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« C’est la canaille ? Eh bien j’en suis. » (CHANT RÉVOLUTIONNAIRE) lundi 7 novembre 2005, par Paul Castella |
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Dès que la violence, avec laquelle ils obligent la majorité des gens, jeunes ou vieux, à se plier aux exigences d’une minorité de nantis, leur remonte au nez comme de la moutarde, les politiciens en appellent au maintien de l’ordre, « républicain » en France, en tous les cas « public ». Car l’Etat, démocratique ou non, se fonde toujours sur la violence qu’exerce l’économie à l’égard des citoyens. C’est pourquoi il ne tolère aucune violence à son égard. La rébellion est pour les maîtres le pire des crimes. L’injustice dans le partage des richesses et des tâches n’a d’autre garantie que l’habitude routinière des humbles à être soumis. En effet, ce ne sont pas les juges qui font respecter les lois (ces textes supposés justifier l’ordre existant) mais c’est parce que les sujets se taisent devant leurs maîtres et vont au chagrin sans rechigner qu’il semble que les lois soient respectées. Que les serviteurs se rebellent et les maîtres parlent d’en venir aux armes, au nom de l’ordre. Alors c’est la violence qui se retourne contre ses employeurs, comme la fumée des gaz toxiques revient sur les lanceurs de grenade lorsque change le sens du vent. Les bourgeois craignent par dessus tout la violence des pauvres. Car c’est aux pauvres qu’ils font violence par leur existence même en tant que minorité profitant du travail des autres. Curieusement, les quartiers pauvres, autrefois appelés « populaires », sont aujourd’hui nommés quartiers « difficiles », comme s’il était besoin de souligner qu’il n’est pas facile d’y vivre, ou encore « sensibles », sans doute parce que les quartiers riches sont peuplés de gens insensibles à la misère des autres. Pour un certain Ministre de l’Intérieur, chargé de garantir à l’économie capitaliste le bon fonctionnement des structures sociales qui la font vivre, les habitants des quartiers sensibles sont des « pauvres » (à ce titre estimables, puisqu’ils garantissent la richesse des autres), tandis que ceux qui jettent des projectiles aux policiers sont des « voyous ». Autant dire : un bon pauvre est un pauvre qui ferme sa gueule. Comme chaque fois que se produit une insurrection, les bonnes âmes s’étonnent : pourquoi cette montée soudaine de violence ? On devrait plutôt se demander : comment des gens humiliés quotidiennement ne se soulèvent-ils pas plus souvent ? Je me souviens d’un jour où, montant dans un bus, j’y trouvais un homme en train de maugréer à voix haute contre les étrangers. Les passagers ne disaient rien, comme abattus par l’avalanche de grossièretés racistes déversée par cet homme avec une rare violence verbale. Comme je lui demandais de se taire, le personnage me répondit de retourner dans mon pays. Ce à quoi je lui répondis que j’y étais, et que j’en n’étais pas fier, quand je voyais un type comme lui. Ces propos lui ont cloué le bec, et j’ai aussitôt senti une vague de soulagement courir parmi les passagers, dont certains m’ont remercié d’un sourire. J’ai compris ce jour-là que la plupart des gens sont fondamentalement gentils, et ne savent que faire lorsqu’ils se trouvent confrontés à un comportement violent. C’est comme cela que les violents paralysent leurs victimes. La force fait peur aux être humains. Face à la menace, ils ne savent en général que faire. C’est tout à leur honneur. Contrairement à ce qu’en disent les bonimenteurs à la solde des maîtres, la soif de pouvoir, le besoin de violence et la volonté de puissance ne sont pas dans une prétendue « nature de l’homme », mais dans le fondement de l’Autorité, publique ou privée. Petits ou grands, les chefs usent de la menace pour se faire obéir, avec une violence qui risque à tout moment de leur exploser à la figure. C’est vrai à l’échelle d’une famille, comme à celle d’une ville ou d’une nation. Le maniement de l’autorité n’est pas sans danger pour ceux qui l’exercent. La force qui lui résiste et peut à tout instant se rebeller s’appelle : liberté. Certes il n’y a rien de constructif dans la violence du refus, comme lorsqu’un enfant dit « merde » à un père autoritaire. Mais une porte qui claque ou des voitures qui brûlent lors d’une émeute urbaine sont le signe d’une rupture. Après l’événement, même si l’ambiance revient au calme, rien n’est plus comme avant. Quand elle ne sait pas contenir la violence qu’elle a elle-même suscitée, l’autorité perd la face. Elle n’a plus de justification lorsque s’est dévoilé ce qu’elle devait cacher : le fond de violence de son exercice quotidien. Toujours le maître se prétend seul à être digne (on parle de dignité du prince, pas de l’esclave). Les chrétiens ne disent-ils pas « Seigneur » au fils de leur Dieu ? Mais les beaux atours cachent mal la laideur mentale de ceux qui font obéir les autres. Alors, pour cacher les verrues qui défigurent leur esprit, ils insultent leurs serviteurs rebelles : les pauvres, quand ils deviennent impertinents, sont traités de canaille, populace, ou de « racaille ». Car les bourgeois n’ont jamais assez de haine pour désigner ceux qui leur font peur. On sait aussi avec quelle jubilation ils applaudissent aux massacres des révoltés. Pourtant, il y a une certaine sagesse dans leur peur : seule classe sociale à s’être installée au pouvoir grâce à une révolution victorieuse, ils savent jusqu’où peut aller la révolte. Les maîtres le savent bien : ce qui leur pend au nez est pire que le refus, c’est la dégringolade. L’esprit de liberté qui souffle sur les émeutes joue une musique qui se répercute à travers l’Histoire et, malgré les répressions, conserve la mémoire du plus ambitieux projet qui court depuis des siècles : la fin de la domination de l’homme par l’homme. Tout laisse à penser que ce projet avance. Avis aux apprentis dominateurs... Illustration :Chimulus | |||
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Il y a 3 contribution(s) au forum. ![]() 8 novembre 2005, par Cybermomosapien ![]() 7 novembre 2005, par Ashoka ![]() 7 novembre 2005, par Martin |
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