QUITO (Reuters) - Le président équatorien Lucio Guttierez a levé samedi l'état d'urgence qu'il avait décrété la veille, jouant la carte de l'apaisement vis-à-vis des milliers de personnes qui ont manifesté à Quito.
Il a affirmé avoir pris cette décision pour faciliter les négociations en vue de mettre un terme à la crise politique relative à la Cour suprême, dont Guttierez a limogé les membres par décret vendredi soir.
"J'ai levé l'état d'urgence et demande le respect de la tranquillité et de la paix", a dit Guttierez lors d'une conférence de presse.
Des milliers de personnes ont manifesté samedi à Quito en martelant des casseroles, demandant dans un brouhaha de klaxons la démission de Guttierez. Les forces de sécurité ne sont pas intervenues, alors même que l'instauration de l'état d'urgence, la veille, devait théoriquement interdire ce genre de rassemblement dans Quito, un bastion de l'opposition.
Le président a renvoyé les magistrats de la Cour suprême pour tenter de sortir la plus haute juridiction du pays de l'impasse politique dans laquelle elle se trouve. La Cour suprême a été une des raisons des nombreuses manifestations de ces derniers jours qui ont rappelé les rassemblements de 1997, année où deux présidents avaient été déposés.
REUNION EXTRAORDINAIRE DIMANCHE
L'opposition a accusé les magistrats de la Cour suprême de manquer d'impartialité et de servir les intérêts du président.
Mais leur renvoi n'a pas permis d'étouffer la colère de la rue.
"Guttierez a conduit l'Equateur vers l'instabilité", a dit Paco Moncayo, le maire de Quito. "Sa démission serait un service à la patrie".
"La décision de Guttierez n'était pas conforme à la constitution", a dit le parlementaire de l'opposition Ramiro Rivera à Reuters. "Le maintien du gouvernement Guttierez est en jeu dans les rues".
Les juges équatoriens sont de longue date liés aux politiques. Le gouvernement et l'opposition s'accusent mutuellement de se servir du judiciaire.
Les magistrats de la Cour suprême avaient été nommés par le Congrès, alors favorable au gouvernement, en décembre. Le président avait auparavant obtenu des parlementaires qu'ils limogent la précédente Cour suprême, accusée d'impartialité par Guttierez. L'opposition l'avait alors accusé d'agir de façon dictatoriale et il avait perdu la majorité.
Le président avait promis de mettre sur pied un système permettant de choisir des magistrats de façon plus équilibrée. Mais il n'est pas parvenu à trouver un accord avec le parlement.
Samedi, rien ne semblait annoncer une sortie de crise.
Les parlementaires de l'opposition ont dit que Guttierez aurait dû laisser les députés limoger les magistrats, comme ils sont habilités à le faire selon les termes de la constitution. Ils se réuniront dimanche en séance extraordinaire pour formaliser ce renvoi et pour nommer de nouveaux juges.
Cette séance devrait être houleuse, car le gouvernement souhaite que le parlement approuve un plan de Guttierez visant à mettre sur pied un conseil bipartite pour choisir les magistrats.
Samedi, Washington a appelé à un "dialogue ouvert et respectueux".
Dans un entretien accordé vendredi à Reuters, quelques heures avant de décréter l'état d'urgence, Guttierez s'était dit confiant quant à son maintien au pouvoir.
Il affirmait que le mécontentement n'était qu'à Quito.
"Dans le reste du pays, les gens voient les choses différemment. Ils sont calmes, et même satisfaits pour certains".