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lundi 12 septembre 2005, 17h36
Ulster: la frustration des protestants au coeur des émeutes du week-end
BELFAST (AFP) - Les quartiers populaires protestants pansaient leurs plaies lundi, après un week-end d'émeutes en Irlande du Nord qui témoigne du désarroi d'une communauté frustrée par la politique et le processus de paix.
En visite à Belfast, l'émissaire du président américain George W. Bush, Mitchell Reiss, a sévèrement critiqué certains élus protestants unionistes, en leur reprochant d'avoir "abdiqué leur responsabilité" en ne condamnant pas ces violences qui ont fait plus de 60 blessés.
La confrérie protestante de l'ordre d'Orange avait, vendredi, appelé ses fidèles à descendre dans les rues pour manifester leur colère, après l'interdiction qui a été faite à l'une de leurs marches de traverser un fief catholique de Belfast.
Les manifestations, samedi après-midi dans l'ouest de la ville, ont rapidement dégénéré en émeutes qui se sont répandues dans de nombreux quartiers populaires protestants d'Irlande du Nord.
Le chef de la police nord-irlandaise, Hugh Orde, a assuré que cette violence, "la pire que le Royaume Uni ait connu dans les dernières années", était orchestrée par les groupes armés loyalistes, fidèles à la couronne britannique.
De samedi à lundi matin, en effet, les policiers et les soldats britanniques qui tentaient de disperser les émeutes ont été pris pour cible par des militants loyalistes qui ont ouvert le feu à l'arme automatique et lancé des grenades artisanales ainsi que des centaines de cocktails Molotov. 50 policiers et au moins dix civils ont été blessés, dont certains grièvement.
Hugh Orde a estimé lundi que les quartiers concernés sont "des poches isolées où les gens se sentent privés de leurs droits par le processus de paix". "A mon avis, a-t-il ajouté, tous les dirigeants politiques -et en particulier ceux qui les représentent- doivent d'urgence s'en occuper".
Selon Tommy Kirkham, dirigeant de la vitrine politique du plus puissant des groupes armés protestants, l'Association de défense de l'Ulster (UDA), les gouvernements de Londres et Dublin avaient pourtant "été avertis depuis des années" du malaise qui existe dans les quartiers protestants les plus pauvres.
Pour sa part, le politologue Adrian Guelke, de l'université de Queen's, à Belfast, a souligné que "la racine du problème" venait du fait que les membres de la communauté protestante étaient "traités comme des citoyens de 3ème classe".
"Ils se sentent isolés et laissés pour compte, ont l'impression que la politique ne marche pas, et que la seule solution est de descendre dans la rue", a-t-il expliqué, en estimant que le changement d'itinéraire imposé samedi au défilé orangiste a été "la goutte d'eau qui a fait déborder le vase".
Depuis que, du côté catholique, l'IRA (Armée républicaine irlandaise) a renoncé fin juillet à la violence, la police a en outre concentré son attention sur les groupes armés protestants, qui se livrent à une guerre fratricide depuis le début de l'été qui a fait une demi-douzaine de morts.
Pour ces groupes armés loyalistes, l'interdiction de la marche orangiste a donc été l'occasion rêvée de prendre leur revanche sur les forces de l'ordre.
"Cela a été du gangstérisme et non du loyalisme", a accusé le ministre britannique chargé de l'Irlande du Nord Peter Hain.
"Voilà que les groupes loyalistes se retournent contre leur propre communauté plutôt que d'attaquer les zones catholiques et nationalistes", a-t-il ajouté.
Si après 30 ans de violence, l'IRA dispose d'une voix forte au sein de la communauté catholique, c'est loin d'être le cas des protestants loyalistes, qui font face à une crise d'identité profonde.
"Ils pensent que l'IRA a obtenu de nombreuses concessions grâce à la violence et ils ont l'impression que le seul moyen de se faire entendre est de provoquer autant de désordres", a ajouté le professeur Adrian Guelke.
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