BEYROUTH (Reuters) - Le ministre libanais de l'Intérieur, Hassan al Sabaa, a annoncé sa démission après l'incendie du consulat danois de Beyrouth et les dégâts occasionnés dans un quartier chrétien par des manifestants qui dénonçaient la publication de caricatures du prophète Mahomet dans la presse européenne.
Musulman sunnite et ancien officier membre de la coalition antisyrienne au pouvoir, le ministre a présenté sa démission à l'occasion d'un Conseil des ministres extraordinaire, convoqué après les incidents de la journée.
"Nous avions deux solutions: soit maintenir les gens à distance, comme nous l'avons fait, soit utiliser des armes contre eux", a-t-il par la suite déclaré à la presse. "Jamais je n'ordonnerais qu'on utilise des armes contre des Libanais", a-t-il ajouté.
Michel Aoun, chef de file de l'opposition chrétienne, a réclamé la démission de l'ensemble du gouvernement, coupable à ses yeux d'avoir laissé la situation dégénérer.
Au Danemark, le ministre des Affaires étrangères, Per Stig Moeller, a lancé un appel à l'ensemble du monde musulman.
"Le gouvernement danois exhorte tous les dirigeants, politiques et religieux, dans tous les pays concernés, à appeler leurs populations à conserver leur calme et à s'abstenir de toute violence", a déclaré .
Ses services ont invité instamment les Danois à quitter ou à éviter le Liban, où la police a fait usage de grenades lacrymogènes et de canons à eau pour disperser une foule d'environ 20.000 personnes qui marchaient sur le consulat du Danemark, dont le personnel avait été évacué la veille.
Un manifestant, prisonnier des flammes, s'est tué en se jetant du troisième étage du consulat, a annoncé à Reuters un responsable des services de sécurité. Trois véhicules de pompiers qui tentaient d'éteindre les flammes ont été attaqués. Les forces de l'ordre ont procédé à 174 arrestations. Il s'agit de 76 Syriens, 38 Libanais, 35 Palestiniens et 25 bédouins apatrides, a précisé un agent.
SINIORA ET DES RELIGIEUX APPELLENT AU CALME
Les ambassades du Danemark et de Norvège avaient déjà été incendiées samedi à Damas. L'ambassade de Suède a aussi été endommagée et la police anti-émeute syrienne est parvenue à empêcher des manifestants de prendre d'assaut la mission française.
A Beyrouth, les forces de sécurité libanaises avaient auparavant tiré des grenades lacrymogènes et des coups de feu en l'air pour empêcher les milliers de manifestants de marcher en direction du consulat du Danemark.
Des canons à eau avaient en outre été utilisés pour disperser les manifestants, qui ont incendié deux véhicules de la protection civile, une voiture de police et une jeep de l'armée. Ils ont aussi lancé des pierres contre les forces de l'ordre tout en scandant "Il n'est d'autre Dieu qu'Allah, Mahomet est son prophète".
Plusieurs dignitaires musulmans sont descendus dans la rue pour appeler les manifestants au calme et à la dispersion, a constaté un journaliste de Reuters.
Une église maronite a été caillassée et plusieurs représentants sunnites sont allés présenter leurs excuses.
Le Premier ministre libanais Fouad Siniora a condamné ces violences. "Cela n'a strictement rien à voir avec l'islam", a-t-il déclaré à l'antenne d'une chaîne de télévision. "La déstabilisation de la sécurité et le vandalisme renvoient une image erronée de l'islam. Le prophète Mahomet ne peut pas être défendu de cette manière."
Siniora a ajouté que les manifestants avaient également attaqué des voitures et des commerces.
Le principal dignitaire sunnite libanais, Mohamed Rachid Kabani, a pour sa part lancé un appel au calme.
"Nous ne voulons pas que l'expression de notre condamnation (des caricatures) soit détournée par certains pour renvoyer une image dévoyée de l'islam", a-t-il dit. "Aujourd'hui constitue un test important. Que l'expression de notre condamnation reste conforme aux valeurs de l'islam."