BAGDAD (AP) - Trois jours après la capture de Saddam Hussein, la question de sa traduction devant une instance internationale ou un tribunal irakien est restée sans réponse mardi, tandis que les violences contre les forces d'occupation semblaient redoubler, alimentées par des manifestations de soutien au raïs déchu.
Dans ce contexte confus, le Conseil de sécurité des Nations unies examinait mardi à New York le calendrier du transfert de souveraineté envisagé par Washington, en présence du chef de la diplomatie irakienne Hoshyar Zebari, membre du Conseil de gouvernement intérimaire, qui a plaidé pour un retour de l'organisation internationale en Irak.
Corollaire obligé d'un transfert de souveraineté, le principe d'un procès de Saddam Hussein devant un tribunal spécial irakien n'est pas agréé par tous, même si le gouvernement provisoire installé par Washington y est bien entendu favorable.
"Je pense que le procès sera juste et équitable parce que toutes les parties ont intérêt à ce qu'il le soit", a fait valoir Entifadh Qanbar, porte-parole d'Ahmed Chalabi, membre du Conseil de gouvernement, dans un entretien à la BBC. "Un procès organisé en Irak par des Irakiens permettrait de soigner les blessures des victimes ou des familles de victimes."
La famille de Saddam Hussein a elle aussi fait entendre sa voix en plaidant pour que l'ex-dictateur, aux mains des Américains dans un lieu de détention tenu secret, bénéficie des services d'un avocat -fonction que le Français Jacques Vergès serait disposé à assumer- et d'un procès digne de ce nom.
"Nous exigeons un procès équitable, pas un procès organisé par le Conseil de gouvernement désigné par l'occupant", a lancé Raghad Saddam Hussein, fille de l'ancien raïs, sur la chaîne Al-Arabiya. "Ce procès doit être international. Nous devons avoir le droit de défendre légalement notre père."
Le Vatican s'est lui aussi exprimé sur ce point par la voix du cardinal Renato Martino, président du Conseil pontifical pour la justice et la presse. Selon lui, Saddam Hussein doit être jugé "dans un lieu approprié" mais il ne peut être question de la peine capitale. Le prélat a du reste avoué avoir ressenti de la "compassion" pour le président déchu en visionnant les images de "cet homme détruit", à présent "traité comme une bête".
Loin de ce débat, la situation sur le terrain ne semble pas s'apaiser, bien au contraire. Des militaires américains ont ainsi tué onze assaillants dans une attaque de la guérilla à Samarra, ville du "triangle sunnite" à une centaine de kilomètres au nord de Bagdad, tandis que l'explosion d'une bombe à Takrit, fief de Saddam Hussein, faisait trois blessés chez les GI.
Dans le même temps, un rassemblement pro-Saddam a dégénéré à Mossoul, dans le nord du pays, faisant un mort et un blessé dans les rangs de la police irakienne. La veille, trois manifestants avaient été tués et deux autres blessés dans les même conditions à Ramadi, à l'ouest de capitale. Lundi soir, une foule scandant "nous défendons Saddam avec notre âme" s'en était pris violemment à la mairie de Falloujah, bastion sunnite particulièrement hostile aux troupes d'occupation. Ces dernières y ont pris position mardi dans une démonstration de force inhabituelle.
Arrivé mardi en Irak, le général Richard Myers, chef de l'état-major interarmes américain, a jugé que le maintien d'une présence militaire des Etats-Unis dans le pays "dépendrait des événements au cours des deux prochaines années". Il a ajouté que sa priorité était pour l'heure la préparation de la rotation de troupes prévue à compter de février.
Le général Myers a par ailleurs exprimé des doutes quant aux informations régionales faisant état de l'arrestation d'Izzat Ibrahim al-Douri, le plus haut membre de l'ancien régime irakien encore en fuite. En revanche, un chef rebelle et 78 autres insurgés ont été appréhendés au cours d'un raid dans le nord du pays. AP
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