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Evénement

Immigration.
L'UE atone face à la pression migratoire
Certains députés ont exigé hier la mise en place d'un «plan Marshall» pour l'Afrique.

Par Jean QUATREMER
jeudi 13 octobre 2005



Bruxelles (UE) de notre correspondant

alors que l'Union est confrontée à l'une des plus graves crises migratoires de ces dernières années, l'urgence pour les gouvernements européens semble être de ne surtout pas en parler ! Pourtant, hier, un Conseil des ministres de l'Intérieur et de la Justice était réuni à Luxembourg, une belle occasion pour tenter d'apporter une réponse commune. Mais la présidence britannique de l'Union a jugé qu'il ne fallait surtout pas inscrire le sujet à l'ordre du jour, même si le commissaire européen chargé du dossier, l'Italien Franco Frattini, rentrait tout juste d'une mission de cinq jours au Maroc où il s'est rendu pour constater l'ampleur de la crise. C'est peut-être pour cette raison que trois ministres, et non des moindres, n'ont pas jugé utile de faire le déplacement du Grand Duché : Nicolas Sarkozy, le ministre de l'Intérieur français, ainsi que ses homologues italien et espagnol, trois pays pourtant situés sur la «ligne de front».

Frattini a longuement expliqué aux ministres présents que «les informations des services de renseignements laissent penser qu'environ 20 000 immigrants subsahariens attendent en Algérie le moment d'entamer leur voyage vers le Maroc, puis Ceuta et Melilla, tandis que 10 000 autres sont déjà au Maroc». Pour lui, il s'agit d'un «nouveau phénomène d'assauts massifs et coordonnés» : «Cela montre clairement une poussée de la pression migratoire sur le Maroc et l'Europe. Rien ne permet de s'attendre à une baisse à court terme», a-t-il assené. «Ce qui se passe a été prédit il y a trente-cinq ans par le Club de Rome : "le Sud va monter au Nord", c'est fait», a estimé hier après-midi Jean-Marie Cavada, député européen UDF et président de la Commission des libertés publiques.

A la différence des gouvernements, le Parlement européen, qui était réuni en session plénière à Bruxelles, a bousculé son ordre du jour afin de débattre en urgence des problèmes posés par cet afflux soudain d'immigrants. La droite, majoritaire, et la gauche de l'europarlement ont fait le même constat : une politique migratoire basée sur la seule répression est totalement insuffisante. Et ce n'est pas parce que c'est le Maroc qui est en première ligne qu'il faut se désintéresser du problème : «Quand on abandonne des gens dans le désert, c'est aussi au nom de l'Union», a souligné la Verte néerlandaise, Kathalijne Buitenweg. La solution ? «Soit on accepte que l'économie (africaine) se développe, soit on accepte leurs immigrants», a clamé Graham Watson, le président du groupe des démocrates et des libéraux. Plusieurs députés ont donc réclamé un «plan Marshall» pour l'Afrique, selon le mot du socialiste espagnol, Enrique Baron-Crespo.

La Commission européenne partage la même analyse. Le hasard faisant parfois bien les choses, le président de la Commission de l'Union africaine, Alpha Oumar Konaré, était hier à Bruxelles pour sceller avec l'exécutif communautaire un «partenariat stratégique» qui devrait se traduire par une augmentation de l'aide au développement de l'Afrique. «Ce ne sont pas des mesures sécuritaires seules qui permettront de régler ce problème : ces gens ne sont ni des voyous, ni des bandits, ni des fainéants», a souligné l'ancien président du Mali. «Il faut s'attaquer aux causes structurelles du sous-développement africain qui causent ces migrations», a admis José Manuel Durao Barroso, le président de la Commission européenne, qui a rappelé que les Etats membres de l'Union se sont engagés en juin à doubler l'aide au développement dans le monde, l'UE fournissant déjà 56 %. Mais le développement de l'Afrique ne se fera pas en un jour. D'ici là, les immigrants continueront d'affluer.

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