logo libe

Monde

Manifestations en Chine pendant la visite du chef de la diplomatie japonaise.
Pas d'excuses de Pékin pour les violences antinippones

Par Abel SEGRETIN
lundi 18 avril 2005



Pékin intérim

la vague de manifestations antijaponaises a redoublé d'ampleur ce week-end en Chine, agitant une dizaine de grandes villes à travers le pays. A l'exception notable de Pékin, où le ministre japonais des Affaires étrangères, Nobutaka Machimura, est arrivé hier pour discuter des tensions entre les deux pays et de la fièvre antijaponaise. Celle-ci est liée à l'homologation récente par le ministère de l'Education nippon de manuels scolaires minimisant les exactions commises en Chine par les troupes japonaises dans les années 30 et 40.

Le chef de la diplomatie japonaise a demandé des excuses et des compensations pour les déprédations causées la semaine dernière par les manifestations violentes visant les chancelleries et magasins japonais, mais il a reçu un camouflet. «Le gouvernement chinois n'a rien fait qui justifie des excuses. Le problème actuel est que le gouvernement japonais a fait une série de choses qui ont blessé les sentiments du peuple chinois», lui a rétorqué son homologue Li Zhaoxing, tout en affirmant que la Chine est prête à renouer des liens amicaux avec le Japon «au travers du reflet de l'Histoire». La capitale avait été placée sous haute surveillance policière afin de dissuader les étudiants de manifester sur la place Tiananmen et autour de l'ambassade nippone. Mais ailleurs les mouvements antijaponais étaient toujours tolérés.

Dégradations. Pendant que Machimura s'entretenait avec son homologue chinois, deux mille personnes bombardaient d'oeufs et de bouteilles le consulat japonais de Shenyang, capitale de la Mandchourie, occupée par le Japon dans les années 30 et 40. D'autres Chinois ont protesté à Chengdu, Hangzhou, Zhuhai, Dongguan, Shenzhen, Nanning, Nankin et Tianjin, ainsi qu'à Hongkong, où un cortège a rassemblé trois mille personnes. La manifestation la plus significative a eu lieu samedi à Shanghai, poumon économique du pays où vivent 34 000 ressortissants nippons. Trente mille personnes ont sillonné le centre-ville, brisé des dizaines de vitrines de magasins et de restaurants japonais, puis bombardé le consulat à coups de pierre et de peinture. Deux Japonais ont été tabassés, selon des témoins. A chaque fois les étudiants scandaient : «Boycottons les produits japonais», «Non à l'impérialisme nippon», «Mort aux cochons japonais», «Non à la déformation de l'Histoire». Les forces de l'ordre, partout très présentes, se sont bornées à canaliser les manifestants et à les empêcher de rentrer dans les consulats. Quelques meneurs ont été interpellés, puis relâchés.

La télévision et les médias ont tu, hier encore, l'existence de ces manifestations nationalistes, mais le Quotidien du peuple a publié hier un long commentaire en une, appelant à la «stabilité sociale». C'est que le risque existe de voir la flamme nationaliste céder le pas à d'autres revendications. Durant un des défilés de samedi, dans le sud du pays, à Dongguan, 3 000 ouvriers en grève devant leur usine japonaise de composants électroniques en ont d'ailleurs profité pour demander des augmentations de salaires et de meilleures conditions de travail. La police les a dispersés.

Boycott. «Le gouvernement tolère que cela arrive une fois par ville, et puis referme le couvercle. Le risque est trop grand de voir d'autres mouvements se joindre aux étudiants», explique Richard Wen, Pékinois employé à Shanghai par une firme américaine. Il a décidé de ne plus acheter de produits japonais. Plusieurs centres commerciaux des grandes villes et une chaîne de supérettes ont déjà commencé à retirer de leurs rayons la marque de produits de beauté japonaise Sisheido, accusée par une rumeur Internet de donner des boutons. Une vingtaine de numéros verts des grandes marques japonaises sont saturés depuis plusieurs jours, «chaque appel leur fait perdre un yuan», explique le «manuel en ligne du boycotteur» qui circule, sans entraves, sur les forums de discussion. Les excès du nationalisme chinois semblent se conjuguer avec ceux du Japon. Hier au Japon, un présumé militant d'extrême droite a lancé un cocktail Molotov contre le consulat général de Chine à Osaka. Lorsque des policiers ont voulu l'appréhender, il a tenté de s'immoler par le feu.

 http://www.liberation.fr/page.php?Article=290324

 

© Libération