PORT-AU-PRINCE (AFP) - Port-au-Prince a vécu mercredi sa cinquième journée consécutive de manifestations en faveur du candidat René Préval, qui refuse un deuxième tour à l'élection présidentielle haïtienne, estimant avoir gagné dès le premier, une revendication soutenue par le Brésil.
La communauté internationale essaie de trouver un moyen qui permette de proclamer René Preval vainqueur du scrutin, sans qu'un second tour soit nécessaire, afin d'éviter une "détérioration" de la situation, a annoncé un haut responsable brésilien, dont le pays dirige le contingent de Casques bleus de l'Onu déployé en Haïti en 2004.
Marco Aurelio Garcia, adjoint spécial de la politique étrangère du président Luiz Inacio Lula da Silva, a indiqué que des contacts diplomatiques avaient été pris avec Port-au-Prince pour chercher "un moyen qui soit évidemment dans le respect de la légalité mais permette, d'une certaine façon, la proclamation de Preval comme président".
La France a souhaité en revanche que le processus électoral en Haïti soit d'une "transparence indiscutable" et appelé à attendre les chiffres définitifs, alors que le candidat en tête à la présidentielle, René Préval, a rejeté le décompte provisoire.
Port-au-Prince a été mercredi le théâtre de nouvelles manifestations. Mais les marches des partisans de René Préval étaient jusqu'à présent pacifiques.
De nombreuses entreprises étaient fermées et les compagnies aériennes American Airlines et Air Canada avaient suspendu leurs liaisons avec Port-au-Prince.
Plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés devant le palais présidentiel, brandissant des urnes et des photos de leur candidat René Préval, dont ils réclament la proclamation de la victoire dès le premier tour de la présidentielle du 7 février.
"Nous manifestons car ils ont volé nos votes", a lancé Simon Jean Eud, 28 ans, brandissant un bulletin déchiré en faveur de Préval, trouvé selon lui dans une décharge.
Mercredi, un journaliste de l'AFP a bien constaté la présence de bulletins dans une décharge certains marqués, d'autres vierges. Un enfant cochait des croix en face du nom de René Préval.
L'élection du 7 février, malgré des imperfections, a été "libre", ont estimé plus de 200 observateurs internationaux. Selon des diplomates, quelques urnes ont été détruites ou perdues lors du scrutin, "mais comme cela arrive dans n'importe quel pays".
A New York, le Conseil de sécurité de l'Onu a appelé mercredi les autorités haïtiennes à mener une "enquête approfondie" sur les allégations de fraudes et les Haïtiens à respecter les résultats du scrutin dès qu'ils seront annoncés.
Le candidat René Préval, 63 ans, avait lancé mardi un appel à ses troupes pour qu'elles continuent à manifester, mais "dans l'ordre". "Sûr d'avoir gagné au premier tour", cet ex-proche de Jean Bertrand Aristide, déchu du pouvoir en 2004, s'est dit convaincu "que des fraudes massives ou des erreurs grossières entachent le processus électoral".
L'ancien président Préval (1996-2001), dont la base électorale est composée de la majorité pauvre du pays (8,5 millions d'habitants), est crédité de 48,76% des voix, après la comptabilisation de 90,02% des suffrages. Inférieur aux 50% plus une voix requis, ce score implique un deuxième tour.
"Dans un souci d'apaisement", le gouvernement du Premier ministre Gérard Latortue a créé une commission d'enquête tripartite - gouvernement/CEP/parti l'Espoir de Préval - pour enquêter sur les allégations de fraude. Le gouvernement "suggère de ne pas publier les résultats de la présidentielle en attendant le rapport" de cette instance, espéré dans les trois jours.
L'Onu compte en Haïti 9.500 Casques bleus et policiers internationaux, chargés d'aider 5.000 policiers haïtiens à maintenir l'ordre.