PARIS/ABIDJAN (Reuters) - Jacques Chirac a dénoncé les "exactions graves" commises en Côte
d'Ivoire contre des ressortissants français, après la confirmation que plusieurs femmes européennes
avaient été violées par des pillards lors des émeutes anti-françaises d'Abidjan.
"Au moment où un grand nombre de nos compatriotes de Côte d'Ivoire arrivent en France, je
souhaite leur exprimer ma solidarité et celle de la Nation", a dit le chef de l'Etat à l'issue d'une
remise de décorations à l'Elysée.
"Après les épreuves douloureuses que ces familles viennent de vivre, soumises à la violence et à
des exactions graves, je veux les assurer que les pouvoirs publics mettent tout en oeuvre pour les
accueillir dans les meilleures conditions possibles et leur apporter toute l'aide matérielle et humaine
dont ils ont besoin", a-t-il ajouté.
Jacques Chirac a assuré que la France continuait à agir "inlassablement" en Côte d'Ivoire pour
assurer la sécurité de ses ressortissants "mais également des étrangers qui y vivent" et pour
"permettre à ceux qui le souhaitent" d'en partir.
Manille a également demandé à la France d'évacuer la centaine de ressortissants philippins qui
veulent quitter la Côte d'Ivoire.
Le porte-parole de la force Licorne à Abidjan a confirmé jeudi soir que plusieurs femmes
européennes avaient été violées au cours des émeutes. "C'est confirmé, les faits sont avérés", a
déclaré le colonel Henry Aussavy.
Plus de 1.500 ressortissants français ont été rapatriés en France mercredi et jeudi et environ
800 étaient encore attendus vendredi. Beaucoup témoignent des violences et des destructions
auxquelles se sont livrés les pillards mais aussi les "Jeunes Patriotes" - des partisans du président
ivoirien Laurent Gbagbo.
"J'ai passé mes vêtements à deux femmes. Elles nous ont dit qu'elles avaient été violées", a
déclaré à Reuters Annick Marcellesi, une Française âgée de 49 ans.
A Abidjan, Catherine Rechenmann, responsable de l'Union des Français de l'étranger, a déclaré
sur LCI qu'il y avait eu "37 exactions graves" et "trois ou quatre viols", tout en appelant à la plus
grande prudence dans l'attente de vérifications.
"Nous avons dû (...) faire face à une meute de pillards, de violeurs et de gens incontrôlés ou
manipulés, qui nous ont agressés en permanence et qui s'en sont pris systématiquement, poussés
d'ailleurs par la radio-télévision ivoirienne, à tous les étrangers qui se trouvaient en Côte d'Ivoire",
a pour sa part déclaré vendredi sur Europe 1 le général Henri Bentegeat, chef d'état-major des
armées françaises.
"MANIPULATION INACCEPTABLE"
Il a en revanche rejeté les accusations des partisans du président Gbagbo selon lesquelles les
soldats français de la force Licorne auraient abattu des Ivoiriens et il a dénoncé une "manipulation
inacceptable de la part des autorités ivoiriennes.
"Parmi ces morts et ces blessés qu'on nous reproche (...), il y en a un très grand nombre qui sont le
fait purement et simplement de ces pillards, de ces tireurs qui se trouvaient dans la foule", a-t-il
déclaré. "Nos troupes ont dû affronter à plusieurs reprises des foules au sein desquelles se
trouvaient des tireurs qui tiraient sur nos véhicules et nos gens."
Le général Bentegeat a également affirmé que les scènes de panique déclenchées par des
mouvements d'unités de Licorne avaient pu faire des victimes - "Les gens nous serraient de si près
qu'il n'a pas pu ne pas y avoir d'accident."
"Nous avons été d'une extrême retenue et nos troupes ont fait preuve d'un sang-froid
exceptionnel depuis le début de cette crise (...) Nous n'avons jamais cherché à tuer ou blesser des
Ivoiriens", a assuré le chef d'état-major.
Il a cependant reconnu que les soldats français avait dû "ponctuellement" ouvrir le feu : "Nous
avons toujours fait des tirs de sommation avant, nous avons prévenu, et quand nous avons dû ouvrir le
feu, c'est parce que nous étions en état de légitime défense, que nous ne pouvions plus assurer la
protection à la fois de nos ressortissants et de nos gens."
Le président Chirac a insisté sur le fait que la France poursuivait ses efforts pour "relancer
l'indispensable processus de réconciliation nationale" en Côte d'Ivoire.
"Les extrémistes des deux côtés, les durs, ont gagné", a cependant estimé le général Bentegeat.
"Ils ont gagné dans l'entourage du président Gbagbo, puisqu'ils l'ont poussé à une reprise de
l'offensive militaire. Ils ont gagné du côté des Forces nouvelles, du côté de M. Soro, c'est-à-dire de
ceux qu'on a appelé les rebelles, parce qu'ils ont refusé le désarmement."
"Des deux côtés il y a eu une volonté de faire échouer les accords d'Accra III qui permettaient
le retour à la résolution de cette crise politique", a-t-il ajouté.