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mardi 1 juin 2004, 13h50
Karachi connaît ses pires violences en deux décennies
KARACHI (AFP) - La mégapole pakistanaise de Karachi connaît depuis quelques semaines les pires violences depuis vingt ans entre musulmans chiites et sunnites alors que les extrémistes tentent de s'opposer à une campagne de répression.
Un attentat suicide dans une mosquée chiite lundi soir à l'heure de la prière a fait 19 morts et des dizaines de blessés et est le dernier d'une série d'affrontements interconfessionnels.
En moins d'un mois, cinq attentats ont fait au total 46 morts dans le grand port du sud du Pakistan, confirmant sa réputation d'une des villes les plus dangereuses du monde. Sur ce total, 42 appartiennent à la minorité chiite. Une des victimes était un dirigeant religieux sunnite. "La dernière fois que j'ai vu des violences de cette ampleur, c'était en 1984", a déclaré le leader chiite Hasan Turabi.
Selon un analyste, Hasan Askari Rizvi, la vague de violences constitue une tentative de groupes militants de s'opposer à la répression du gouvernement qui s'est lancé dans une chasse aux extrémistes comme Amjad Farooqi, un proche d'Al-Qaida accusé d'être derrière deux tentatives d'assassinat du président Pervez Musharraf. "Ils sont engagés dans ces violences pour dissuader le gouvernement de prendre de nouvelles mesures contre eux. Ils veulent empêcher que le gouvernement suive sa ligne dure actuelle jusqu'à sa conclusion logique", déclare M. Rizvi. "Leur but est de montrer qu'ils sont suffisamment forts pour perturber le gouvernement et saper sa crédibilité", estime le politologue.
Les chiites, qui représentent 20% des musulmans pakistanais, coexistent en majorité de manière pacifique avec la majorité sunnite. Mais la lutte entre des extrémistes des deux communautés à Karachi remonte aux années 1980 et a déjà fait plus de 4.000 morts. Elle est sous-tendue par une rivalité économique. Dans de nombreuses campagnes, les chiites sont propriétaires de vastes domaines, ce qui provoque le ressentiment des sunnites.
Les tensions ont été avivées par les événements chez les voisins du Pakistan. La révolution iranienne, pays à majorité chiite, a attisé le militantisme au Pakistan. Après la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan, des militants sunnites responsables de la mort de chiites pakistanais s'y sont réfugiés. En représailles, le groupe chiite Sipah-e-Mohammad a commencé à assassiner des dirigeants sunnites au Pakistan, explique Jamil Yusuf, ex-chef du comité de liaison entre la police et les habitants de Karachi.
"Les deux ou trois dernières années ont vu l'ascension de militants très motivés qui n'ont pas peur de la mort et veulent devenir des martyrs en tuant des membres de l'autre communauté", affirme un responsable de la police, Manzoor Mughal.
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