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mercredi 10 novembre 2004, 21h28
Evacuation des premiers Français de Côte d'Ivoire dans un climat très tendu
ABIDJAN (AFP) - La France a commencé mercredi après-midi à évacuer ses premiers ressortissants d'Abidjan, où la mobilisation anti-française ne faiblit pas, après quatre jours d'affrontements meurtriers entre partisans du président ivoirien Laurent Gbagbo et militaires français.
Un premier avion d'Air France, d'une capacité de 270 places, a décollé d'Abidjan à destination de Paris, a constaté l'AFP. Au total, "quatre avions doivent décoller d'Abidjan dans la journée, représentant une capacité d'environ un millier de places disponibles", selon le ministère français des Affaires étrangères.
A Paris, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a annoncé mercredi soir à la télévision le "rapatriement volontaire" de Côte d'Ivoire de "1.300 ressortissants" français.
Depuis le début des manifestations anti-françaises, qui auraient fait 64 morts et "plus d'un millier" blessés entre samedi, selon le pouvoir ivoirien, quelque 1.300 européens se sont réfugiés dans la base française du 43e Bataillon d'infanterie de marine (BIMa) et plus de 1.600 sont sous la protection de l'Onu.
La mobilisation anti-française se poursuivait mercredi dans la capitale économique de la Côte d'Ivoire, où des milliers de "jeunes patriotes", partisans du régime, se sont massés dans le quartier de la présidence de Cocody, théâtre de heurts la veille, et du Plateau, siège de la radio, a constaté un journaliste de l'AFP.
Les jeunes patriotes affirment vouloir protéger le président et accusent les troupes françaises de chercher à le "renverser".
Dans un climat de peur grandissant pour les quelque 14 000 Français vivant dans le pays, Paris a adopté mercredi un dispositif permettant le rapatriement de tous les Français désireux de quitter la Côte d'Ivoire.
L'Italie (500 ressortissants), le Canada (700), l'Allemagne (170), la Grande-Bretagne (300) se préparaient au rapatriement de leurs ressortissants, tandis Washington cherchait à obtenir des places pour ses ressortissants (un millier) sur des vols charters qui quittent le pays. La Banque mondiale a décidé d'évacuer l'ensemble de son personnel non-essentiel vers des pays voisins.
Laurent Gbagbo a assuré mercredi soir à la télévision française que le calme allait revenir en Côte d'Ivoire "demain ou après-demain".
Le président français Jacques Chirac a affiché mercredi sa fermeté face au président Gbagbo, appelant les autorités ivoiriennes à "assumer leurs responsabilités en matière d'ordre public".
M. Chirac a assuré que les manifestations ne feraient pas plier la France, affirmant que les 4.000 soldats de la force licorne, renforcés ces derniers jours par 800 hommes, continueraient à protéger les ressortissants français "jusqu'à ce que le calme revienne".
Rendant "l'hommage solennel de la Nation" aux neuf soldats français tués le 6 novembre à Bouaké (centre) lors d'un bombardement de l'aviation ivoirienne, il a dit: ils ont été "lâchement frappés, victimes d'une agression que rien ne pouvait justifier".
Selon une source diplomatique française, Paris est prêt à imposer à M. Gbagbo et aux rebelles la reprise du processus de réconciliation nationale, et donnerait "de l'ordre d'un mois" aux parties pour progresser en ce sens.
Pour sa part, le président Gbagbo a estimé que "la question du départ des militaires français du territoire ivoirien n'est pas à l'ordre du jour", dans un entretien à la revue Geopolitique Africaine.
Plusieurs ministres ont lançé un appel à la reprise de l'activité économique à Abidjan, paralysée depuis des jours, assurant que toutes les dispositions ont été prises pour assurer la sécurité, notamment des "communautés étrangères".
Dans le nord du pays, sous contrôle des rebelles des Forces Nouvelles depuis septembre 2002, au moins 10.000 personnes selon la presse, 26.000 selon les organisateurs, ont manifesté mercredi à Korhogo, pour réclamer la démission du président ivoirien, accusé d'être un obstacle au retour de la paix, a constaté un journaliste de l'AFP.
La crise ivoirienne inquiétait mercredi les voisins africains du premier producteur mondial de fèves de cacao: elle pourrait notamment réveiller d'autres "foyers de tensions" dans un contexte sous-régional déjà instable, selon le ministre bissau-guinéen des Affaires étrangères, Soares Sambu.
Cherchant toujours une solution africaine à la crise, le président sud-africain Thabo Mbeki, chargé d'une médiation par l'Union africaine (UA), a invité plusieurs dirigeants ivoiriens d'opposition qui devraient arriver jeudi à Pretoria, dont l'ex-Premier ministre Alassane Ouattara. M. Mbeki a obtenu mardi soir "l'engagement du président Gbagbo à mettre en oeuvre" les accords de paix sur la Côte d'Ivoire (restés lettre morte depuis leur signature à Marcoussis en janvier 2003).
Le président en exercice de l'UA, le chef d'Etat nigérian Olusegun Obasanjo, a entamé des consultations avec des dirigeants ouest-africains pour la tenue d'un sommet "urgent" africain consacré à la crise ivoirienne.
Le Conseil de sécurité de l'ONU devrait adopter mercredi une résolution prévoyant l'imposition de sanctions à la Côte d'Ivoire à partir du 1er décembre si certains éléments clés des accords de paix ne sont pas pleinement appliqués d'ici là.
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