ISLAMABAD (AFP) - Le chef de l'opposition islamiste et plusieurs dizaines de militants islamistes ont été arrêtés vendredi au Pakistan où de nouvelles manifestations contre la publication de caricatures de Mahomet ont eu lieu malgré d'imposants déploiements des forces de l'ordre.
Qazi Hussain Ahmad, chef de la coalition islamiste Muttahida Majlis-e-Amal (MMA) et de sa principale composante, le Jamaat-i-Islami, a été interpellé au quartier général de son parti à Lahore (est).
Quelque 70 autres militants islamistes avaient été arrêtés à Islamabad et Lahore avant l'organisation des manifestations prévues vendredi après la grande prière hebdomadaire musulmane de la mi-journée, pour prévenir les violences qui ont fait cinq morts la semaine dernière lors de manifestations semblables. Dans toutes les grandes villes du pays, des dizaines de milliers de policiers, militaires et forces paramilitaires avaient été déployés en prévision de cette journée de protestation nationale à l'appel du MMA.
"Qazi Hussain a été interpellé dans les bureaux de son parti et interdit de sortie", a indiqué sous couvert d'anonymat le responsable gouvernemental. En dépit de son interpellation, Qazi Hussain Ahmad a continué de conduire la prière dans son complexe de Mansoora, près de Lahore, quartier général du Jamaat-i-Islami. Dans son sermon, il a dénoncé non seulement la publication, au Danemark d'abord puis dans d'autres pays européens, des dessins jugés insultants pour les musulmans, mais aussi le dynamitage, mercredi à Samarra en Irak, d'un mausolée chiite qui a déclenché des violences entre sunnites et chiites.
"L'Amérique et les juifs appliquent la politique du +diviser pour régner+ pour affaiblir les musulmans et provoquer des violences confessionnelles entre eux", a affirmé le leader islamiste. "Nous avons à faire plus que des grèves et des manifestations et nous devons nous débarrasser des dirigeants actuels. Même la mort est acceptable pour nous qui sommes les vrais partisans de Mahomet", a-t-il poursuivi. Dimanche, Qazi Hussain Ahmad avait déjà été assigné à résidence pour l'empêcher de participer à une manifestation à Islamabad. Libéré lundi, il avait aussitôt appelé à multiplier les manifestations et les protestations.
Dans tout le pays, des manifestations ont été organisées après la prière du vendredi. Quelque 2.500 personnes se sont rassemblées à Lahore et un demi-millier à Islamabad. Une manifestation s'est déroulée à Peshawar, conduite par plusieurs responsables du gouvernement provincial, dominé par les islamistes du MMA. Dans la zone tribale pakistanaise, à Landi Kotal, à la frontière afghane, quelques 3.000 membres des tribus locales ont manifesté aux cris de "mort à l'Amérique" et "mort au Danemark".
Un religieux local, Abdul Rauf Shinwari, a affirmé à la foule que l'Europe utilisait les caricatures "pour tester la motivation des moudjahidines" (combattants islamiques). D'autres manifestations ont été organisées à Karachi (sud), Multan (centre) et beaucoup d'autres villes du pays, sans que soit rapporté d'incident sérieux.
Depuis plus de deux semaines, les manifestations sont quotidiennes au Pakistan où l'opposition islamique réclame des excuses des gouvernements occidentaux où ont été publiés les dessins et accuse les autorités de manquer de fermeté dans cette affaire. De son côté, le gouvernement pakistanais accuse les islamistes de détourner l'affaire des caricatures à des fins de pure politique intérieure, particulièrement à l'approche d'une visite du président américain George W. Bush début mars à Islamabad.