par Amy Bracken
PORT-AU-PRINCE (Reuters) - La plupart des banques, des écoles, des stations essences et des entreprises haïtiennes sont demeurées fermées vendredi, au second jour d'une grève visant à obtenir le départ du président Jean-Bertrand Aristide. Un porte-parole de la présidence a estimé que ce mouvement n'était pas révélateur de l'état de l'opinion publique.
Reste que cette grève, qui n'a pas été suivie dans les services publics et dans les petites entreprises, intervient dans un contexte de tensions croissantes entre partisans et opposants du président.
Au moins deux personnes ont été tuées mercredi dans des affrontements entre ces deux camps à Port-au-Prince. Washington a condamné vendredi les autorités haïtiennes, accusées d'avoir laissé des "bandes soutenues par le gouvernement" attaquer des manifestants réclamant le départ du président.
Un des chefs de file de la grève, le docteur Jean Henold Buteau, a affirmé que la vingtaine de médecins de sa clinique suivaient ce mouvement, de même que les médecins des hôpitaux de Port-au-Prince, à l'exception des urgentistes.
"La grève n'est pas générale parce que les petits commerçants ne peuvent pas se permettre d'arrêter de travailler", a-t-il dit, tout en jugeant que le mouvement était une réussite.
CORRUPTION
Mario Dupuy, un porte-parole de la présidence, a condamné la grève et appelé au dialogue.
"Ce mouvement est une menace pour le droit à l'éducation et la liberté économique de chaque citoyen, de même que pour les libertés de déplacement", a-t-il dit dans un communiqué.
Des manifestations organisées pour réclamer le départ d'Aristide ont lieu quasi quotidiennement. Depuis la mi-septembre, des dizaines de personnes ont trouvé la mort dans les violences politiques.
Le 1er janvier, les festivités organisées à l'occasion du bicentenaire de l'indépendance avaient déjà tourné à l'émeute.
Aristide a été en 1991 le premier président haïtien démocratiquement élu. Mais peu après, il a été chassé du pouvoir par un coup d'État militaire.
A son retour d'exil en 1994, grâce à l'aide des forces américaines et de l'Onu qui ont écarté le dictateur Raoul Cedras, Aristide a repris ses fonctions mais sa popularité a commencé à décliner.
Son parti a remporté haut la main les élections législatives de 2000 et Aristide a été réélu cette année-là à la présidence, mais les dirigeants de l'opposition ont mis sérieusement en doute la légitimité des deux scrutins.
Certains anciens partisans ont accusé alors Aristide de trahir ses alliés et d'oublier ses promesses électorales. Les bailleurs de fonds internationaux ont commencé à se demander où finissaient les sommes prêtées et des opposants, tant en Haïti qu'en exil, ont pointé du doigt la corruption du régime Aristide.
Plus la population a manifesté ouvertement son opposition au chef de l'Etat, plus les forces de police, les milices du parti au pouvoir et des bandes de malfrats ont répliqué par des menaces ou des violences physiques.
Haïti reste un pays affligé par une pauvreté extrême et des violences politiques. Le taux de chômage dépasse les 70% de la population active, le revenu moyen n'atteint pas un dollar par jour et l'espérance de vie moyenne oscille autour de 50 ans.