Seul président élu d'Haïti à avoir mené à son terme un mandat complet il y a cinq ans, René Préval aura à nouveau la redoutable tâche de tenter de sortir son pays du chaos et de la misère. Des défis auxquels il s'est déjà frotté, sans grand succès, lors de son premier mandat.
"Nous avons gagné, nous remercions Dieu et la population", a déclaré à l'agence de presse haïtienne le timide président-élu, qui était soutenu par la majorité défavorisée de la population. "Nous allons maintenant nous battre pour le Parlement."
Mais la mission de René Préval, déclaré vainqueur de l'élection présidentielle haïtienne jeudi avec 51,15% des suffrages, s'annonce encore plus difficile que lorsqu'il a exercé le pouvoir de 1996 à 2001, la situation d'Haïti, pays le plus pauvre des Amériques, s'étant dégradée.
La plupart des Haïtiens vivent avec moins de deux dollars (1,70 euro) par jour, n'ont pas l'eau courante ni accès à un médecin. Des gangs armés affrontent chaque jour les soldats de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah), et un fossé de haine et de méfiance sépare une petite minorité de riches, qui constituent l'élite du pays, de la grande masse des pauvres.
M. Préval avait engagé son premier mandat en promettant de transformer Haïti en un "vaste chantier de construction" et de "rétablir l'autorité de l'Etat". Il reconnaît aujourd'hui avoir largement échoué mais il assure qu'il a lutté contre la corruption et obtenu des résultats modestes, comme des privatisations d'entreprises publiques. "Nous n'avons pas volé ni violé les droits de l'homme", a-t-il déclaré à l'Associated Press avant le scrutin du 7 février.
D'une certaine manière, son premier mandat a été un succès dans un pays en proie aux coups d'Etat, ne serait-ce que parce qu'il a quitté le pouvoir de lui-même et selon le calendrier prévu, souligne Robert Fatton, un spécialiste d'Haïti à l'université de Virginie.
"En terme d'accomplissements, la première présidence de Préval a probablement été un échec", note M. Fatton. "Mais le fait qu'il ait fini son mandat et quitté son poste de manière pacifique, cas unique dans l'histoire d'Haïti, en fait un succès politique."
Aujourd'hui, les attentes des Haïtiens sont très fortes. Ils ont fêté jeudi la victoire de M. Préval, après des accusations de fraude, en chantant et dansant dans les rues de Port-au-Prince. "Maintenant nous avons espoir", déclarait Dabual Jean, 24 ans, vendeur de fruits à Port-au-Prince. "Le pays est sens dessus dessous. Avec Préval, on espère revenir sur le bon chemin." "Avec Préval, nous aurons la sécurité, des emplois, et la vie va redevenir normale", prédisait, enthousiaste, Elvia Presser, 36 ans.
Mais il ne semble pas que la prospérité soit pour bientôt en Haïti. Après des décennies de fuite des cerveaux et des capitaux, de corruption et de graves dysfonctionnements des systèmes judiciaire, de santé et de sécurité, Haïti a besoin de beaucoup plus que de quelques recettes électorales, selon les experts.
Fils d'un ancien ministre haïtien, Préval, 63 ans, a promis de lutter contre les criminels endurcis mais beaucoup se demandent s'il sera capable de mettre fin à la violence et aux tensions qui minent le pays. "Je pense que M. Préval a un rôle crucial pour inviter les Haïtiens à participer à l'avenir du pays et à avoir un dialogue ouvert avec tous", a affirmé l'envoyé spécial de l'ONU en Haïti, Juan Gabriel Valdes.
"Durant son premier mandat, il n'a pas reçu le soutien de la communauté internationale", estime de son côté le prêtre catholique Gérard Jean-Juste, figure du parti Lavalas de l'ancien président Jean-Bertrand Aristide, chassé du pouvoir en 2004. "J'espère que cette fois tous les pays lui donneront la main." AP
lma/v/st