ABIDJAN (Reuters) - Des milliers d'Ivoiriens sont à nouveau descendus mercredi dans les rues d'Abidjan pour protester
contre l'accord de paix de Marcoussis, mais les rebelles ont menacé de passer à l'action si le président Laurent Gbagbo ne le
mettait pas en oeuvre rapidement.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a entériné l'accord mardi à l'unanimité, joignant ainsi sa voix à celles de la France,
des Etats-Unis et de l'Union africaine pour en réclamer l'application.
Gbagbo n'a toujours pas fait savoir jusqu'où il envisageait de mettre en oeuvre cet accord, envers lequel il a pris ses
distances bien qu'il ait accepté en France de former un gouvernement d'union nationale avec les mouvements rebelles qui tiennent
la moitié de la Côte d'Ivoire.
Des responsables de la présidence ont dit que Gbagbo prendrait sans doute la parole cette semaine, mais sans pouvoir encore
préciser quel jour. Précédemment, certains jugeaient possible que le président intervienne ce mercredi.
Laurent Gbagbo s'est rendu mercredi en visite au Ghana, pays voisin de la Côte d'Ivoire, pour des entretiens avec son
homologue John Kufuor, président de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Kufuor, selon les
médias ivoiriens, fait pression en faveur de la tenue d'un sommet des chefs d'Etat de la CEDEAO vendredi à Yamoussoukro,
capitale politique de la Côte d'Ivoire.
La manifestation de mercredi est la douzième organisée contre l'accord à Abidjan, où des émeutes antifrançaises ont éclaté
dès qu'il a été annoncé que les ministères de la Défesne et de l'Intérieur devaient revenir aux rebelles au sein d'un
gouvernement de coalition.
Une foule arborant les couleurs nationales orange-blanc-vert a pris tranquillement le chemin de l'ambassade de France.
"La Côte d'Ivoire aux Ivoiriens. Nous sommes xénophobes et alors ?", scandaient les participants.
Des deux côtés de la ligne de front, des manifestations ont mis en évidence la division du pays, le Sud à majorité chrétienne
faisant face à un Nord où dominent les musulmans et que les rebelles contrôlent depuis le coup d'Etat manqué du 19 septembre à
Abidjan.
LES REBELLES S'IMPATIENTENT
Dans leur fief de Bouaké, à 350 km au nord d'Abidjan,les rebelles ont annoncé qu'ils organisaient jeudi une réunion de toutes
les factions pour décider du délai qu'elles accordaient à Gbagbo pour appliquer l'accord de paix.
"Ou bien la communauté internationale amène Gbagbo à respecter l'accord, ou bien ses forces doivent quitter la ligne de
front et nous laisser avancer jusqu'à Abidjan", a déclaré Guillaume Soro, secrétaire général du Mouvement patriotique de Côte
d'Ivoire (MPCI), le principal mouvement rebelle.
La France a décidé de porter à plus de 3.000 hommes ses effectifs militaires en Côte d'Ivoire afin de protéger ses
ressortissants et d'empêcher l'effondrement du pays. Les Etats d'Afrique de l'Ouest ont également commencé à déployer une
force de plus de 1.200 hommes sur la ligne de front.
Avant que des trêves observées par trois mouvements rebelles ne rendent possibles les négociations qui ont eu lieu la semaine
dernière près de Paris, des combats avaient fait des centaines de morts et déplacé plus d'un million de personnes dans le pays.
"Plus cela dure, plus les choses se compliquent pour Gbagbo. Nous avons envie maintenant de le presser comme une orange", a
déclaré le commandant rebelle Chérif Ousmane à Bouaké.
L'armée gouvernementale a fait état de brefs combats lundi dans la région cacaoyère de l'ouest du pays, mais des
observateurs français ont dit que les troubles ne semblaient avoir eu d'ampleur.
Le Conseil de sécurité de l'Onu a appelé toutes les factions politiques ivoiriennes à appliquer "pleinement et sans délai"
l'accord de paix et de partage du pouvoir signé à Marcoussis fin janvier. Ses quinze membres ont adopté une résolution
autorisant l'armée française et les contingents ouest-africains de maintien de la paix à assurer la protection des populations
civiles pour une durée initiale de six mois.