PARIS (Reuters) - Les auteurs présumés de violences dans les banlieues, présentés lundi aux tribunaux à travers la
France, sont en majorité très jeunes et semblent avoir agi sans mobiles cohérents et sans organisation, rapportent
des magistrats du parquet.
Près de 1.000 personnes ont été arrêtées depuis vendredi et c'est par centaines que les suspects ont commencé à
comparaître lundi devant les tribunaux.
Les faits concernent surtout des incendies volontaires et des violences contre les policiers.
Les prévenus sont le plus souvent des jeunes de 14 à 20 ans, fréquemment des Français issus de l'immigration en
provenance du Maghreb ou de l'Afrique noire.
Ils peuvent avoir un passé de délinquant mais beaucoup ont des casiers judiciaires vierges, ont déclaré les
procureurs de plusieurs villes réunis lundi au ministère de la Justice.
L'impression qui se dégage des dossiers est plutôt celle d'actions plus ou moins improvisées sans aucun but
précis, estiment la plupart des magistrats.
"Ce sont de jeunes mineurs qui paraissent considérer cela comme un jeu. Quand on fait un jeu, quelquefois on ne
pense pas au risque encouru", a dit à Reuters Olivier de Baynast, procureur général d'Amiens (Somme).
"Il y a une espèce d'émulation dans le côté ludique, pas du tout - en tous cas dans notre région - de volonté
systématique de s'attaquer à la police, de s'attaquer à des personnes considérées comme plus riches que soi", a-t-il
ajouté.
Dans cette région d'Amiens, où le taux de chômage est supérieur à la moyenne nationale, les jeunes issus de
l'immigration ne sont pas forcément majoritaires parmi les personnes arrêtées, a-t-il souligné.
INCITATION A L'EMEUTE SUR INTERNET
Les magistrats sont très prudents quant à un rôle de l'islam ou de l'extrémisme religieux dans la propagation des
violences.
"Rien ne permet de dire (...) que les événements prennent un aspect communautariste. En revanche, quand vous
découvrez, comme à Evry, un laboratoire de confection de cocktails Molotov, je pense que ça dénote quand même
une certaine organisation", a déclaré Yves Bot, procureur général de Paris.
Ce magistrat, souvent présenté comme proche du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, défend comme lui la
thèse d'une diffusion organisée des émeutes par des groupes de trafiquants.
"Quand de cité à cité, de ville à ville, on communique par internet, ça démontre aussi un certain dialogue et du
dialogue à la coordination entre eux, il n'y a pas beaucoup d'espace à franchir", a-t-il dit.
Trois personnes soupçonnées d'avoir incité à l'émeute et à l'agression de policiers sur des "blogs" (sites internet
personnels) de la radio Skyrock ont été interpellées à Aix-en-Provence et en région parisienne.
"On sait que des gens ont intérêt à ce qu'on ne pénètre pas dans certains endroits. Ces gens-là sont des
trafiquants", a ajouté Yves Bot.
Ce point de vue n'est pas partagé par beaucoup de magistrats. Certains soulignent qu'aucune émeute ne se
produit dans certains quartiers connus pour leurs trafics, comme si les gangs veillaient justement à ne pas attirer
l'attention.
Au tribunal de Bobigny, aucun trafiquant de drogue connu, grand délinquant ou militant islamiste ne figure parmi la
quarantaine de personnes jugées lundi, a déclaré le procureur François Molins.
Le ministre de la Justice Pascal Clément a demandé aux parquets de requérir systématiquement de la prison
ferme en "cas de trouble grave à l'ordre public" ou de récidive et de faire appel si les tribunaux ne les suivent pas.
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