La transition démocratique piétine à Kinshasa (Le Figaro 23/05/2005)
Kinshasa commence à ne plus y croire. Après deux ans de négociations, la transition en République démocratique du Congo (RDC) semble dangereusement piétiner. Conformément à l'accord de paix conclu en 2003 au terme de cinq années de guerre civile, des élections présidentielle et législatives doivent se tenir au plus tard à la fin juin. Mais personne ne se fait plus d'illusion sur ce délai.
«Les listes ne sont même pas prêtes. Le scrutin est rigoureusement impossible à la date annoncée, confirme un haut fonctionnaire de l'Union européenne. Mais le texte avait prévu la possibilité de décaler d'un an au maximum le vote. Tout est donc encore possible.» Reste à faire admettre ce report à des Congolais tout autant lassés de la guerre que des promesses non tenues. A peine l'abbé Apollinaire Malu-Malu, président de la commission électorale nationale, avait-il évoqué du bout des lèvres cette possibilité que les rues de la capitale se sont couvertes de tracts incendiaires et anonymes appelant à l'émeute le 30 juin. «Cela fait deux ans que le gouvernement est dans une inertie totale. C'est très dangereux. Tout le monde sait que dans ce pays on trouvera toujours des hommes politiques inconscients prêts à rallumer les vieilles haines pour leur seul profit», analyse Ben-Klet Dambu, directeur de la rédaction du Potentiel.
Résultat, depuis le début de l'année les signaux inquiétants se sont accumulés dans l'est du pays, encore largement aux mains de milices armées. En février, neuf Casques bleus étaient abattus en Ituri. Longtemps critiquée pour sa passivité, la Mission de l'organisation des Nations unies au Congo (Monuc) choisissait de réagir. Plus de 250 soldats pakistanais attaquaient trois jours plus tard un bastion du Front nationaliste et intégrationniste (FNI), soupçonné d'être à l'origine de l'embuscade. A Kinshasa, le président du mouvement et plusieurs de ses proches étaient emprisonnés. Hélène Mac-Adam, la responsable de l'ONU pour le district de l'Ituri, assure que le message est passé.
La situation est, selon elle, aujourd'hui «sous contrôle». «Sur les 15 000 miliciens du secteur, plus de 12 000 ont déjà été désarmés. Il ne reste plus que les jusqu'au-boutistes, qui finiront par rentrer dans le rang.» Un optimisme que ne partage pas nombres responsables des ONG à Bunia. «Il faut se méfier des résultats chiffrés du désarmement. En fait, très peu d'armes ont été récupérées. Et rien n'empêche un milicien officiellement «désarmé» de rejoindre ses camarades et de reprendre le combat si on lui en donne l'ordre. Ce n'est pas ici que l'on trouvera la réponse aux problèmes mais à Kinshasa où un pouvoir doit s'imposer à tous pour faire cesser l'anarchie», explique l'un d'eux.
Mercredi soir, Karel de Gucht n'a rien dit d'autre. «La réalité, c'est qu'il n'y a pas d'Etat au Congo. Nous pouvons aussi parler d'un «Etat raté», a affirmé le ministre belge des Affaires étrangères. Si cela ne s'améliore pas, je pense que tous les efforts que nous faisons aujourd'hui seront vains.»
Kinshasa : de notre envoyé spécial Tanguy Berthemet
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