![]() Au Mexique, les révoltés d'Oaxaca mis au pas
Les mouvements sociaux appellent à une manifestation dimanche.
Par Babette STERN
QUOTIDIEN : samedi 9 décembre 2006
Mexico de notre correspondante
Des intellectuels et des défenseurs des droits de l'homme
s'apprêtent à participer, aux côtés de parlementaires des partis de
la gauche mexicaine, à une grande manifestation, dimanche à Oaxaca,
pour soutenir le mouvement de l'Assemblée populaire des peuples
d'Oaxaca (Appo). Le conflit social, qui a secoué la ville coloniale
du sud du pays pendant six mois, est terminé. En apparence. La
semaine dernière, les dernières barricades ont été levées par les
forces fédérales, et l'université, dernier bastion de la
résistance, a rouvert. Les graffitis demandant le départ du
gouverneur de l'Etat d'Oaxaca, Ulises Ruiz, qui recouvraient les
murs et les édifices publics, sont effacés. Les membres de l'Appo
sont rentrés dans la clandestinité. Mais l'arrestation, mardi, d'un
des leaders du mouvement, Flavio Sosa, et de deux de ses frères,
trois jours après le début du mandat du nouveau Président, Felipe
Calderón, fait craindre une période de répression. Certains
évoquent même les émeutes de 1968, où plusieurs centaines
d'étudiants avaient trouvé la mort.
La Ligue mexicaine pour la défense des droits de l'homme a
qualifié de
«mauvais présage» la détention de Flavio Sosa, arrêté alors
qu'il se rendait à une réunion de négociation à Mexico avec les
autorités fédérales pour trouver une issue au conflit. Sosa est la
figure la plus visible du mouvement, bien qu'il ne soit, dit-il,
qu'
«un des 200 dirigeants du mouvement». Devant ses juges, il a
nié avoir participé à des émeutes, à l'incendie d'autobus, de
voitures et des locaux du ministère local de la Justice. Pour lui,
ces actes de violence sont
«le fait des hommes de main d'Ulises Ruiz, qui ont infiltré le
mouvement pour justifier la répression». Il vient de recevoir
l'appui du Parti de la révolution démocratique d'Andrés Manuel
López Obrador, dont le porte-parole, Fernando Fernandez Noroña, a
qualifié son arrestation d'
«indigne, abusive et arbitraire». Flavio Sosa a été transféré
dans une prison de haute sécurité.
Si le cas de Sosa est le plus emblématique, il n'est que la face
visible du traitement infligé aux membres du mouvement depuis six
mois. Plus de 170 personnes ont été arrêtées depuis le début du
conflit. On compte des dizaines de disparus et 15 morts violentes,
dont le cameraman américain de la chaîne Indymedia, Brad Will. Ses
meurtriers ont été identifiés: il s'agit de paramilitaires à la
solde de Ruiz. Ils viennent d'être relâchés, après une détention de
quelques jours. Pour le peintre Francisco Toledo qui a créé avec
des intellectuels, des avocats, des ONG et des ecclésiastiques un
comité de libération, le gouvernement fédéral et celui de l'Etat
d'Oaxaca
«font un usage sélectif» de la justice, car
«les arrestations n'interviennent que d'un côté». Felipe
Calderón a toujours dit qu'il ne tolérerait pas le désordre dans le
pays. Dans son projet de budget 2007, le ministère de la Défense et
de la Sécurité publique est l'un des deux ministères qui échappe
aux coupes claires.
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