en France,
en étroite liaison avec le ministère de la Santé et l'Institut
de Veille Sanitaire. Il a été chargé d'analyser les prélèvements
provenant des cas suspects. Le CNR de l'Institut Pasteur a analysé au
total plus de 1500 prélèvements provenant de 800 patients. En
avril, il a mis à disposition de 7 laboratoires français un test
de détection du SRAS.
En France, si le nombre de cas suspects (plus de 400) a été élevé,
au final seuls 7 cas probables ou avérés de SRAS (dont l'un est
décédé) ont été enregistrés: chez
cinq de ces patients, la source de la contamination probable était liée
à l'épidémie survenue dans l'hôpital français
de Hanoï; deux autres patients revenaient de Nankin, en Chine.
Sommaire du dossier Les virus émergents
Pour en savoir plus sur les recherches à l'Institut Pasteur, lire nos
communiqués de presse :
Les recherches sur le SRAS à l'Institut Pasteur