Sept manifestants anti-Français tués et de nombreux blessés hier à Abidjan.
La Côte-d'Ivoire s'enfonce inexorablement dans le chaos
Par Thomas HOFNUNG
mercredi 10 novembre 2004
La Côte-d'Ivoire est en train d'échapper à tout contrôle. Au moment où le président sud-africain, Thabo Mbeki, se réjouissait de son entretien fructueux avec Laurent Gbagbo, hier, à Abidjan, des groupes de pillards continuaient d'écumer la capitale économique (lire ci-contre). Le président sud-africain avait été mandaté par l'Union africaine, avec la bénédiction de Paris, pour tenter une mission de la dernière chance en Côte-d'Ivoire. Hier soir, la Côte-d'Ivoire voulait faire condamner Paris à l'ONU, suite à la destruction de sa flotte aérienne... Un éventuel retrait de l'armée française pourrait avoir des conséquences dramatiques. Le pays tout entier est sur le point d'imploser. A Gagnoa (Ouest), dans la région natale du président ivoirien, des membres de l'ethnie bétée (celle de Gbagbo) ont attaqué lundi des paysans originaires du Nord. Bilan : au moins quatre morts. Selon une source diplomatique à Abidjan, des proches de la présidence ivoirienne auraient distribué récemment des armes sur place. A la frontière avec le Liberia, la situation n'est pas plus rassurante. Depuis la reprise des violences en Côte-d'Ivoire, jeudi, près de 1 500 Ivoiriens, pour la plupart des femmes, des enfants et des personnes âgées, ont fui vers le nord-est du Liberia. Des témoins ont assuré à Reuters avoir vu des combattants libériens traverser la frontière avec la Côte-d'Ivoire : «Chaque personne est payée 500 dollars par l'armée ivoirienne qui les recrute.» Depuis vendredi, les Nations unies ont suspendu leurs activités humanitaires en Côte-d'Ivoire. Une décision potentiellement dramatique : selon le Programme alimentaire mondial, 800 000 Ivoiriens qui dépendent de l'aide internationale ne sont plus secourus.e face-à-face entre les forces françaises qui, lundi, avaient pris position devant le grand hôtel Ivoire et les manifestants favorables au président Laurent Gbagbo a pris une tournure dramatique, hier après-midi à Abidjan. Une fusillade a éclaté faisant plusieurs morts. «Nous avons pour le moment sept morts et plusieurs blessés dont certains dans un état grave», a indiqué à l'AFP un médecin du centre hospitalier universitaire de Cocody. L'agence Reuters précisait que les corps d'un gendarme et de deux femmes ainsi qu'un cadavre décapité gisaient au sol. Les tirs très nourris ont créé la panique dans le quartier où des dizaines de milliers de personnes étaient venues «exiger» le départ des blindés français positionnés sur le parking de l'hôtel Ivoire. Selon les manifestants, les soldats français auraient ouvert le feu pour les disperser. Dans un communiqué publié à Paris, la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, affirme que «les forces de sécurité ivoiriennes qui s'interposaient» entre les manifestants et Licorne «ont été malmenées et ont riposté». «Les forces ivoiriennes ont ouvert le feu pour couvrir le départ du détachement Licorne.» En clair, les tirs et les victimes , affirme Paris, seraient leur fait. Et non celui des militaires français.
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