BEYROUTH (AP) - La colère suscitée dans le monde musulman par la publication de caricatures du prophète Mahomet dans plusieurs journaux européens ne faiblit pas. Après la Syrie, c'est le Liban qui a été touché dimanche par des manifestations violentes avec l'incendie de l'ambassade du Danemark, mais aussi des jets de pierres contre une église maronite.
Des protestations ont également visé des intérêts occidentaux en Afghanistan, en Irak et dans les Territoires palestiniens. la présidence autrichienne de l'Union européenne a condamné cette "vague d'attaques", tout en appelant chacun à la "retenue".
Les scènes observées dimanche à Beyrouth faisaient écho à celles qui ont éclaté la veille à Damas. Des manifestants ont mis le feu à l'ambassade du Danemark dans la capitale libanaise. Les forces de sécurité ont fait usage de gaz lacrymogène et de canons à eau, tirant en l'air à plusieurs reprises pour tenter de les arrêter.
Selon des responsables des services de sécurité, au moins 30 personnes ont été blessées dans les incidents, dont des policiers, pompiers et protestataires. Des témoins ont quant à eux rapporté qu'au moins 10 manifestants avaient été évacués par des ambulances.
Les affrontements qui se sont produits dans le quartier à majorité chrétienne d'Ashrafieh menaçaient de prendre une tournure sectaire après des jets de pierres contre une propriété privée et l'église Saint-Maron, l'une des principales églises catholiques maronites de la capitale. Des religieux musulmans ont tenté de calmer les manifestants, qui ont aussi lancé des pierres aux policiers et incendié plusieurs camions de pompiers, selon des témoins. Des drapeaux danois ont été brûlés.
Le gouvernement libanais a décidé de se réunir d'urgence dans la journée. Le président Emile Lahoud a dénoncé la violence et déclaré, dans une allusion au risque de violence interreligieuse dans son pays, que "l'unité nationale devait rester protégée et consolidée". Il a mis en garde contre les tentatives de déstabilisation du pays.
Le Danemark, par le biais de son ministère des Affaires étrangères, a exhorté ses ressortissants à quitter le Liban dès que possible, après avoir lancé la veille un appel similaire aux Danois se trouvant en Syrie où son ambassade avait déjà été incendiée, ansi que celle de Norvège.
Cette crise s'est invitée dimanche à Munich où se tenait une conférence internationale de hauts responsables de la Défense et d'autres ministres. Ces derniers ont lancé un appel au calme et appelé au respect tant de la liberté religieuse que de la liberté d'expression. "Nous devons empêcher que ne se présente une situation où les gens pensent que nous devrons choisir entre ces deux libertés", a averti le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier.
A Londres, le chef de la diplomatie britannique Jack Straw a estimé que la liberté d'expression était importante, mais que les médias devaient exercer ce privilège avec responsabilité. Dans le même temps, il a jugé les manifestations violentes, notamment contre les missions danoises, "absolument scandaleuses et totalement injustifiées".
A Paris, Dominique de Villepin, pour sa part, a appelé à la "responsabilité de tous". Interrogé sur un possible impact de cette crise dans les banlieues françaises, le Premier ministre français a reconnu que "ce qui se passe au Moyen-Orient peut avoir effectivement un impact sur les esprits, ici, chez nous, ou ailleurs en Europe".
La capitale française a vu à la mi-journée un millier de manifestants protester contre la publication des caricatures, selon la préfecture de police qui ignorait l'identité des instigateurs du rassemblement. Aucun incident n'a été signalé.
Dans les Territoires palestiniens, une trentaine de Palestiniens armés ont couvert d'inscriptions l'entrée du centre culturel français de Naplouse, en Cisjordanie, qui a dû être fermé pour éviter d'autres incidents.
Dans la ville afghane de Mihtarlam, quelque 3.000 manifestants ont brûlé le drapeau danois et réclamé que les directeurs du journal danois "Jyllands-Posten" -le premier à avoir publié les caricatures en septembre- soient poursuivis en justice pour blasphème. A Fayzabad, autre ville afghane, un millier de personnes ont tenté de marché jusqu'aux bureaux de l'ONU et de divers groupes humanitaires.
En Irak, un millier de sunnites ont manifesté devant une mosquée de Ramadi, l'un des bastions de l'insurrection. Parallèlement, des centaines de chiites ont défilé à Amarah, Al-Nasr et Salam. AP
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