"Les gens ont peur, ils observent", note une abidjanaise, dont la ville, qui porte les stigmates des violences de ces derniers jours, retrouve peu à peu son visage habituel.
Dans les grandes artères de la ville, quelques employés municipaux commençaient jeudi à charger dans un camion-benne les déchets qui débordent des poubelles et à nettoyer les dégâts des derniers jours.
Le long du boulevard "VGE", quelques commerces éventrés témoignent des pillages qui ont secoué la ville depuis samedi.
La Librairie de France a été saccagée. Un trou béant a remplacé les portes d'entrée du magasin de meubles Mobiland. Mitoyen, un magasin vidéo a été pillé et un magasin d'informatique voisin incendié.
Un peu plus loin la grille désarticulée d'un autre magasin n'a pas résisté à la violence des "jeunes patriotes", partisans du régime de Laurent Gbagbo.
"La ville est méconnaissable", déplore un agent municipal constatant l'ampleur des dégâts.
Les "patriotes", fer de lance des manifestations antifrançaises, ont levé jeudi matin tous les barrages à Abidjan où la circulation était de nouveau fluide.
Dans la matinée, les travailleurs de l'administration se sont pourtant détournés des bureaux pour affluer vers les guichets automatiques des banques, formant de longues files d'attente.
L'ensemble des établissements financiers de la capitale économique ivoirienne n'ont pu ouvrir que pour la matinée en raison de l'incapacité de la banque centrale d'effectuer les transferts et les compensations.
Les miliciens n'étaient plus jeudi que quelques centaines rassemblés près de la résidence et du siège de la télévision dans le quartier résidentiel de Cocody, ainsi qu'au siège de la Radio au Plateau.
Dans ce quartier d'affaires, des débris d'objets incendiés gisaient encore devant des magasins pillés. Sur l'avenue qui longe la "Sorbonne", lieu de prédilection des éléments les virulents des partisans du président, le terre-plein a été défoncé pour fournir des projectiles aux manifestants.
Quelques jeunes, qui ont barré certaines rues adjacentes, observent d'un regard noir le passage d'une colonne militaire française. "Allez en France, allez chez vous!", hurle un jeune, un drapeau ivoirien en écharpe.
La ministre ivoirienne de l'Environnement, Angèle Gnonsoa, a appelé les "jeunes patriotes" à une opération de salubrité publique à partir de vendredi pour "redonner à notre belle cité son rayonnement".
Mercredi, plusieurs ministres ivoiriens avaient lancé un appel à la reprise du travail à Abidjan, assurant que "toutes les dispositions" avaient été prises pour assurer la sécurité, notamment des "communautés étrangères".
Les forces de l'ordre ivoiriennes - militaires, gendarmes et policiers - se sont déployées aux points stratégiques de la ville, la brigade anti-émeute contrôlant les deux ponts sur la lagune qui relient les quartiers nord de la ville au sud, où se trouve l'aéroport.
Au niveau des ponts, un jeune se roulait par terre en riant et criant "on a gagné, on a gagné!" au passage des militaires français, dont les blindés ont laissé la place aux forces ivoiriennes.
Contrôlé depuis samedi par les forces françaises, l'aéroport international a été rouvert jeudi au trafic aérien civil. La Compagnie ivoirienne Air Ivoire a effectué dans la matinée son premier vol vers Lomé au Togo.