BAGDAD (AFP) - Le chaos s'installait dans Bagdad vendredi, où les pillages ont fait leurs premières victimes et les commerçants ont ouvert le feu sur des maraudeurs, deux jours après la chute de la capitale irakienne aux mains des forces américaines.
Les soldats américains, qui ne sont pas intervenus pour stopper les pillages, maintenaient une forte présence dans des positions clés de Bagdad, sans se déployer dans l'ensemble de la ville. Les mosquées ont accueilli les fidèles pour ce premier vendredi de prières depuis l'entrée des Américains mercredi dans le centre de Bagdad et une semaine après des prêches incendiaires des imams officiels qui avaient appelé à la "guerre sainte" contre les "envahisseurs" et les "infidèles".
Terrorisés par les scènes de vandalisme qui se sont multipliées depuis l'effondrement du régime de Saddam Hussein, les Bagdadis se sont terrés chez eux, s'aventurant avec prudence dans les rues pour tenter de faire des courses. Dans la ville, toujours privée d'eau et d'électricité, seules quelques boulangeries étaient ouvertes devant lesquelles des files d'attente se sont formées. Quelques petits cafés et snacks ont recommencé à servir leurs clients mais les restaurants sont restés fermés.
Bagdad a connu dans la nuit une véritable mise à sac d'administrations et de ministères dont certains, l'Union des industriels irakiens, le département de l'état civil et le ministère du Commerce, étaient encore en feu vendredi. Pendant les pillages, les soldats américains sont restés sur leurs positions, se montrant extrêmement nerveux après une attaque suicide qui a fait jeudi soir un Marine tué en plus du kamikaze dans le quartier de Saddam City. Des dizaines de pillards ont été vus rentrer avec des brouettes chargées de leur butin vers l'immense banlieue chiite dans l'est de Bagdad, Saddam City.
Pour la première fois depuis la chute du régime, les pillages se sont étendus au secteur privé et ont fait des blessés civils avec 25 personnes, dont deux enfants, atteintes par des tirs de maraudeurs et admises à l'hôpital Al-Kindi, l'un des plus importants de la capitale. Mais l'établissement pillé et abandonné par son personnel n'était pas en mesure de les opérer, selon deux médecins volontaires sur place.
La situation à Al-Kindi, le premier établissement visité par le Comité international de la Croix Rouge (CICR) après une interruption de ses inspections, est "chaotique et catastrophique", selon Peter Tarabula, coordinateur médical du CICR.
Tous les patients ont quitté l'hôpital et des "volontaires" chiites venus de Najaf (sud) sous la conduite d'un dignitaire, cheikh Abbas Al-Zubaidi, s'y sont installés, a constaté une journaliste. "Tous les médecins sont partis", a expliqué un infirmier, Jawad al-Jabiri. Pour le moment, les volontaires non armés de cheikh Abbas gardent les issues de l'hôpital. Le cheikh a passé une blouse blanche par dessus sa robe traditionnelle et son caftan noir, et gardé son turban blanc.
Alors que la capitale irakienne sombre dans l'anarchie, des commerçants du centre de Bagdad ont tiré pour la première fois sur des pillards qui menaçaient leurs magasins. Dans deux incidents séparés, des commerçants, armés de fusils d'assaut, de pistolets et de barres de fer, et qui montaient la garde devant leurs boutiques, ont tiré sur des groupes de maraudeurs qui s'approchaient.
Au souk al-Rassafi, un immeuble de sept étages spécialisé dans la confection, des commerçants armés de pistolets ont tiré en l'air mais au marché couvert, le souk al-Arabi, d'autres commerçants armés de kalachnikovs ont visé les voleurs qui tentaient de s'approcher. "Nous voulons la loi et si les Américains ne nous défendent pas, nous nous défendrons nous-mêmes avec nos armes", a affirmé , un commerçant, Khazen Hussein.