BANGKOK (AFP) - Le Premier ministre Thaksin Shinawatra a prédit vendredi une intensification des violences dans le Sud de la Thaïlande après la mort de 87 musulmans à Narathiwat, tandis que le gouvernement relevait à au moins 535 morts le bilan des pertes humaines depuis janvier.
M. Thaksin, dont la gestion de la grave crise de Narathiwat lui a valu des critiques virulentes, a estimé que les séparatistes dans le Sud --où la majorité de la population est de confession musulmane-- allaient commettre davantage de violences afin de provoquer des réactions fermes de la part des forces de sécurité, à des fins de "propagande".
"Je suis convaincu que la violence va s'intensifier (...) puisque les militants veulent essayer de faire que le gouvernement se mette en colère et adopte une attitude plus répressive qu'ils pourront utiliser comme propagande auprès de pays étrangers", a dit le Premier ministre à des journalistes. Les militants "essaient de faire partir de la région les habitants qui ne sont pas leurs sympathisants ou qui ne se soumettent pas", a-t-il ajouté.
M. Thaksin n'a laissé entrevoir aucune inflexion de sa politique musclée dans le Sud pourtant jugée par les analystes comme un facteur important dans l'escalade actuelle. Depuis le drame du 25 octobre à Tak Bai en effet, 22 personnes --presque toutes bouddhistes-- ont été abattues, égorgées et l'une d'elles décapitée dans le Sud, majoritairement dans la province de Narathiwat, apparemment en signe de représailles.
La dernière victime a été, vendredi, un musulman qui gardait un temple bouddhiste dans cette province. Le 25 octobre, 87 musulmans ont trouvé la mort après la dispersion d'une manifestation que les forces de l'ordre, faute d'avoir pu canaliser, ont laissé dégénérer. Parmi les manifestants, 78 sont morts asphyxiés lors de leur transport dans des camions de l'armée où ils avaient été empilés les uns sur les autres après leur arrestation.
Le gouvernement a estimé qu'au moins 340 personnes avaient été tuées dans 1.000 attaques lancées par des groupes non identifiés depuis le début de l'année. Si l'on inclut 108 rebelles musulmans tués fin avril par les forces de l'ordre lors d'un assaut manqué contre des postes de police puis les 87 morts de la semaine dernière, le bilan atteint ainsi au moins 535 morts, contre un chiffre précédemment de 480 victimes. M. Thaksin a aussi demandé vendredi la compréhension à l'égard des forces de sécurité, accusées d'avoir eu la main lourde à Tak Bai, en affirmant qu'elles avaient agi de bonne foi.
Toutefois, le général Pisarn Wattanawongkeeree, commandant de la région militaire "transféré" à Bangkok depuis, cité vendredi par la presse, a admis que certains de ses hommes avaient tiré sur des manifestants lors de la dispersion du mouvement, livrant ainsi le premier aveu officiel après bien des démentis. Le général Pisarn a également précisé au Bangkok Post que certains des 400 --sur un total de 1.300-- manifestants arrêtés avaient pu mourir noyés avant leur transport en camion après avoir été sommés de s'allonger, face contre terre, au bord d'une rivière.
M. Thaksin, qui doit aller au Chili le 18 novembre pour le sommet annuel du forum économique de l'Asie-Pacifique, l'Apec, a indiqué qu'il pourrait renoncer à ce déplacement si la situation empirait dans le Sud. Les neuf membres de la commission indépendante mise sur pied se sont mis au travail vendredi et devaient se rendre à Narathiwat pour interroger les responsables et des manifestants, dont certains toujours en détention. "Nous allons visiter le Sud pour interroger les villageois qui se trouvaient sur place et les manifestants libérés et blessés, a dit le président de cette commission, Pichet Soontornpipit à l'issue de la première réunion de ses membres, à Bangkok.