Evénement
Immigration. Au Maroc, avec les «déportés» de Ceuta et Melilla
Un couloir aérien pour rapatrier les clandestins
Ils sont Maliens, Sénagalais, Nigériens... échoués à Oujda après avoir tenté de passer en Espagne. Des avions affrétés par leur pays d'origine viennent les récupérer.
Par Jean-Hébert ARMENGAUD
jeudi 13 octobre 2005
Hier matin, un premier vol de 140 places est déjà parti vers le Mali. Entourés de voitures de police, deux bus surchargés ont fait le trajet entre la salle omnisports et l'aéroport, où tous sont montés dans le plus grand silence dans le Boeing de Royal Air Maroc. Epuisés. La plupart avaient traversé les épreuves de la semaine dernière, quand le Maroc et l'Algérie s'en sont servis pour une mauvaise partie de ping-pong dans une zone désertique autour de la frontière (lire les témoignages ci-contre). «La plupart sont passés au Maroc par l'Algérie, avec la complicité des gardes-frontières algériens, il était donc logique qu'ils repartent par le même chemin. Et si certains ont parfois été menottés, c'est qu'ils étaient dangereux», dit-on à la préfecture d'Oujda. D'autres vols sont prévus aujourd'hui pour Bamako. Lundi et mardi, plus de 550 immigrés sénégalais avaient déjà été renvoyés chez eux. «Si les Sénégalais et les Maliens repartent d'ici par avion, c'est parce que nous avons des accords avec ces pays. Nous attendons maintenant que d'autres pays "émetteurs" se manifestent», ajoute-t-on à la préfecture. Car des centaines d'autres immigrés, nigériens, camerounais, guinéens, ivoiriens, gambiens... ont été évacués dans des convois de bus à l'autre bout du pays, vers la frontière avec la Mauritanie mais Rabat a renoncé hier à les expulser. Selon un délégué de Médecins sans frontières interrogé par l'AFP, plus de 800 immigrés étaient, en attendant, rassemblés dans un camp militaire au sud du pays.
Oujda envoyé spécial'un seul coup, c'est la cohue, tous veulent partir au plus vite. Dans la grande salle omnisports d'Oujda, un représentant de l'ambassade du Mali vient de confirmer qu'un nouveau vol vers Bamako est prévu dans la soirée. Pour 140 personnes. Mais ils sont encore plus de 450 Maliens à s'entasser sur des matelas mousse, les vêtements souvent déchirés, parfois pieds nus. Oujda, ville moyenne du nord-est du Maroc, près de la frontière algérienne, est devenu le point de départ d'une sorte de pont aérien qui rapatrie dans leurs pays des centaines d'immigrés clandestins subsahariens. Leur objectif était d'atteindre les enclaves espagnoles au Maroc de Ceuta et Melilla, premiers pas vers l'Europe. Après les tentatives de passages massifs et meurtriers, parfois par milliers de personnes, sur les grilles qui entourent les deux enclaves, au début du mois, l'Espagne a demandé au Maroc de faire en sorte que la «pression» diminue. Depuis plusieurs jours donc, Oujda est ville de transit pour tous ces immigrés arrêtés en masse par la police et la gendarmerie marocaines, le plus souvent autour de Ceuta et Melilla mais aussi dans le reste du pays.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=330715