Caricatures: au moins 10 morts dans des violences en Libye
TRIPOLI (AFP) - L'attaque du consulat d'Italie à Benghazi (est de la Libye) par un millier de manifestants a fait au moins dix morts et un grand nombre de blessés parmi les assaillants, qui protestaient vendredi contre la publication en Europe de caricatures jugées offensantes du prophète Mahomet.
La police s'est opposée aux assaillants en faisant usage de grenades lacrymogènes et a tiré à balles réelles pour le disperser, selon des témoins. "Dix manifestants au moins ont été tués selon la police, qui nous a communiqué ce bilan", a affirmé dans la nuit de vendredi à samedi Dominico Bellatoni, premier secrétaire de l'ambassade d'Italie à Tripoli.
Selon le diplomate, "aucun Italien n'a été blessé, lorsque un millier de manifestants a attaqué, après la prière de vendredi, le bâtiment consulaire et incendié le premier étage." "Le consulat était fermé au public et six employés seulement s'y trouvaient, mais aucun d'eux n'a été blessé", a indiqué une autre diplomate italien sous couvert d'anonymat.
Des sources privées libyennes contactées à partir de Tripoli, faisaient état d'un nombre plus important de tués, le situant "entre 15 et 25 morts", ainsi que de "très nombreux blessés". "De très nombreux blessés se trouvent à l'hôpital Al Jala de Benghazi", ont indiqué ces mêmes sources. Aucune confirmation officielle n'a pu être obtenu de ce bilan. Benghazi est la seconde ville et un centre économique important du pays.
La télévision libyenne a indiqué pour sa part que les affrontements entre manifestants et policiers avaient fait "11 personnes atteintes, dont des morts", sans plus de précisions. Les manifestants protestaient notamment contre la publication en Europe de caricatures jugées offensantes du prophète Mahomet.
Des sources policières ont de leur côté indiqué qu'un groupe de manifestants avait réussi à se détacher du gros de la manifestation, qui se déroulait dans le centre-ville, pour se rendre devant le consulat d'Italie. Ils brandissaient des banderoles sur lesquelles était inscrite la profession de foi musulmane : "Il n'y de Dieu qu'Allah et Mohammed est son messager" et un slogan affirmant : "Avec notre âme et avec notre sang nous nous sacrifierons pour toi, Mahomet".
Les manifestants voulaient aussi protester contre le ministre italien des Réformes institutionnelles, Roberto Calderoli, membre du parti populiste et xénophobe de la Ligue du Nord, qui a multiplié ces dernières semaines les attaques contre l'islam et se vante de porter un T-shirt illustré avec les caricatures controversées de Mahomet. Le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi lui a demandé vendredi soir de démissionner.
Des manifestants criaient des slogans hostiles au régime du colonel Mouammar Kadhafi, selon des témoins. "Un grand nombre de voitures de police a été dépêché sur les lieux pour encercler et contenir les manifestants, mais certains ont réussi à franchir le barrage et se sont introduits dans le bâtiment consulaire pour y mettre le feu", ont indiqué des sources policières. La télévision libyenne a montré une voiture civile, sans doute celle du consul, et plusieurs voitures de police en flammes.
"La Libye dénonce et stigmatise ce qu'un groupe irresponsable a fait vendredi et qui ne reflète en rien la morale du peuple libyen", déclare un communiqué officiel publié à l'issue de la manifestation. En même temps, la Libye "réitère sa ferme position contre les agressions dont l'islam fait l'objet", ajoute le communiqué, se réferant à la publication des caricatures controversées.
Selon l'ambassade d'Italie à Tripoli, le ministre libyen des Affaires étrangères Abdel Rahman Chalguam a assuré que la manifestation "n'aura pas d'effet négatifs" sur les relations entre l'Italie et la Libye, au cours d'un entretien avec l'ambassadeur d'Italie Francesco Trupiano. Cette manifestation est la première enregistrée contre des intérêts italiens dans un pays musulman depuis le début de la crise des caricatures. Les relations italo-libyennes ont connu une amélioration progressive depuis 2000. Elles sont considérées au "beau fixe" depuis deux ans.