![]() Les Russes font la chasse aux Caucasiens en Carélie
Une bagarre a dégénéré en ratonnades contre les immigrés d'Asie centrale.
Par Lorraine MILLOT
QUOTIDIEN : Vendredi 8 septembre 2006 - 06:00
Moscou de notre correspondante
Le calme peine à revenir dans la petite ville de Kondopoga, dans
le nord-ouest de la Russie, où ont eu lieu de violents
affrontements entre Russes et Caucasiens ces derniers jours. Dans
la nuit de mardi à mercredi, des inconnus ont tenté de mettre le
feu à une école abritant plusieurs familles d'Asie centrale, ont
indiqué les pompiers, qui ont réussi à prévenir l'incendie. Sur son
site Internet, le Mouvement contre l'immigration illégale, un des
groupes ultranationalistes les plus en vogue aujourd'hui en Russie,
continuait hier l'agitation, déclarant que
«quatre jeunes Russes ont été assassinés à Kondopoga par des
bandits caucasiens» et appelant à la formation d'une milice
d'anciens combattants russes en Tchétchénie pour y rétablir
l'ordre.
Provocation. Le gouverneur de cette région de
Carélie, membre de Russie unie, le parti du président Vladimir
Poutine, a semblé aussi vouloir attiser les braises en s'en prenant
unilatéralement aux Caucasiens de sa région :
«La raison principale [des troubles, ndlr]
est que des représentants d'un autre peuple se sont conduits de
façon impertinente et provocatrice, ignorant la mentalité de notre
peuple» , a déclaré Sergueï Katanandov. Les Caucasiens auraient
ainsi pris l'habitude
«de ne pas faire la queue au contrôle technique» en cas
d'accident de voiture,
«montrant que tout leur est permis» , a ainsi expliqué le
gouverneur de Carélie dans une interview au quotidien
Izvestia .
D'après les témoignages des habitants, corroborés depuis par le
parquet local, tout aurait pourtant commencé le 29 août dans cette
ville de 35 000 habitants, par une banale
«bataille d'ivrognes» dans un des cafés de la ville, contrôlé
par un petit
«oligarque» local, d'origine azérie. Deux clients russes
éméchés auraient refusé de payer leur vodka et frappé le serveur
azéri. Celui-ci aurait alors appelé en renfort une vingtaine de
Caucasiens, Tchétchènes et Azéris, arrivés armés de couteaux et de
barres de fer, qui auraient systématiquement frappé les clients
russes, aux cris de
«Allah akbar» , faisant deux morts et plusieurs blessés. Le
parquet a aussi confirmé que des policiers garés devant le café ont
assisté à la scène sans intervenir.
Immigration illégale. Quatre jours plus tard, un
meeting de quelques milliers de personnes, dont bon nombre de
militants nationalistes venus d'autres régions, notamment le
président du Mouvement contre l'immigration illégale Alexandre
Belov, a dégénéré en chasse aux Caucasiens : plusieurs commerces
appartenant au baron azéri de la ville ont été incendiés ou pillés,
sans faire de victimes. Une trentaine de familles caucasiennes ont,
depuis, dû quitter Kondopoga.
«Mais nous ne partirons pas», a assuré le président de la
communauté tchétchène locale, Magomed Matouev. En ville, une
terrible rumeur veut que les Tchétchènes aient promis d'organiser
«un second Beslan» (prise d'otages dans une école du sud de
la Russie, qui fit plus de 300 morts en 2004).
Selon Alexandre Verkhovski, spécialiste des mouvements
ultranationalistes russes, ce soulèvement de la population slave
contre les
«Caucasiens» pourrait bien avoir été stimulé par des hommes
d'affaires, qui voudraient reprendre le contrôle du business local.
«Après que les Caucasiens ont été chassés, le calme va sans
doute revenir à Kondopoga, estime cet expert.
Mais des incidents de ce type se sont déjà produits dans
d'autres régions et peuvent se répéter à tout moment n'importe où
en Russie. Ils assurent une grande publicité aux
ultranationalistes, comme ce Mouvement contre l'immigration
illégale.»
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