Haïti: violences post-électorales, appel au calme attendu
PORT-AU-PRINCE (AFP) - Après des violences, Haïti attendait mardi un appel au calme à ses troupes du candidat présidentiel René Préval, que ses partisans veulent voir proclamer vainqueur mais qui n'a pas obtenu jusqu'à présent les 50% de voix nécessaires pour éviter un deuxième tour.
"Nous demandons à la population haïtienne, à ce peuple qui a fait une remarquable démonstration au monde il y a une semaine de maintenir la sérénité", a déclaré l'ambassadeur du Brésil en Haïti, Paolo de Andrade Pinto après avoir rencontré le candidat avec d'autres diplomates. Selon l'un d'entre eux, René Préval va lancer prochainement "un appel au calme". "On est à l'affût", a-t-il ajouté.
Dans la journée, plusieurs milliers de partisans de l'ancien chef d'Etat et ex-proche de Jean Bertrand Aristide étaient descendus dans les rues pour la troisième journée consécutive, en affirmant qu'ils ne voulaient pas voter une nouvelle fois. "Nou voté déjà, nou pap voté enko", ont-ils scandé en créole. Des tirs, attribués par des témoins à des Casques bleus, ont fait un mort et plusieurs blessés près de l'aéroport de la capitale.
"Nous avons tiré en l'air, absolument pas sur des manifestants", a rétorqué le directeur de communication de la Mission de stabilisation de l'Onu en Haïti (Minustah), David Wimhurst. Dans la matinée, les manifestants avaient érigé des barricades de voitures, pierres et pneus, parfois en feu, paralysant rapidement la ville. "Le seul résultat que nous attendons, c'est celui de Préval gagnant, les Blancs ne vont pas décider pour nous", a expliqué l'un d'entre eux, Moger Eldon, 33 ans.
Selon les derniers résultats diffusés par le Conseil électoral et portant sur 90,02% des votes comptabilisés, René Préval n'obtient que 48,76% des voix. Ses rivaux les plus sérieux, l'ancien président Leslie Manigat (1988) et l'industriel Charles Henri Baker, sont crédités de 11,83% et 7,93% des voix. Tout candidat doit obtenir 50% plus une voix pour éviter un deuxième tour.
Selon l'Onu, les 9.500 Casques bleus et policiers internationaux de la Minustah avaient reçu la consigne d'éviter toute confrontation avec les manifestants. La police haïtienne compte 5.000 membres peu armés.
Les manifestations ont été signalées dans plusieurs villes haïtiennes. A Port-au-Prince, une foule a occupé pacifiquement pendant plusieurs heures l'hôtel Montana, l'établissement le plus luxueux de la ville, où est situé le centre de presse du Conseil électoral. Ils ont dansé sur le terrain de tennis et se sont baignés dans la piscine. Hôte de marque du Montana, le Sud-africain Desmond Tutu, prix Nobel de la Paix 1984, en visite en Haïti, leur a demandé de montrer au monde qu'ils étaient "des gens pacifiques" et de quitter l'hôtel où il logeait. "Maintenant, partez gentiment", a-t-il dit.
Dans la soirée, la tension est retombée progressivement. "Ca se calme, il n'y a pas d'agressivité", indique-t-on à l'Onu. Dans les rues, des barrages subsistent sans empêcher la circulation. A Brasilia, le Brésil a demandé une réunion du Conseil de sécurité, tandis que Washington appelait les Haïtiens à respecter le verdict des urnes.
Sans l'attendre, le candidat Jean Chavannes Jeune, pasteur protestant et 4e du scrutin avec 5,36% des suffrages, a affirmé que "Préval avait gagné les élections dès le premier tour" et s'est déclaré prêt à travailler avec lui. Serge Gilles, du parti des socio-démocrates haïtiens, 5e du scrutin avec 3,51%, a donné pour sa part son soutien à celui qui affrontera "Préval dans un second tour". Environ 3,5 millions d'électeurs avaient été appelés à voter il y a une semaine pour un nouveau président et un nouveau Parlement. Quelque 63% d'entre elles ont voté, une participation sans précédent en Haïti, et les élections ont été qualifiées de "libres" par les observateurs internationaux.