PATTANI, Thaïlande (Reuters) - Le sud de la Thaïlande à majorité musulmane a été le théâtre d'une flambée de violence sans
précédent qui a fait une centaine de morts, selon un bilan des autorités encore provisoire.
Les affrontements ont opposé à l'aube les forces de sécurité à des groupes de jeunes musulmans armés qui ont lancé une série
d'attaques contre des postes de police dans une région en proie aux troubles depuis le mois de janvier.
Ils ont fait 107 morts dans les rangs des assaillants et cinq dans ceux de l'armée, a annoncé le chef de l'armée thaïlandaise, le
général Chaiyasidh Shinawatra, lors d'une conférence de presse.
Le général a précisé que le renseignement militaire avait eu vent de l'imminence de ces attaques grâce à la collaboration de la
population locale et que cela lui a avait permis de mieux y faire face.
Le précédent bilan était de 92 "bandits" tués, ainsi que deux soldats et deux policiers, selon un porte-parole du
gouvernement. Mais au moins trente morts ont également été annoncés par l'armée lors d'une fusillade dans une mosquée proche
de Pattani, où s'étaient réfugiés des assaillants.
Les attaques ont été lancées de façon coordonnée par des groupes de jeunes hommes vêtus de noir ou de vert, armés de fusils,
d'épées et de machettes. Chaque groupe comptait une vingtaine de membres.
Le Premier ministre Thaksin Shinawatra a réagi en promettant de neutraliser ceux qu'ils nomment des criminels poussés
uniquement par l'appât du gain, plutôt que par des motivations religieuses ou idéologiques.
Bangkok avait déjà imputé les troubles des dernières semaines, qui ont fait 60 morts au total, à des bandits locaux exploitant
de jeunes musulmans désoeuvrés de souche malaise.
Mais selon des analystes indépendants, des groupes radicaux comme le réseau islamiste Al Qaïda d'Oussama ben Laden
peuvent aussi trouver un terrain de recrutement dans la région.
TRENTE MORTS DANS UNE MOSQUEE
Les trois provinces de l'extrême Sud ont été frappées par une vague d'attaques armées, d'attentats à l'explosif et
d'incendies criminels depuis le 4 janvier, date d'un raid contre une caserne qui a coûté la vie à quatre militaires.
Le sud de la Thaïlande avait été le théâtre d'une rébellion séparatiste dans les années 1970 et 1980.
Mais les attaques de mercredi semblent marquer une escalade.
"Ils ont attaqué cinq de nos postes de police ce matin dans la province de Yala et nous en avons tué 22", a déclaré à Reuters
le colonel Prinya Kwanyuen, chef de la police régionale. La province de Yala, en majorité musulmane, est située à 1.300 km au sud
de Bangkok, la capitale.
Un responsable du ministère de l'Intérieur a dit que les assaillants avaient été tués au cours d'opérations dans les trois
provinces méridionales, notamment celle de Pattani, où des combats opposaient encore des militaires à des hommes armés
retranchés dans une mosquée.
Le chef de la sécurité pour la province de Pattani, le général Pallop Minmanee, a annoncé que trente corps avaient été
retrouvés après la fin de la fusillade.
Boonyasidh Suwannarat, gouverneur de Yala, a estimé que la coordination des attaques et l'armement des assaillants
permettaient de penser qu'ils avaient reçu un certain entraînement.
"Ce qui s'est passé ce matin montre qu'ils en sont arrivés au stade où ils sont assez confiants pour se révéler. Beaucoup
d'entre eux portaient des bandeaux blancs ou rouges comme signes distinctifs, a-t-il dit. Le type de couteaux qu'ils portaient
montre qu'ils doivent avoir été bien entraînés."
La télévision a montré les images d'un commissariat de police en feu, entouré de motocyclettes calcinées, avec deux cadavres
de rebelles gisant sur le sol.
L'un portait un T-shirt vert portant des inscriptions en arabe et les lettres "JI", possible allusion au Jemaah Islamiah,
réseau islamiste soupçonné d'être actif dans tout le Sud-Est asiatique et d'entretenir des liens avec Al Qaïda.
Le Premier ministre, qui doit se rendre dans cette région la semaine prochaine, a convoqué les responsables de la sécurité en
réunion de crise.