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Monde

L'ONU menace le régime ivoirien
Le Conseil de sécurité condamne la violence des «patriotes» et pourrait prendre des sanctions.

Par Thomas HOFNUNG
vendredi 20 janvier 2006



si Laurent Gbagbo espérait faire plier la communauté internationale en lançant ses «jeunes patriotes» dans les rues d'Abidjan et de plusieurs villes du sud de la Côte-d'Ivoire, il a raté son pari. Hier soir, le Conseil de sécurité des Nations unies a condamné «fermement» les violences commises contre l'ONU «par des milices urbaines et d'autres groupes associés aux "jeunes patriotes", ainsi que leurs instigateurs».

En revanche, l'exécutif onusien n'a pas décrété les sanctions individuelles contre les fauteurs de troubles réclamées par les adversaires du régime (lire ci-dessous). «Mais on s'en rapproche à grands pas», assurait hier soir un diplomate. En vertu de la résolution 1572 de 2004, l'ONU peut, en effet, décider à tout moment de les appliquer. Hier soir, le Conseil de sécurité s'est contenté de préciser que «des mesures ciblées seront imposées» contre toute personne «s'opposant au processus de paix».

Barrages. Cette menace suffira-t-elle à ramener le calme en Côte-d'Ivoire ? Mercredi soir, après un entretien orageux avec le médiateur de l'Union africaine, le président nigérian Olusegun Obasanjo, Laurent Gbagbo avait appelé ses partisans à rentrer chez eux. Pourtant, toute la journée d'hier, des groupes de «jeunes patriotes» ont maintenu leurs barrages dans Abidjan, tout en continuant d'encercler le siège de l'ONU. Les soldats français de la force Licorne ont dû faire usage de gaz lacrymogènes pour tenir à distance les manifestants regroupés devant la base militaire du 43e bataillon d'infanterie de marine. Paris a annoncé l'envoi en renfort d'une centaine de gendarmes antiémeutes. Dans la soirée, toutefois, la fièvre semblait devoir retomber, le chef des «patriotes», Charles Blé Goudé, ayant demandé à ses partisans de «quitter la rue».

En recourant à ses partisans les plus radicaux, comme il le fait chaque fois qu'il est en difficulté, Laurent Gbagbo a cherché à affaiblir l'autorité du nouveau Premier ministre, Charles Konan Banny, nommé en décembre. En vertu de la résolution 1633, ce dernier est, aujourd'hui, le vrai «patron» de la Côte-d'Ivoire. C'est lui qui, épaulé par la communauté internationale, doit conduire le pays au désarmement et à des élections, au plus tard en octobre prochain. Sur ce point, Laurent Gbagbo a échoué : Charles Konan Banny a reçu le soutien unanime de l'ONU, de l'Union africaine et de l'Union européenne.

En revanche, le président ivoirien a démontré que les «jeunes patriotes», même moins nombreux qu'à l'accoutumée dans les rues d'Abidjan, gardaient un réel pouvoir de nuisance. D'autant qu'ils ont pu compter sur la complicité des forces de sécurité, restées totalement passives durant les récentes violences. Bien que réputées divisées, les forces de l'ordre semblent échapper totalement au contrôle du gouvernement.

Pris à partie. Reste une inconnue : à force d'être manipulés sans vergogne par Gbagbo au gré de ses intérêts, les «patriotes» ne vont-ils pas finir, un jour, par se retourner contre lui ? Hier soir, l'un de ses proches qui tentait de ramener le calme devant le siège de l'ONU a été violemment pris à partie par la foule.

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