PAKISTAN Alors que le président Pervez Musharraf annonce qu'il livrera un haut responsable d'al-Qaida aux Etats-Unis
Flambée de violences interreligieuses à Karachi
New Delhi : de notre correspondante en Asie du Sud Marie-France Calle
[01 juin 2005]
Après Islamabad, Karachi. La violence qui s'est emparée du Pakistan à la fin de la semaine dernière enfle dangereusement. Onze personnes ont été tuées dans la nuit de lundi à mardi dans la mégapole portuaire du sud du pays. Responsable, cette fois encore : le sectarisme, l'un des fléaux de la société pakistanaise. Vendredi dernier, un attentat suicide avait fait une vingtaine de morts, majoritairement des Chiites, dans l'une des plus importantes mosquées d'Islamabad. Depuis un quart de siècle, la rivalité entre la majorité sunnite (84% de la population) et la minorité chiite (15%) alimente de manière récurrente émeutes et attentats au Pakistan. Bilan : des milliers de morts.
A Karachi lundi soir comme à Islamabad vendredi, c'est l'attaque d'une mosquée qui a mis le feu aux poudres. Deux kamikazes se sont fait exploser dans un lieu de prière chiite, tuant trois fidèles. Furieux, quelques chiites s'en sont pris à un restaurant de fast-food. Leur vengeance a tourné au drame. Quatre employés ont été carbonisés lorsque les émeutiers ont mis le feu à l'établissement, deux autres ont péri alors qu'ils tentaient de prendre la fuite.
Hier, les services secrets pakistanais ont montré du doigt la filière al-Qaida, affirmant que derrière les émeutes de Karachi, il y avait des militants du Lashkar-e-Jhangvi. Ce sont eux qui auraient organisé l'attentat suicide contre la mosquée. Le Lashkar-e-Jhangvi est non seulement un groupe sunnite, mais il travaille depuis longtemps avec le réseau d'Oussama Ben Laden.
Nombre d'experts font remonter l'explosion de la haine entre chiites et sunnites à l'islamisation du Pakistan, menée tambour battant sous la férule du général Zia ul-Haq, à la fin des années 80. D'autres estiment que l'invasion de l'Afghanistan par l'Union soviétique, en 1979, a été un élément déterminant. Rassemblés au Pakistan, les groupes islamiques se sont radicalisés, galvanisés par un seul objectif : mener le djihad, la guerre sainte, contre les Soviétiques. La majorité des islamistes étaient sunnites. Ils ont été soutenus et financés par les Etats-Unis, l'Arabie saoudite, les services secrets pakistanais, ce qui leur donnait une certaine légitimité.
Le 11 septembre 2001 a changé la donne. Les islamistes liés à al-Qaida, sunnites pour la plupart, ont mis au point un militantisme virulent au Pakistan. Leur but, avant tout, est de «punir» le général-président Pervez Mucharraf, accusé d'avoir laissé tomber les talibans et Ben Laden. Or, rien de tel, pour déstabiliser le régime Musharraf, que de s'en prendre aux minorités religieuses dont les chiites, et de maintenir ainsi une violence permanente et imprévisible.
Dans la soirée d'hier, le président pakistanais a annoncé qu'il allait livrer aux Etats-Unis un haut responsable d'al-Qaida, le Libyen Abou Faraj al-Libbi, arrêté début mai au Pakistan. Pervez Mucharraf l'avait accusé d'avoir voulu le tuer en organisant deux tentatives d'attentat à l'explosif en décembre 2003.

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