Chine : une manifestation antipollution dégénère
LE MONDE | 14.04.05 | 14h27  •  Mis à jour le 14.04.05 | 15h36
Pékin de notre correspondant

es "rebelles du troisième âge" exposent les trophées de leur "victoire", témoignages d'une brutale explication populaire avec les forces de l'ordre : un casque, une poignée d'uniformes, deux boucliers anti-émeutes marqués "police" en caractères chinois et en lettres latines... Mercredi 13 avril, la photo qui s'étalait à la "une" du South China Morning Post de Hongkong illustrait bien les émeutes de dimanche à Huaxi, un village de la province du Zhejiang, au sud de Shanghaï. Après un mois de protestation pacifique menée par deux cents personnes âgées contre la pollution provoquée par une usine de produits chimiques, plusieurs dizaines de milliers de citoyens, selon des témoins ­ une dizaine de milliers, selon des sources officielles ­, ont affronté, en fin de semaine, plusieurs centaines de policiers.

Une rumeur selon laquelle deux femmes auraient été tuées, lorsque des policiers ont tenté de démanteler des tentes installées autour de l'usine par les protestataires, aurait provoqué un redoublement de la violence : la foule en colère, les jeunes se joignant désormais aux "vieux", s'est mise à jeter des pierres contre les forces de l'ordre, à les attaquer au couteau, à retourner leurs véhicules. Un policier, cité par l'AFP, raconte que "de partout, depuis des maisons de deux ou trois étages, on nous balançait des pierres sur la figure. On n'avait nulle part où s'enfuir"... Finalement, la police a dû déguerpir et, jeudi matin, elle n'avait toujours pas osé revenir dans Huaxi, se contentant d'en garder les alentours et d'empêcher la presse d'y pénétrer. Une trentaine de personnes ont été hospitalisées, surtout des membres des forces de sécurité.

Depuis 2001, et la construction de treize unités d'un complexe d'industrie chimique, la colère grondait dans cette petite localité située dans l'une des plus riches provinces de Chine. Selon les habitants, la pollution est désormais telle que plus rien ne pousse dans les champs, forçant les paysans à abandonner leurs activités. "Nous avons protesté auprès des autorités locales, mais nous n'avons jamais eu gain de cause. Un officiel nous a même prévenus que les usines ne seraient pas déplacées même si tout le village en mourait...", a raconté l'un d'eux au quotidien hongkongais.

La presse officielle n'a pas soufflé mot de cette émeute, emblématique de la poussée croissante de mouvements sociaux dans la Chine en décollage économique, et qui intervient alors que des manifestations antijaponaises ­ tolérées ­ ont eu lieu dans plusieurs villes. Autre accroc à l'"harmonie sociale" avancée par le premier ministre Wen Jiabao, plus de 2 000 militaires en retraite ont manifesté, lundi et mardi, à Pékin, devant les bâtiments du département politique de l'armée, pour protester contre la maigreur de leurs pensions. Encore une manifestation qui n'était pas prévue au programme...


Bruno Philip
Article paru dans l'édition du 15.04.05


 
    
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