DOHA (AFP) - La décision des autorités iraniennes de fermer "provisoirement" son bureau à Téhéran a de nouveau mis sur la sellette Al-Jazira, déjà cible de nombreuses critiques, mais la chaîne satellitaire qatariote maintenait le cap mardi.
"Nous adoptons la politique de la porte ouverte et du dialogue avec toutes les parties", a déclaré à l'AFP le porte-parole d'Al-Jazira, Jihad Ballout.
Le gouvernement iranien a ordonné la fermeture du le bureau d'Al-Jazira à Téhéran en dénonçant la manière dont la chaîne avait rendu compte d'affrontements ethniques qui ont fait cinq morts - et 300 personnes arrêtées - dans la ville d'Ahvaz, chef lieu de la province du Khouzistan (sud ouest).
Les heurts, qui avaient éclaté vendredi, ont opposé les forces de sécurité à la population arabe d'Ahvaz, ville dans laquelle les Arabes sont majoritaires alors qu'ils ne représenteraient que 3% de la population totale iranienne, majoritairement persanophone.
Al-Jazira avait été l'une des premières chaînes à rendre compte de ces heurts, les présentant comme séparatistes.
Interrogé sur la réaction de la chaîne à la décision du gouvernement iranien, M. Ballout s'est borné à répondre: "Nous allons continuer à couvrir les événements dans toutes les zones importantes".
Il a toutefois admis que cette décision représenterait pour Al-Jazira "une entrave pour accomplir sa mission comme il se doit".
Pour sa part, le rédacteur en chef de la chaîne d'informations en continu, Ahmed al-Cheikh, s'est étonné de la décision de Téhéran.
"Je ne sais quel crime nous avons commis: nous avons répété la diffusion du point de vue du gouvernement iranien sur la crise. Certains pourraient considérer que la place que nous lui avons accordé était plus importante que la place réservée à l'opposition", a-t-il dit à l'AFP.
Al-Jazira avait aussi cité le Front populaire et démocratique des Arabes d'Ahvaz, établi à Londres, qui a parlé de 80 années "d'occupation iranienne" du Khouzistan.
Un représentant du Front, cité par Al-Jazira sur son site, parlait aussi d'un projet "d'épuration ethnique", matérialisé par un courrier prétendument officiel ayant circulé dans la province.
"Nous n'avons fait que rapporter ce que les agences internationales ont donné sur la lettre attribuée à un haut responsable iranien demandant de modifier la composition ethnique de la province d'Ahwaz. Nous avons aussi rapporté le démenti du gouvernement iranien" concernant l'authenticité de cette lettre, a ajouté M. Cheikh.
"Je ne sais pas ce qu'il nous est demandé de faire de plus", s'est-il interrogé.
Al-Jazira a regretté lundi soir la décision "inattendue et injustifiée" de l'Iran de fermer "provisoirement" son bureau et a appelé les autorités iraniennes à revoir leur décision.
Mais, a prévenu le porte-parole du ministère iranien de l'Intérieur, "Cette suspension durera le temps nécessaire pour que nos experts examinent le rôle éventuel que la chaîne Al-Jazira a joué pour inciter des éléments subversifs (à déclencher) les troubles d'Ahvaz".
Depuis son lancement, en 1996, Al-Jazira, souvent appelée "la CNN arabe", est plébiscitée par des dizaines de millions de téléspectateurs arabes, mais honnie par plusieurs régimes de la région, dont l'Irak, la Jordanie, le Koweït, le Soudan ou l'Egypte.
Al-Jazira n'est pas encore parvenue à ouvrir un bureau en Arabie saoudite et en Tunisie.
Al-Jazira est également dénoncée régulièrement par Washington, qui l'accuse de se faire le porte-parole des groupes islamistes les plus extrémistes, notamment en Irak, où Al-Jazira est interdite depuis août 2004.