TRIPOLI (AFP) - Le ministre libyen de la Sécurité Nasr Mabrouk a été suspendu de ses fonctions et présenté à un juge d'instruction, au lendemain de la manifestation devant le consulat d'Italie à Benghazi (nord-est), qui a fait selon un bilan officiel onze morts et 35 blessés.
"Il y a eu 11 morts et 35 blessés", a annoncé samedi à l'AFP Seïf al-Islam Kadhafi, le fils du dirigeant libyen, précisant qu'au moins quatre Egyptiens et Palestiniens figuraient parmi les victimes.
La Libye a par ailleurs décrété un jour de deuil, dimanche, à la mémoire des "martyrs" tombés devant le consulat d'Italie, tandis que la Fondation Kadhafi, une ONG présidée par Seïf al-Islam a imputé la responsabilité des violences aux déclarations "provocantes" contre l'islam du ministre italien des Réformes Roberto Calderoli.
"Je ne me sens pas responsable de ces morts", a déclaré M. Calderoli, qui a tout de même présenté sa démission, au quotidien Corriere della Sera.
"Le ministre de la Sécurité publique Nasr Mabrouk a été suspendu de ses fonctions et traduit devant un juge d'instruction", a indiqué un communiqué du secrétariat du Congrès général des comités populaires (Parlement), qui "dénonce l'usage immodéré de la force".
Selon ce communiqué, tous les responsables de la sécurité de Benghazi impliqués dans la répression de la manifestation ont été suspendus de leurs fonctions et déférés devant un juge d'instruction.
Les manifestants qui ont incendié le premier étage du consulat d'Italie voulaient protester contre les caricatures controversées de Mahomet et contre M. Calderoli, membre du parti populiste et xénophobe de la Ligue du Nord.
Celui-ci a multiplié ces dernières semaines les attaques contre l'islam et s'est vanté de porter un T-shirt illustré avec les caricatures controversées de Mahomet.
Dans un communiqué, la Fondation Kadhafi a sommé samedi Silvio Berlusconi de prendre des "mesures urgentes contre ce ministre haineux et raciste" sous peine "de voir ses intérêts et ses relations (avec la Libye) passer par une phase délicate et décisive de réévaluation".
Après avoir obtenu le départ de M. Calderoli, le chef du gouvernement italien a annoncé dans un communiqué avoir téléphoné à Mouammar Kadhafi et avoir obtenu l'assurance que "ce grave incident", dont il a déploré les tragiques conséquences, n'auront aucune répercussion négative sur les relations entre les deux pays.
"Ce sont les manifestants qui ont provoqué la chute du ministre italien", s'est félicité Seïf al-Islam. Mais, a-t-il reconnu, "la manifestation était une erreur et l'intervention de la police contre les manifestants était une erreur encore plus grande".
Le calme est revenu samedi à Benghazi, ont indiqué à l'AFP des résidents, une information confirmée par l'ambassade d'Italie à Tripoli. Un cordon de sécurité a été maintenu autour du consulat, a précisé un diplomate italien.
La police s'était opposée vendredi aux assaillants en faisant usage de grenades lacrymogènes et avait tiré à balles réelles pour les disperser, selon des témoins.
Selon des sources policières, un groupe de manifestants avait réussi à se détacher du gros de la manifestation, qui se déroulait dans le centre-ville, pour se rendre devant le consulat d'Italie.
Ils brandissaient des banderoles sur lesquelles était inscrites la profession de foi musulmane : "Il n'y a de Dieu que Dieu et Mohammed est son messager" et un slogan affirmant : "Avec notre âme et avec notre sang, nous nous sacrifierons pour toi, Mohammed".
Cette manifestation est la première enregistrée contre des intérêts italiens dans un pays musulman depuis le début de la crise des caricatures.
Les relations de l'Italie avec la Libye, ancienne colonie italienne, ont connu une amélioration progressive depuis 2000.