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samedi 30 octobre 2004, 13h47
Thaïlande: annonce des poursuites contre 300 musulmans, libèration d'autres
BANGKOK (AFP) - Trois cents musulmans vont être poursuivis après une manifestation qui a tourné au drame dans le Sud de la Thaïlande cette semaine, a annoncé samedi le Premier ministre Thaksin Shinawatra, tandis que 900 autres commençaient à être libérés.
Ces poursuites de masse ne vont pas alléger l'atmosphère très lourde dans le Sud, toujours sous le choc de la mort de 87 musulmans après la dispersion d'une manifestation à Tak Bai, dans la province de Narathiwat --dont 78 asphyxiés lors de leur transport dans des camions bondés de l'armée où ils ont été empilés les uns sur les autres.
"J'ai reçu un rapport (des autorités militaires) selon lequel 300 détenus vont être poursuivis et plus de 900 relâchés samedi après-midi", a annoncé M. Thaksin dans son allocution hebdomadaire à la radio.
Un haut responsable militaire dans le Sud a ensuite précisé que ceux-ci auraient à répondre de destruction de biens publics, d'émeute et de vol.
Il a confirmé que le couvre-feu, imposé de 23 heures à 4 heures dans huit districts de Narathiwat depuis ces violences, serait levé samedi soir.
La loi martiale en vigueur dans une partie des trois provinces sensibles de Narathiwat, Pattani et Yala, où la population est à plus de 80% musulmane, autorise les autorités à garder sept jours des suspects sans les inculper. Quelque 1.300 manifestants musulmans avaient été arrêtés lundi après la manifestation.
La télévision locale a montré des images des premiers détenus libérés après avoir reçu 200 baht (4 euros). Ils portaient des tee-shirts blanc et bleu. M. Thaksin avait expliqué qu'il recevrait de l'argent et un tee-shirt après avoir été sommés de se mettre torse nu lors de leur arrestation.
Au moins deux d'entre eux ont enlevé leur tee-shirt dès leur sortie. Il semble que de nombreux curieux avaient été arrêtés en même temps que les manifestants.
Le Premier ministre, qui fait face à une montée en puissance des critiques sur l'utilisation excessive de la force par la police et l'armée, avait annoncé vendredi soir, dans un adresse à la Nation, la mise sur pied d'une commission d'enquête indépendante, sans fournir de précision.
Il avait "regretté" ces morts et offert des dédommagements aux familles en deuil, tout en redisant que les décès étaient accidentels et non liés à des "questions religieuses".
Son allocution n'a pas impressionné les résidents musulmans du Sud.
"La plupart des gens ne croient pas ce que dit le Premier ministre et rejettent ses assurances selon lesquelles les musulmans auront la sécurité et la justice", dit l'un d'entre eux interrogé dans la province de Pattani par l'AFP.
Le nombre de morts était de plus en plus remis en question samedi. Un sénateur de retour du Sud, a estimé que le nombre de tués lors de la dispersion de la manifestaiton était bien supérieur aux six avoués par le gouvernement. La presse a aussi publié divers témoignages troublants allant dans ce sens, certains évoquant même une cinquantaine de morts.
L'ancien Premier ministre malaisien Mahathir Mohamad a appelé Bangkok a envisager l'autonomie pour les provinces du Sud, faisant le rapprochement entre la cause des musulmans thaïlandais et celle des Palestiniens.
"Ils ne peuvent pas avoir l'indépendance. Le mieux qu'ils puissent espérer est une région autonome", a-t-il dit dans une interview publiée vendredi par le journal en ligne Utusan.
Le grand Sud de la Thaïlande est secoué par des violences attribuées à des "rebelles" non identifiés depuis janvier qui ont fait, selon un décompte fourni par le Premier ministre, quelque 460 morts.
La violence n'a pas cessé puisque depuis jeudi soir six nouvelles personnes ont été abattues ont tués par des bombes.
La police a renforcé la sécurité à Bangkok et autour des ambassades et grands hôtels, par crainte de représailles de musulmans séparatistes.
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