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Monde

Les îles Salomon déchirées entre Chine et Taiwan
La corruption nourrie par les deux puissances a provoqué de graves émeutes en avril.

Par Philippe GRANGEREAU
mercredi 03 mai 2006



Pékin de notre correspondant

la «guerre du carnet de chèques», que se livrent la Chine populaire et Taiwan afin d'attirer dans leur camp les petites nations du Pacifique, a plongé les îles Salomon dans le chaos au cours des deux dernières semaines. Le 20 avril, les armées australienne, néo-zélandaise et fidjienne ont dû intervenir pour mettre un terme aux deux jours d'émeutes qui ont suivi l'élection du Premier ministre du micro-Etat, Snyder Rini. Les manifestants l'accusaient d'avoir acheté les députés qui l'ont élu avec des pots-de-vin qu'il aurait perçus de la Chine ou de Taiwan.

Arrosage. Pour l'heure, les îles Salomon font partie des 26 pays du monde reconnaissant Taiwan. L'île nationaliste dépenserait en argent comptant plus de 10 millions de dollars par an pour arroser les hommes politiques au pouvoir.

Mais Pékin, dont l'objectif est d'obtenir la reconnaissance diplomatique du petit Etat qui compte 500 000 habitants, n'est pas en reste. Selon une enquête de la presse australienne, 1,2 million de dollars aurait été payé par la Chine populaire au leader de l'opposition Job Tausinga, afin qu'il s'engage à renier Taiwan une fois au pouvoir. L'accord secret aurait été conclu en marge de la conférence de l'OMC à Hongkong en décembre. Ces «fuites» émaneraient du gouvernement australien, passablement irrité par les manoeuvres des deux Chine sur son pré carré. «Les influences inappropriées de pays tiers aux Salomon sont à bannir totalement, s'est emporté, la semaine dernière, le ministre de la Justice australien, Chris Ellison. L'argent inapproprié peut mener à la corruption et l'Australie s'y oppose avec force.»

Pillages et incendies. Ces dessous de table, qui gangrènent le monde politique insulaire depuis des années, s'accompagnent d'une arrivée massive de prospères entrepreneurs chinois aux Salomon, alors que le niveau de vie de la population demeure l'un des plus bas de la région. L'animosité à l'encontre des habitants d'origine chinoise n'en est que plus grande. Elle a conduit les émeutiers, les 18 et 19 avril, à piller et brûler presque entièrement le Chinatown de la capitale Honiara. Une partie des quelques milliers des citoyens d'origine chinoise a dû se réfugier dans des zones sûres, tandis qu'une centaine d'entre eux a décidé de prendre un avion de secours envoyé par Pékin.

La Chine populaire, reconnue par l'ONU et la plupart des nations du monde, mène une stratégie d'isolement à l'encontre de Taiwan. Pour sa part, l'île nationaliste, grâce à des fonds importants, est parvenue jusqu'à présent à conserver dans le Pacifique la reconnaissance diplomatique de six micro-Etats certes peu importants, mais dont les voix comptent aux Nations unies. Face à cela, Pékin dépense moult argent pour les retourner et conserver de son côté ceux que Taiwan courtise. Récemment, le régime communiste a ainsi aidé le Vanuatu à acheter un avion de ligne, bâtit un stade en Papouasie-Nouvelle-Guinée et offert des prêts aux Fidji.

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