EMEUTES A BELFAST

"L'UVF n'a plus d'avenir"


par Richard Deutsch,
professeur d'études irlandaises
à l'université de Lyon
et à Sciences-po
sur l'évolution des conflits

 

Les militants loyalistes manifestent depuis samedi, pourquoi une telle violence et qu'en est-il des relations entre les communautés ?

- Le problème est qu'il n'y a pas de véritable chef du côté des unionistes capable de négocier avec Londres. Ian Paisley, le chef de parti du DUP, est un monsieur âgé, avec des idées arrêtées. Les négociations entamées représentent son fond de commerce depuis quarante ans, il dit non à tout.
C'est une situation d'impasse. On peut se demander pourquoi les Britanniques laissent faire, lorsque l'on regarde ces événements sur les chaînes de télé, comme Skynews, il semble très curieux de ne pas voir intervenir la police et les soldats lors des émeutes. Pourquoi laissent-ils faire ? C'est une tactique dangereuse qui vise à discréditer Pesley et montrer qu'il est incapable de maintenir ses troupes. Il ne faut pas oublier que l'IRA a négocié avec le gouvernement, il y a eu beaucoup d'avancées. Londres et Dublin ont baissé la barre et ont accordé des faveurs aux Républicains, en libérant des prisonniers, en démilitarisant des zones…
Les émeutes ont lieu dans des quartiers pauvres, ce sont les habitants qui vont souffrir et ces violences sont des gestes de désespoir, ils disent non en cassant tout. Ils vont être ensuite arrêter et emprisonner, c'est évident.

Comment sont nées les milices protestantes et comment va évoluer l'UVF (La Force des volontaires d'Ulster) ?

- Les milices sont nées depuis très longtemps, en 1972, en réaction aux actions de violences républicaines. Contre l'armée britannique, il y a eu une véritable guérilla urbaine, la milice, avec ses 8.000 hommes, avait de l'importance. Aujourd'hui, il reste cette poignée de militants qui ont passé tout leur âge adulte là-dedans (près de 35 ans). Ils ne peuvent plus se convertir, trouver un emploi, être formé puis prendre leur retraite...
La centaine de personne impliquée a le sentiment de s'être battu et d'avoir tout perdu.
L'UVF est une des organisations paramilitaires protestantes créées pour détruire le trouble, elle vient d'être interdite, en plus le cessez-le-feu vient d'être arrêté, elle n'a plus d'avenir, non pas dans la réalité mais dans la symbolique. Le gouvernement britannique va encore se tourner vers les unionistes et c'est un cercle vicieux puisque ces unionistes protestants loyalistes passent leur temps à attaquer les soldats.
A Belfast, la guérilla urbaine est présente depuis 35 ans, il y aura toujours une poignée de gens, sans diplôme ni éducation, qui ripostera mais ce n'est pas la majorité de la population.

Le Cessez-le-feu, rompu officiellement, ne va-t-il pas exclure les possibles négociations de paix ?

- Non, l'UVF représente une centaine de personnes. Les négociations de paix avec le DUP de Pesley doivent être trouvées comme avec les paramilitaires américains, qui sont en train de désarmer. Les loyalistes refusent de désarmer, ce n'est pas forcément bon pour leur image.
Le problème est qu'il n'y a pas de renouvellement d'homme politique, le conflit est le même depuis 35 ans, il n'y a pas d'idées neuves. Même si Pesley fait un geste et rencontre le Premier ministre, il y aura une attitude d'ouverture mais pas celle propre à une négociation de paix.

Propos recueillis par Christine Gomez
(le mercredi 14 septembre 2005)

© Le Nouvel Observateur