ATAMBUA (AFP) - Des centaines de chrétiens d'Indonésie ont laissé éclater leur colère vendredi dans l'est de l'archipel quelques heures après l'exécution controversée de trois catholiques, selon la police et les médias locaux.
Dans la localité majoritairement chrétienne d'Atambua, située dans la partie occidentale de l'île de Timor, des protestaires ont brisé des vitres à coups de pierres et s'en sont pris aux bureaux du procureur, selon la même source.
"Il y a eu une manifestation d'environ un millier de personnes. Ils ont endommagé les locaux du procureur général et ils ont pénétré dans la prison", a confirmé à des journalistes à Jakarta Adang Daradjatun, adjoint au chef de la police nationale.
"Sur les 200 détenus, 20 sont revenus de leur plein gré et j'appelle les 180 autres à réintégrer la prison au plus vite", a-t-il dit.
Le père Yustus, un prêtre du diocèse d'Atambua, a affirmé qu'il était parvenu à apaiser la foule en colère avec d'autres ecclésiastiques. "Nous avons pris la parole devant un millier de personnes dans un champ. Ils rentrent à présent chez eux", a-t-il dit.
Fabianus Tibo, Dominggus da Silva et Marianus Riwu, condamnés à la peine de mort pour incitation à la violence contre des musulmans en 2000-2001, ont été fusillés vendredi dans la province de Sulawesi Centre.
Ils ont été exécutés malgré les nombreux appels à la clémence en leur faveur, notamment celui du pape, et les doutes sur leur culpabilité dans la nation musulmane la plus peuplée au monde avec 220 millions d'habitants (90% de musulmans, 5% de chrétiens).
L'Union européenne a exprimé ses "regrets" et demandé à Jakarta de rétablir un moratoire sur la peine de mort, selon un communiqué vendredi de la présidence finlandaise de l'UE. "Réaffirmant la position de principe de l'UE contre la peine de mort et rappelant que l'UE en a fait part aux autorités indonésiennes à plusieurs reprises, la présidence exprime ses regrets quant à ces exécutions", indique le communiqué.
La culpabilité des trois paysans présentés comme les cerveaux des émeutes a été largement remise en cause notamment par des experts et des ONG. Amnesty International avait dit "craindre que ces trois hommes n'aient pas bénéficié d'un procès équitable" en 2001.
A Palu, la capitale provinciale de Sulawesi Centre, quelque 2.000 fidèles catholiques se sont rassemblés dans une église pour honorer la mémoire des exécutés. Rinaldy Damanik, le responsable de l'Eglise chrétienne de Sulawesi Centre a annoncé sa démission en signe de protestation. "J'ai démissionné... C'est une promesse que j'avais faite à Tibo le 10 janvier 2001", a-t-il dit.
Quatre mille hommes des forces de sécurité ont été déployés sur l'île dans la crainte d'une flambée de violences interconfessionnelles.
Sulawesi, également appelée Célèbes, a été le théâtre de violents affrontements entre chrétiens et musulmans qui ont coûté la vie à un millier de personnes en 2000 et en 2001.
Malgré un accord de paix, la tension n'est jamais complètement retombée dans cette région.
Les trois exécutions, que les musulmans extrémistes considéraient comme une question de principe, ont profondément divisé les chrétiens et les musulmans indonésiens et elles interviennent après les récents propos controversés du pape.
Benoît XVI a suscité l'indignation dans le monde musulman en citant, lors d'une conférence le 12 septembre, un empereur byzantin du XIVe siècle qui affirmait que les innovations introduites par le prophète Mahomet étaient "mauvaises et inhumaines"