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La journée de jeudi a été marquée par des violences traduisant l'effondrement complet du processus de construction politique du plus jeune Etat de la planète depuis son indépendance arrachée à l'Indonésie en 2002. Un nombre indeterminé de militaires gouvernementaux se sont livrés à une fusillade d'une heure contre le quartier général de la police soupçonné d'avoir fait alliance avec les soldats déserteurs qui opèrent depuis le début de la semaine des embuscades armées contre les forces légales. Un cessez-le-feu négocié par les conseillers militaires et de police des Nations unies - qui disposent encore de 45 hommes à Dili dans le cadre de leur mission au Timor - est ensuite intervenu, mais des militaires gouvernementaux ont ouvert le feu sur le cortège de policiers désarmés évacués du bâtiment. Bilan : 9 morts et 27 blessés parmi ces derniers. Une soixantaine de policiers timorais ont trouvé refuge dans les locaux des Nations unies. Des résidents rapportaient, vendredi, entendre des claquements d'armes automatiques légères et lourdes dans les collines entourant le sud de la capitale. Des témoins évacués racontent que des bâtiments ont été rasés par les insurgés. La désertion d'environ 600 soldats, anciens de la guérilla anti-indonésienne, avait commencé en mars dans un mouvement de protestation contre le favoritisme de promotions visant, selon le gouvernement, à professionnaliser l'armée. Les mutins ont été subséquemment rayés des effectifs.
Le président Xanana Gusmao a reconnu "un échec" de son gouvernement auprès d'une télévision australienne. Il a annoncé avoir pris le contrôle exclusif des forces de sécurité - environ 1 400 hommes en armes avant les désertions - et leur a ordonné de retourner dans leurs casernes pour se mettre à la disposition de la force internationale sous leadership australien. Le premier ministre, Mari Alkatiri, lui-même contesté, a estimé cet ordre anti-constitutionnel.
M. Alkatiri, s'exprimant sur une radio portugaise, a affirmé que toute l'affaire équivalait à un coup d'Etat. "Il est clair que nous avons assisté à une tentative ouverte de putsch, laquelle a échoué", a-t-il dit à TSF sans plus de précision. Vendredi, les dirigeants australiens s'efforçaient d'entrer en contact avec MM. Gusmao et Alkatiri, qu'ils n'étaient pas parvenus à localiser la veille. Selon le ministre de la défense australien, Brendan Nelson, M. Gusmao pourrait s'être réfugié dans les montagnes.
Aux Nations unies à New York, le secrétaire général adjoint pour les opérations de maintien de la paix, Jean-Marie Guéhenno, a exprimé "l'espoir" que les forces australiennes et autres parviennent à stabiliser la situation. Il a ajouté qu'il était "trop tôt" pour réévaluer les conditions de la présence des conseillers onusiens dont la mission, qui devait s'achever le 20 mai, a été prolongée d'un mois. Le secrétaire général Kofi Annan a dépêché sur le terrain son ancien représentant spécial pour Timor, Ian Martin, en poste au Népal.
A Canberra, le désastre des derniers jours est commenté avec amertume par les analystes. Cité par le quotidien Straits Times de Singapour, Damien Kingsbury de l'université Deakin (Melbourne) relève que les divisions ethniques au sein des forces de sécurité ont joué un rôle.
Les déserteurs venaient principalement de l'ouest du territoire, qui se partage l'île de Timor avec la province indonésienne de Timor-Ouest. De nombreux commentateurs expriment la crainte de voir le chaos se réinstaller dans l'ancien territoire indonésien même si, dans un premier temps, les unités étrangères parviennent à ramener un calme de surface.
1975.
L'Indonésie envahit et annexe l'Est Timor en prenant prétexte de la lutte anti-communiste. L'Est Timor devient la 27e province. L'ONU ne reconnaît pas l'annexion.
1999.
Près de 80 % de la population consultée par référendum votent en faveur de l'indépendance. Des anti-indépendantistes soutenus par l'armée déclenchent une campagne de terreur. Un millier de personnes sont tuées.
2002.
En avril, Xanana Gusmao remporte l'élection présidentielle. Un mois plus tard - le 20 mai -, l'indépendance est proclamée. L'ancien président américain, Bill Clinton, et Megawati Sukarnoputri, président indonésien, sont présents. En septembre de la même année, l'Est Timor devient le 191e membre des Nations unies.
2005.
Les derniers casques bleus quittent le pays en août.