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vendredi 30 avril 2004, 15h13
Violences en Thaïlande: la thèse du séparatisme musulman gagne du terrain
PATTANI (Thaïlande) (AFP) - La piste du séparatisme musulman semblait gagner du crédit vendredi, deux jours après une dizaine d'attaques violemment repoussées par les forces de l'ordre qui ont fait 113 morts dans le Sud de la Thaïlande.
Des assaillants arrêtés après avoir attaqué des postes de contrôle de la police et de l'armée mercredi dans trois provinces du Sud à majorité musulmane ont mis à mal la théorie du Premier ministre Thaksin Shinawatra, selon laquelle ils n'étaient que des "bandits" ou "des drogués", en affirmant faire partie de mouvements séparatistes.
"Nous nous sacrifions tous pour Dieu", a déclaré l'un d'entre eux, Mana Matiyoh, cité par le quotidien Nation, après avoir participé à une reconstitution d'une attaque dans la province de Yala.
La police a déclaré au journal que Mana avait confessé avoir formé huit militants et participé à des entraînements avant la dizaine d'attaques coordonnées. Ces raids ont été repoussés par les forces de l'ordre, qui ont également donné l'assaut contre une mosquée où les derniers assaillants s'étaient retranchés. Au total, 108 rebelles ont été tués, ainsi que cinq membres des forces de sécurité.
Des responsables de la province voisine de Songkhla ont expliqué que 18 jeunes abattus avaient été enterrés sans que leur dépouille soit lavée, comme il est de coutume pour les martyrs de l'Islam.
"J'ai appris que les chefs religieux locaux se sont consultés avec leurs parents et sont convenus de le faire de cette manière", a déclaré à l'AFP Suwes Thaepee, chef du district de Saba Yoi où vivaient les 18 jeunes.
"Je pense qu'ils vont revenir et frapper de nouveau", a estimé le ministre de l'Intérieur Bhokin Bhalakula, qui s'est rendu sur les lieux.
S'écartant de sa thèse des "bandits", M. Thaksin a estimé que les commanditaires des attaques utilisaient "l'idéologie" pour recruter des exécutants et que seul le développement économique permettrait de régler la crise dans le Sud.
La situation restait confuse et les experts étaient prudents alors qu'en dehors du séparatisme, le gangstérisme avec les mafias, la corruption d'hommes politiques, de l'armée et de la police font partie intégrante du paysage local.
Panitan Watanayagorn, analyste réputé du Sud, s'est dit néanmoins certain que les assaillants étaient issus de factions dissidentes d'un groupe séparatiste, le BRN (Barisan Revolusi Nasional).
Des écoles coraniques, dont la plupart sont gérées par la fondation Pusaka très active dans l'éducation de jeunes enfants, ont contribué à radicaliser les musulmans de Thaïlande, affirme l'expert.
"Environ 20.000 étudiants ont étudié grâce à la Pusaka, et 500 à 1.000 extrémistes ont émergé parmi eux, se répartissant en différents groupes dans le Sud", estime M. Panitan.
"Des cellules isolées se regroupent dans des zones de Narathiwat", autre province du Sud, ajoute-t-il, prédisant, comme nombre d'experts, de nouvelles violences d'ampleur.
Les chefs religieux locaux étaient réticents à confirmer l'identité des jeunes assaillants. Mais selon la police, certains avaient crié des slogans religieux en lançant l'assaut contre des forces de sécurité bien préparées et qui n'ont pas fait de quartier.
"Nous ne pouvons pas savoir ce qu'il en est. Les gens ici ne font pas confiance à la police ni aux soldats", a déclaré à l'AFP le vice-président du Conseil islamique, Neemu Mahkajae.
Les forces de sécurité restaient en état d'alerte vendredi après le renfort de deux bataillo. La rentrée scolaire dans près d'un millier d'écoles a été reportée de deux semaines, au 17 mai, en raison des violences.
Après la Grande-Bretagne et le Danemark, l'Australie et la Nouvelle-Zeélande ont recommandé vendredi à leurs ressortissants de ne pas se rendre dans le Sud. L'ONU à conseillé à son personnel d'éviter non seulement cette région, mais les lieux touristiques et transports en commun de l'ensemble du pays.
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