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Monde

Les frondes sociales se multiplient en Chine
Une famille a été payée pour dire que sa fille, tuée par la police, était décédée d'une crise cardiaque.

Par Michel TAILLE
jeudi 19 janvier 2006



Pékin de notre correspondant

alors que les heurts entre la police et les populations s'estimant victimes d'injustices se multiplient en Chine, les autorités utilisent des moyens parfois douteux pour empêcher la diffusion de telles informations. La presse de Hongkong a rapporté, mardi, en citant plusieurs témoins, que des officiels locaux avaient payé 130 000 yuans (13 400 euros) la famille d'une fillette de 15 ans, Feng Meiying, battue à mort lors de la répression d'une manifestation, afin qu'elle atteste que celle-ci avait succombé à une «attaque cardiaque».

Matraques électriques. Un millier d'habitants de Sinfeng, un village proche de Shenzhen, avaient bloqué, samedi dernier, une autoroute pour réclamer une compensation juste pour leurs terres, réquisitionnées et vendues trois ans plus tôt par le gouvernement local à une compagnie de Hongkong. Dès le début de son intervention, la police aurait d'emblée commencé à tabasser les protestataires avec des matraques électriques. Les heurts qui ont suivi ont conduit à l'hospitalisation d'une trentaine de villageois. La fillette aurait lancé des pierres en direction des centaines de policiers, avant d'être «tabassée par la police sous les yeux de tout le monde», rapporte un témoin interrogé par téléphone.

Depuis les événements, le village est cerné par la police, qui empêche les journalistes d'y pénétrer. Les abords d'un village proche, Dongzhou, sont également surveillés depuis que, le mois dernier, trente manifestants auraient été tués par la police, selon des témoins.

Bien que le gouvernement central ait reconnu que le nombre de conflits sociaux est passé de 58 000 en 2003 à 74 000 en 2004, la presse officielle a pour consigne de taire ces incidents, souvent liés à des réquisitions de terres par des officiels. Lorsque des journalistes chinois tentent d'en faire état, ils risquent gros. Mardi, deux d'entre eux ont été condamnés à des peines allant jusqu'à dix ans de prison pour avoir rapporté des faits similaires, survenus en mai à Lishui, dans la province du Zhejiang.

«Fraude et extorsion». Circonstance aggravante, leur magazine, Nouvelle Jeunesse chinoise, était enregistré à Hongkong, mais pas en Chine continentale. Les deux reporters, Zhu Wangxiang et Wu Zheng, ont été reconnus coupables d'«activités commerciales illégales, fraude et extorsion» par le tribunal de cette même ville de Lishui. Selon un magistrat interrogé par l'AFP, le délit d'«extorsion» est «avéré» par le fait que les deux journalistes ont «menacé les autorités d'écrire plus d'articles sur les réquisitions de terres si le gouvernement n'accédait pas aux demandes légitimes des paysans». L'agence officielle Chine nouvelle elle-même avait reconnu, le mois dernier, que les poursuites contre ce magazine avaient été engagées surtout en raison de deux articles consacrés aux conflits liés aux saisies de terres.

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