Monde
Retour au calme à Abidjan
La crise a été désamorcée mais rien n'est réglé sur le fond.
Par Thomas HOFNUNG
samedi 21 janvier 2006
«Coup d'Etat». Ce nouvel accès de fièvre avait été déclenché par une «recommandation» du groupe de travail international (GTI), un comité chargé au nom de la communauté internationale de superviser le processus de paix en Côte-d'Ivoire. Le 15 janvier, le GTI avait pris acte de la fin du mandat des députés intervenu à la mi-décembre. Ce faisant, il s'opposait aux deux partis dominant la Chambre : le Front populaire ivoirien (FPI) de Gbagbo et le PDCI (opposition) avaient en effet obtenu de la Cour constitutionnelle la prorogation de l'Assemblée nationale. Furieux, les proches de Gbagbo ont alors dénoncé le «coup d'Etat» du GTI, et lancé les «patriotes» dans les rues. La crise a été désamorcée par l'un des médiateurs africains, le président du Nigeria, Olusegun Obasanjo. Mercredi, à Abidjan, ce dernier a rappelé que le GTI n'avait fait qu'entériner un état de fait. Tout en proposant au chef de l'Etat et au Premier ministre, Charles Konan Banny, de trouver une occupation aux députés... L'épreuve de force de ces derniers jours est vraisemblablement appelée à se répéter. De nombreux obstacles, autrement plus sérieux que celui de l'Assemblée nationale, se dressent sur la route tortueuse devant mener la Côte-d'Ivoire à des élections «libres et transparentes», au plus tard fin octobre. Notamment celui du processus d'identification des électeurs, qui renvoie directement à la question explosive de l'«ivoirité» (qui est ivoirien ?). De même, Charles Konan Banny doit parvenir à désarmer les rebelles qui tiennent le nord du pays depuis septembre 2002, et les milices pro-Gbagbo au Sud. Marginalisé. En vertu de la résolution 1633 de l'ONU, c'est le Premier ministre qui dirige l'ensemble de la manoeuvre. Gbagbo, dont le mandat a été prorogé d'un an, fin octobre 2005, sur décision de l'ONU, est de facto marginalisé. En cas de blocage entre les deux têtes de l'exécutif, c'est le GTI qui est habilité à trancher. De quoi inquiéter les partisans de Gbagbo. Cette semaine, ces derniers ne s'en sont pas pris seulement aux Casques bleus. A Guiglo, dans l'ouest du pays, les locaux d'une dizaine d'organisations humanitaires ont été saccagés par les émeutiers. Par ailleurs, selon Amnesty International, au moins deux journalistes de la télévision ont été menacés, l'un de mort, l'autre de viol, à Abidjan. De violents incidents ont également éclaté entre partisans et opposants au président Gbagbo dans le faubourg populaire d'Abobo, près d'Abidjan, à la suite de l'incendie d'une mosquée.omme par enchantement, la situation est redevenue calme à Abidjan après quatre jours de troubles. Il a suffi que le «général de la jeunesse», Charles Blé Goudé, demande à ses «patriotes» de «quitter la rue», quelques heures après un appel similaire du chef de l'Etat, Laurent Gbagbo. Preuve, s'il en était besoin, que le mouvement était parfaitement coordonné. Vendredi, les commerces et les écoles ont rouvert leurs portes et les embouteillages ont refait leur apparition sur les principales artères d'Abidjan. Assiégée depuis lundi, l'enceinte de l'ONU a été désertée par les «patriotes». Jusqu'à la prochaine crise, car sur le fond rien n'est réglé.
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