Côte d'Ivoire Plus de 800 Européens de Côte d'Ivoire, dont 359 Français, fuyant les violences, ont été évacués mercredi soir d'Abidjan à bord de trois avions affrêtés par le gouvernement français. Le président ivoirien Laurent Gbagbo a assuré mercredi soir à la télévision française que le calme allait revenir en Côte d'Ivoire "demain ou après-demain".
Une femme et un bébé rapatriés de Côte d'Ivoire arrivent mercredi soir à l'aéroport de Roissy (AP)
a France rapatrie ceux de ses ressortissants qui veulent quitter la Côte d'Ivoire. Après quatre jours de violences, les premiers Français sont partis mercredi 10 novembre d'Abidjan à bord d'avions réquisitionnés par le gouvernement et arrivés en soirée à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. En conseil des ministres, Jacques Chirac a averti mercredi que "les autorités ivoiriennes doivent assumer leurs responsabilités en matière d'ordre public". Le président français a présidé dans l'après-midi une cérémonie aux Invalides à Paris en hommage aux neuf militaires français tués samedi dans un raid aérien de l'armée ivoirienne sur un poste de stationnement militaire français à Bouaké, fief des anciens rebelles dans le centre du pays.
Représailles
Aussitôt après cette attaque, Jacques Chirac avait ordonné la destruction de tous les moyens aériens ayant violé dans la semaine le cessez-le-feu surveillé par les quelque 4.000 militaires français du dispositif Licorne et 6.000 casques bleus de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI). Une riposte suivie d'un déferlement de violences anti-françaises, pillages et destructions, notamment à Abidjan, la capitale économique de la Côte d'Ivoire. Quatre jours plus tard, les premiers Français quittaient la Côte d'Ivoire. Officiellement, Paris n'a pas donné d'ordre d'évacuation, mais fournit seulement une assistance à ceux des 14.000 Français (dont 8.000 binationaux) qui veulent partir, alors que les liaisons aériennes ont été interrompus. Mais les départs pourraient être importants et le conseil des ministres a approuvé mercredi un décret permettant de réquisitionner les compagnies aériennes.
4.000 à 8.000 cas
Le premier vol pour Paris est arrivé dans la soirée à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle avec à son bord 359 personnes, accueillies par le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères Renaud Muselier. Le Quai d'Orsay a mis en place quatre avions. Le ministère des Affaires étrangères précisait que «toutes les dispositions ont été prises» pour assurer l'accueil des Français de Côte d'Ivoire sur le «plan matériel, médical et psychologique». «Il s'agit en effet de personnes en détresse, d'enfants d'âge scolaire et de personnes ayant perdu tous leurs biens durant les événements des derniers jours à Abidjan», expliquait le Quai d'Orsay qui a mobilisé la Croix-Rouge française, le SAMU et le Comité d'entraide aux Français rapatriés. Après le premier vol pour Paris, deux autres appareils devaient suivre et «d'autres vols sont envisagés dans les jours qui viennent, en fonction des besoins». Une source diplomatique à Abidjan évaluait à «entre 4.000 et 8.000» le nombre de Français ayant exprimé le souhait de partir que ce soit de façon temporaire ou définitive». Par ailleurs, l'Espagne, l'Italie, la Belgique et le Canada ont envoyé des appareils militaires dans la région, prêts à évacuer leurs ressortissants. Ottawa a envoyé un avion pour évacuer les ressortissants canadiens qui le souhaitent à Accra au Ghana dans les prochains jours. D'après le colonel Henri Aussavy, porte-parole de l'opération Licorne, cité par l'état-major, la moitié des quelque 1.500 ressortissants étrangers mis à l'abri depuis l'éclatement des violences anti-françaises ce week-end au 43e BIMA (Bataillon d'infanterie de marine) à Port-Boué, une commune d'Abidjan, souhaitent quitter la Côte d'Ivoire. Parmi eux, figurent 985 Français et des ressortissants de 42 autres pays, selon des responsables français sur place.
Convois
A Abidjan, les forces françaises de l'opération Licorne rassemblaient les candidats au départ, envoyant des barges chercher certains ressortissants français sur les berges des lagunes. Des convois des Nations unies acheminaient des ressortissants étrangers à l'aéroport, traversant des foules «très virulentes» de jeunes patriotes, des partisans du président ivoirien Laurent Gbagbo, selon un porte-parole de l'ONU, et passant devant des véhicules incendiés et des barricades de pneus en flammes. Pendant que s'organisaient les rapatriements, la télévision officielle ivoirienne diffusait des images de cadavres, dont l'un avec la tête déchiquetée, présentés comme ceux de sept manifestants qui auraient été tués mardi dans un accrochage avec les troupes françaises près de l'Hôtel Ivoire, non loin de la résidence de Laurent Gbabgo, où Licorne avait installé une base temporaire.
"Calme fragile"
La ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie a déclaré sur RTL que la situation était "calme" jeudi matin en Côte d'Ivoire mais qu'elle restait "fragile" en raison d'"appels à la haine" contre les Français de certains groupuscules ivoiriens. "Après la situation extrêmement tendue de lundi et mardi, hier la situation a été calme et ce matin la situation est encore calme mais je considère qu'elle demeure fragile surtout si continuent à se manifester des groupuscules qui continuent d'appeller à la haine contre les Français, contre les blancs et d'une façon générale contre tout étranger", a déclaré la ministre. Un avion gros porteur transportant "à peu près 600 personnes françaises mais également étrangères", désireuses de quitter la Côte d'Ivoire au moins "pour quelque temps", doit arriver en France jeudi dans la journée, a-t-elle indiqué. L'immense majorité des Ivoiriens n'a pas de sentiment antifrançais", a estimé Mme Alliot-Marie. "Je regrette que quelques uns, dont certains qui sont proches du président Laurent Gbagbo aient au cours des derniers jours proclamé des slogans très violemment antifrançais, violemment xénophobes d'une façon plus générale, qui ont entraîné ces débordements auxquels nous avons assisté". La ministre avait démenti mercredi que des soldats français aient tiré sur la foule, expliquant qu'il y avait eu des échanges de tirs entre les jeunes patriotes et «des soldats, militaires ou gendarmes ivoiriens, qui étaient en interposition entre la foule et les blindés français».
64 morts
Toussaint Alain, l'un des conseillers de la présidence ivoirienne a affirmé mercredi que le bilan des violences des derniers jours s'élevait à 64 morts et 937 blessés. Il a d'autre part jugé que les informations accusant les soldats ivoiriens d'être à l'origine de ces violences n'étaient «pas justes» et relevaient d'une «manipulation de l'opinion». Un autre bilan, communiqué par la présidence ivoirienne, faisait état d'au moins 27 morts et plus de 900 blessées. Dix personnes ont été tuées dans les frappes aériennes, cinq corps de loyalistes ont été montrés à la télévision publique, et les corps de 11 loyalistes et d'un membre des forces de sécurité ivoirienne ont été reçus lundi et mardi par les hôpitaux. Pour compliquer encore les choses, le ministre ivoirien de la Sécurité Martin Bleuo a confirmé mercredi que plus de 2.000 prisonniers s'étaient échappés de la prison centrale d'Abidjan avant les événements de la semaine dernière, lors d'une émeute meurtrière qui avait fait sept morts. (avec AP)