Le vice-président soudanais John Garang, ancien chef de la rébellion sudiste et figure clé du fragile et récent accord de paix, a été retrouvé mort tôt lundi près de la frontière entre le Soudan et l'Ouganda après l'écrasement de l'appareil qui le ramenait vers le Sud-Soudan.
"Il est à présent confirmé que l'appareil s'est écrasé après avoir heurté une chaîne de montagnes du sud du Soudan en raison d'une visibilité médiocre et cela a entraîné la mort du Dr John Garang DeMabior, de six de ses collègues et sept autres membres d'équipage de l'avion présidentiel ougandais", selon un communiqué publié le bureau du président soudanais Omar el-Béchir.
Les autorités ougandaises affirment que Garang et les autres victimes se trouvaient à bord de l'un des hélicoptères personnels du président ougandais Yoweri Museveni, mais le communiqué présidentiel soudanais parle du crash d'un avion. Il n'était pas possible dans l'immédiat de concilier ces informations contradictoires.
La mort de John Garang, chef historique de la SPLA (Armée de libération des peuples du Soudan) est un coup dur porté au processus de paix qui était venu récemment mettre fin à 21 ans de guerre civile entre le nord majoritairement musulman et le sud chrétien et animiste. Le plus vieux conflit d'Afrique avait fait au moins deux millions de morts.
John Garang, investi à la vice-présidence il y a à peine trois semaines, le 9 juillet, aux côtés du président Omar El-Béchir, son ennemi de longue date devenu partenaire dans la paix, était considéré comme la seule personnalité ayant assez de poids pour donner au Sud une importance politique et résoudre le conflit.
Des affrontements ont éclaté à Khartoum, la capitale soudanaise, où les habitants se calfeutraient chez eux après la confirmation du décès de Garang. Au moins dix véhicules privés ou gouvernementaux ont été détruits, et la police anti-émeute déployée dans plusieurs secteurs de la ville, où la foule des Soudanais originaires du Sud laissait libre cours à son chagrin et à sa colère. "Assassins! Assassins!", hurlaient des manifestants, accusant le gouvernement, qui avait combattu Garang et les siens pendant plus de 20 ans avant de signer la paix avec lui, de l'avoir fait assassiner. "Nous avons perdu Garang à l'heure où nous avions le plus besoin de lui, mais nous avons fait de grands pas vers la paix, et nous pensons que le processus de paix doit continuer", a lancé Nihal Deng, un proche de Garang, pendant une réunion d'urgence du gouvernement. Le cadavre de John Garang devait être rapidement rapatrié à Khartoum.
Salva Kiir, bras droit de Garang, a annoncé depuis le Kenya la réunion d'urgence de la direction de l'ex-mouvement rebelle, et réaffirmé son engagement envers la paix. Même son de cloche du côté de Khartoum, où la présidence appelait les Soudanais à garder leur calme. L'ancien chef rebelle, âgé de 60 ans, avait quitté l'Ouganda où il était en visite privée samedi à 17h30 heure locale (12h30 GMT). Soldats ougandais, soudanais et même kenyans étaient à la recherche de l'appareil depuis sa disparition.
Dans un communiqué, M. Museveni avait expliqué tôt lundi que l'hélicoptère avait renoncé à atterrir dans la région de Kouch (sud du Soudan), à cause du mauvais temps, et avait fait demi-tour vers l'Ouganda, où il s'était écrasé en tentant un atterrissage d'urgence.
Selon le président ougandais, l'appareil a été entendu pour la dernière fois près de Pirre, région montagneuse proche des frontières kenyane et soudanaise."Ce que nous savons, c'est que l'appareil a fait face à des mauvaises conditions climatiques et a atterri en catastrophe", déclarait peu avant le porte-parole de l'armée ougandaise Dennis Musitwa.
En outre, l'Armée de résistance du Seigneur (LRA), mouvement rebelle ougandais messianique, opère dans le secteur et a déjà abattu des hélicoptères militaires par le passé.
AP