PESHAWAR (AFP) - Trois manifestants anti-caricatures ont été tués mercredi au Pakistan, portant à cinq en deux jours le nombre des victimes de ces protestations qui gagnent en violence et prennent un caractère antiaméricain à quelques semaines d'une visite du président George W. Bush.
Alors qu'elles s'essouflent dans le reste du monde musulman, les protestations populaires contre la publication en Europe de ces dessins jugés insultants pour les musulmans, ont fait deux morts mercredi à Peshawar, bastion islamiste du nord-ouest du Pakistan, proche de l'Afghanistan.
La veille, deux manifestants avaient été tués lors d'une violente manifestation, à Lahore, la deuxième ville du pays, près de la frontière indienne, où un étudiant a été tué mercredi lors d'une nouvelle manifestation.
Les manifestations sont quotidiennes depuis deux semaines dans toutes les grandes villes du Pakistan, mais elles ont pris depuis le week-end dernier une tournure violente que des analystes attribuent fréquemment aux sentiments anti-américains que les islamistes pakistanais sont prompts à manifester.
"Il ne faut pas nier l'offense que beaucoup de musulmans ont ressenti, mais les manifestations de ces derniers jours sont clairement dirigées, non seulement contre les pays où les dessins ont été publiés, mais aussi contre les Etats-Unis et (le président pakistanais Pervez) Musharraf lui-même", observait sous couvert d'anonymat un diplomate occidental à Islamabad.
A Peshawar comme à Lahore, à l'issue de manifestations rassemblant plusieurs milliers de personnes, quelques centaines de protestataires plus violents ont visé les symboles de la présence occidentale. Les panneaux publicitaires de la compagnie de téléphonie mobile norvégienne Telenor - la Norvège a été le deuxième pays européen à publier les dessins - sont devenus une cible privilégiée des casseurs.
Les violences ont ensuite gagné les établissements de restauration rapide de franchise américaine - McDonald's, Kentucky Fried Chicken, Pizza Hut - qui ont été incendiés. Au passage, plusieurs dizaines de voitures et motos sont également parties en fumée. "Mort à l'Amérique, mort au Danemark", criaient les manifestants de Lahore et Peshawar - mais aussi Islamabad, Karachi (sud), Multan (centre) et plusieurs autres villes -, associant ainsi le Danemark, premier pays où les caricatures ont été publiées en septembre, aux Etats-Unis, cible emblématique des islamistes pakistanais.
"Bush est derrière tout cela, il dirige la clique qui combat l'islam", avait ainsi abruptement résumé Saïd Wazir, un leader islamiste du nord-ouest du Pakistan, le 8 février lors d'une manifestation dans la zone tribale pakistanaise, frontalière de l'Afghanistan. A Lahore mardi, les manifestants ont également attaqué les bâtiments du parlement et du Premier ministre provinciaux, pendant qu'à Islamabad des étudiants déchiraient des affiches du président pakistanais Pervez Musharraf et de son Premier ministre Shaukat Aziz.
Les partis islamistes réunis au sein de la coalition Muttahida Majlis-e-Amal (MMA), première force d'opposition parlementaire, ont annoncé leur intention de poursuivre leur mobilisation avec des appels à de multiples manifestations. "Nous continuerons nos protestations jusqu'à ce que des actions en justice soient lancées contre les dessinateurs blasphématoires", a affirmé mardi le président du MMA Qazi Hussain Ahmad, en annonçant une manifestation à Islamabad le 19 février, une autre à Lahore le 26 février, une grève générale le 3 mars et une journée de manifestations dans tout le pays le 5 mars.