PORT-AU-PRINCE (AFP) - Le président haïtien Jean Bertrand Aristide a célébré jeudi dans un pays profondément déchiré, le bicentenaire de l'indépendance nationale, lors d'une cérémonie à Port-au-Prince boycottée par l'opposition qui a réclamé sa démission dans une manifestation qui a fait plusieurs blessés.
Huit personnes ont été blessées, dont deux par balles, à Port-au-Prince, lors de heurts entre partisans du président Aristide et opposants.
Le chef de l'Etat a, depuis le palais national, exalté "un bicentenaire de liberté pour un millénaire de paix", devant une foule de dizaines de milliers de partisans agitant d'innombrables drapeaux, en présence du président sud-africain Thabo Mbeki, son invité de plus haut rang, arrivé le matin dans la capitale.
Il a annoncé que des élections se dérouleraient en 2004, "avec l'opposition et la société civile", dont les représentants forment désormais le gros de la contestation en Haïti. Il n'en a toutefois pas précisé la date, en réaffirmant la primauté de son mandat de cinq ans, qui doit s'achever en 2006. Ses opposants demandent son départ en préalable à la tenue de tout scrutin.
Mais revenant vite à un lyrisme qu'il affectionne, jonglant avec le français, le créole, l'anglais, l'espagnol, il a répété qu'Haïti était "le pivot géographique de la liberté des noirs", rappelant l'aide du pays à Simon Bolivar ainsi que son apport par la défaite des troupes de Napoléon Bonaparte à l'achat de la Louisiane.
Remerciant Cuba pour l'aide médicale aux Haïtiens, il en a profité pour évoquer des améliorations en matière de santé et d'éducation, annonçant de nouveaux progrès spectaculaires d'ici 2015, en scandant à chaque phrase "c'est possible car l'union fait la force", la devise d'Haïti.
Auparavant, le président Mbeki avait salué "une des plus grandes révolution de l'Histoire", et prôné "une chaîne de solidarité pour combattre la pauvreté, le sous-développement et l'instabilité": "Nous devons travailler pour le respect de la démocratie, la tolérance".
"Nous sommes engagés dans une bataille historique pour la renaissance de l'Afrique, car nous avons été inspirés par la révolution haïtienne," a ajouté le président sud-africain, seul chef d'Etat parmi les 24 délégations étrangères présentes.
Le Premier ministre des Bahamas, Perry Christie, a de son côté rendu hommage aux héros de l'indépendance haïtienne: "Votre fierté parfaitement justifiée est partagée par toute la Caricom (association des pays de la Caraïbe)," a-t-il dit.
Une parlementaire démocrate de Californie, Maxine Waters, a de son côté lu une résolution du Congrès américain, présentée par le Black Caucus, organisation des parlementaires noirs américains, félicitant Haïti pour avoir été "le fer de lance de la lutte pour les droits humains".
M. Aristide a écourté sa visite aux Gonaïves (nord-ouest) où il devait présider une cérémonie commémorative. C'est dans cette ville que fut proclamée en 1804 l'indépendance d'Haïti par le général Jean-Jacques Dessalines après la défaite des troupes napoléoniennes.
Aux Gonaïves, deux manifestations, une pro et une anti-Aristide, se sont déroulées sans incident jeudi matin, alors que de nombreux coups de feu y avaient été entendus au cours de la nuit.
Les violences entre opposants armés et policiers ont fait depuis fin septembre 36 morts et 85 blessés - en majorité des riverains innocents - dans cette cité.
A la mi-journée, une manifestation de l'opposition réclamant le départ du chef de l'Etat s'est tenue à Jacmel (sud-est). A Gros Morne (nord-ouest) des opposants au président haïtien ont incendié un autobus transportant des supporters de M. Aristide et saccagé un commissariat dont les policiers ont pris la fuite.