La mission des 1100 militaires français au Tchad reste "inchangée" et cantonnée au soutien de renseignement et logistique à l'armée, a rappelé Paris.



La nouvelle offensive de l'UFDD a provoqué la suspension vendredi des activités des organisations humanitaires présentes dans l'est du Tchad pour y assister les réfugiés de la province soudanaise du Darfour. Dans un bref communiqué publié vendredi soir, l'ambassade de France à N'Djamena a appelé "par précaution" ses quelque 1500 ressortissants au Tchad à "limiter (leurs) déplacements" jusqu'à nouvel ordre.

Fruit de la récente fusion de plusieurs groupes, l'Union des forces pour la démocratie et le changement (UFDD) a repris fin octobre les hostilités contre le régime du président Idriss Deby. Ses militants se sont ainsi brièvement emparés de Goz Beïda, près de la frontière soudanaise, puis d'Am Timan, à une centaine de kilomètres plus au sud, avant de se replier vers l'est.

Le 29 octobre, de violents combats avaient alors opposé la rébellion à l'armée dans la zone montagneuse d'Hadjer Meram, au sud de Goz Beïda. Ces affrontements s'étaient notamment soldés par la mort du chef d'état-major général adjoint de l'armée tchadienne, le général Moussa Sougui. Comme il y a six mois lors de l'offensive repoussée du Front uni pour le changement (FUC) devant N'Djamena, le Tchad a accusé le Soudan de soutenir la rébellion, ce que ce pays a catégoriquement nié.

Le régime tchadien a décrété le 13 novembre l'état d'urgence sur l'essentiel de son territoire pour enrayer les affrontements entre tribus arabes et non-arabes. Lesquels ont, selon le gouvernement, fait depuis début novembre plus de 400 morts et des milliers de déplacés dans l'est du pays. Cette mesure d'exception très controversée, qui s'accompagne d'une censure de la presse privée, a été prolongée jeudi jusqu'à la fin mai 2007.

Le dispositif militaire français

Un détachement de 150 soldats français est stationné à Abéché dans le cadre du dispositif français "Epervier". La mission de ces militaires "reste inchangée et limitée au soutien en matière de renseignement, au soutien logistique et éventuellement en matière de santé, rien de plus", rappelle-t-on à l'état.major à Paris. Ils peuvent toutefois se défendre en cas de légitime défense.

Outre ce détachement, le dispositif Epervier comporte 950 hommes basés à N'Djaména, capitale du Tchad, et une unité d'une dizaine de militaires stationnés à Faya Largeau (nord). Il dispose de six chasseurs Mirage F1, trois avions de transport Transall, deux avions de reconnaissance Breguet Atlantique et trois hélicoptères Puma. Aucun renforcement de ce dispositif n'est immédiatement prévu, selon l'état-major.

L'opposition tchadienne avait dénoncé en avril le "soutien" acccordé, selon elle, par Paris au régime du président Idriss Deby Itno. Selon la principale coalition de l'opposition, la Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution (CDPC), et plusieurs journaux privés, les militaires français ont aidé l'armée tchadienne à repousser les attaques des rebelles qui ont attaqué le 13 avril.

Paris a reconnu qu'un avion français avait effectivement tiré un coup de semonce près d'une colonne rebelle. L'armée française a également transporté des militaires tchadiens et leurs armes. Elle a aussi fourni des informations aux troupes du président Idriss.



Le Tchad, pays déstabilisé



Le Tchad, enclavé entre la Libye (au nord), le Soudan (à l'est), le Centrafrique (au sud-est), le Cameroun (au sud-ouest), le Nigéria et le Niger (à l'ouest), est déstabilisé par la guerre civile qui sévit depuis 2003 au Darfour, province du Soudan riche notamment en pétrole, uranium et cuivre. Plus de deux millions de personnes originaires du Darfour se seraient ainsi réfugiées dans l'est de l'ancienne colonie française.

Les autorités tchadiennes accusent le gouvernement soudanais de laisser s'infiltrer au Tchad des rebelles à partir de son territoire (le Soudan a également formulé des accusations similaires à l'égard de son voisin occidental). A plusieurs reprises, des miliciens, présentés comme des Arabes djandjaouites et aidés par des recrues locales, auraient massacré au printemps dernier des dizaines de personnes en territoire tchadien. Ces informations sont confirmées par l'organisation américaine des droits de l'homme, Human Rights Watch. "Les milices soudanaises s'introduisent de plus en plus loin à l'intérieur du territoire tchadien. Ils pillent et ils tuent des villageois", affirmait ainsi en avril son responsable pour l'Afrique.

Les Djandaouites, dont le nom signifie en arabe "diables à cheval", sont également tenus pour responsables de massacres, de viols et et de pillages contre les populations noires de cultivateurs sédentaires du Darfour. Ces milices appuiraient les troupes gouvernementales soudanaises qui se battent contre les rebelles du Darfour (ceux-ci demandent plus d'autonomie et un partage équitable des ressources, essentiellement pétrolières).

En mai dernier, "Le Journal du Dimanche" avait affirmé que les miliciens intervenus au Tchad en avril à partir du Soudan seraient financés et armés par Pékin. "L'implication des Chinois dans cette opération a une simple explication: le pétrole", écrivait l'hebdomadaire.

Le pétrole tchadien

De fait, Pékin est très intéressé par l'or noir du continent africain. Et notamment celui produit au Tchad...

Le Tchad, qui est l'un des pays les plus pauvres du monde, produit 200.000 barils de brut par jour. Il est notamment exploité dans le nord par un consortium composé des américains Chevron-Texaco et ExxonMobil, et du malaisien Petronas. Il est exporté depuis 2003 via le Cameroun. En octobre 2004, ces compagnies avaient été accusées de "piller les ressources" du pays en bradant notamment ses barils sur le marché.

Il y a sept ans, un accord était intervenu avec la Banque mondiale. Accord présenté comme un modèle du genre. N'Dj'aména s'était alors engagé à réserver l'essentiel de ses pétrodollars à des projets de développement en matière de santé, d'éducation ou d'infrastructures. Il s'agissait aussi d'en affecter une partie à un "fonds pour les générations utures". Mais le régime tchadien, confronté à une grave crise financière et menacé par des rébellions arrivées en avril aux portes de N'Djamena, souhaite désormais disposer de ces revenus à sa guise. Il avait alors engagé un conflit avec la Banque mondiale. Il a obtenu satisfaction à l'issue de ce conflit qui a duré plusieurs mois

"Le combat engagé pour le contrôle de nos ressources est un combat national qui doit mobiliser tous les Tchadiens au-delà de leurs clivages politiques", affirmait fin août le président Idriss Deby. Il avait alors accusé le consortium américano-malaisien d'avoir engrangé depuis 2003 un chiffre d'affaires de 5 milliards de dollars pour 3 milliards d'investissements, tandis que le Tchad n'a obtenu selon lui que la "broutille" de 588 millions de dollars. Le consortium a finalement été expulsé.

La reprise le 5 août des relations entre le Tchad et la Chine, assoiffée de pétrole, a changé la donne. "Deby peut faire savoir aux Occidentaux que s'ils n'acceptent pas ses conditions, il peut se tourner vers Pékin", observe un spécialiste