La crise ivoirienne fait l'objet de nombreux commentaires de la part de la presse nationale. Le rôle de la France est au centre de toutes les analyses sur cette crise que ces publications n'entrevoient pas toutes de la même façon.
Civils et militaires en otages
Pour le journal La Croix, ce sont des jours d'angoisse en Côte d'Ivoire. Donnant la parole à des Français expatriés, le journal dresse un sombre tableau : "C’est la guerre, il n’y a pas d’autre mot" car "il n’y a plus que la haine" entre les communautés. Pourtant, de nombreux témoignages attestent de l'aide apportée par certains Ivoiriens ou encore les forces de sécurité du pays aux Français en danger. C'est ce que note Le Parisien qui relève un sentiment d'abandon parmi les Français d'Abidjan : "nous sommes sacrifiés..." La colère s'élève davantage contre Paris que contre les Ivoiriens que nombre de Français disent même comprendre : "Nous sommes certainement arrivés au bout du chemin. Quelque chose est désormais irréversible... Nous sommes sacrifiés sur l'autel des grands intérêts. Mais la France oublie que nous ne sommes plus au temps des colons et que la Côte d'Ivoire est un pays libre et de droit". Plus loin, un autre témoignage enfonce le clou : "On a gâché ce pays. Ç'est moche. Tous mes potes ivoiriens n'ont plus rien. Tout va à vau-l'eau. Très franchement, si j'étais à leur place, j'aurais la même attitude qu'eux. Aujourd'hui, ils pètent les plombs mais ce ne sont pas des sauvages".
Autres sacrifiés du conflit selon Le Figaro, les militaires car si la réaction de Jacques Chirac a été opportune, "Le message devait être clair et il l'a été : on ne s'en prend pas impunément à des soldats français", le quotidien estime qu'on en serait pas arrivé là si le déploiement de tels dispositifs militaires n'était pas uniquement le fait du prince : "s'il y avait eu un réel débat à l'Assemblée nationale avant l'envoi de nos troupes en Côte d'Ivoire, nous saurions aujourd'hui pour quel but suprême neuf de nos soldats ont trouvé la mort samedi". Une chose est certaine en tout cas pour Thierry Clément du Petit Journal : "même si la France ne fera plus de cadeau à Gbagbo, Paris va devoir jouer fin pour se sortir de ce guêpier".
Quel jeu joue Gbagbo ?
C'est la question que se posent nombre de publications ce matin. Cette flambée de violences, c'est une victoire pour le clan des durs au sein du pouvoir ivoirien note Le Figaro : "le retour de l'option militaire dans le camp gouvernemental marque la victoire du clan des extrémistes qui gravitent autour du président Gbagbo. Parmi eux, trois grandes figures : Simone Gbagbo,Mamadou Koulibaly, Charles Blé-Goudé". Afin de mieux comprendre ce qui se trame, le même journal publie un portrait du principal protagoniste côté ivoirien à savoir Gbagbo lui-même qui selon Tanguy Bertheret serait un adepte de la "stratégie du louvoiement". Autre son de cloche, mais pas forcément plus flatteur, sous la plume de Stephen Smith dont le journal Le Monde reproduit un portrait datant de janvier 2003 : "Laurent Gbagbo, "l'élu du peuple".
L'Irak de Chirac
Mais comment en est-on arrivé là ? Pour Thomas Hofnung de Libération, on touche aux impasses de l'accord de Marcoussis. Dans Le Figaro, afin d'éclairer le présent, ce sont "cinq années de glissement vers le chaos" qui font l'objet d'une chronologie. Mais au final, à qui doit-on cette situation ? Sur un ton offensif, Gérard Dupuy dans Libération ose le parallèle : si Bush s'enlise en Irak, Chirac le donneur de leçon s'embourbe à Abidjan : "si Chirac a pris le risque, comme Bush qu'il critique en Irak, d'être à la fois juge et partie, du moins a-t-il accepté de céder le pas à l'ONU. En principe, cela aurait dû marquer le début d'un désengagement. Mais, concrètement, c'est à un alourdissement du dispositif militaire qu'on aboutit. La raison voudrait que l'on parte, la réalité fait qu'on s'installe dans la durée, au risque perpétuel d'en faire à la fois trop et trop peu. Ce ne sont pas les appels au «calme» de Barnier ou au «bon sens» de Villepin qui y changeront quoi que ce soit". Pour L'Humanité, une chose est certaine : entre Paris et Abidjan, on a atteint le "point de rupture". Et à l'heure des bilans, il n'est pas sûr que Laurent Gbagbo soit désigné seul responsable : "certes, la France a contribué à la signature de Marcoussis et cette dernière a jusque-là empêché le pire. Il demeure toutefois, côté Paris, un comportement peu transparent et chaotique qui a compliqué la mise en oeuvre de Marcoussis, seule porte de sortie actuellement envisageable pour dépasser le blocage et créer ainsi les conditions du dialogue".
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