Etablis sur près d'un demi-million de kilomètres carrés, essentiellement dans quatre pays, la Turquie, l'Irak, l'Iran et la Syrie, les kurdes sont un peuple d'origine indo-européenne, descendants notamment des Mèdes et des Scythes, à la recherche d’un Etat qu’ils n’ont jamais eu. Musulmans sunnites dans leur majorité, leur nombre total varie, selon les sources (officielles ou kurdes), de 25 à 35 millions de personnes. C’en en Turquie qu’ils sont les plus nombreux (12 à 15 millions), puis en Iran (6 à 8), en Irak (4 à 5) et en Syrie (environ 1,5). D'importantes communautés kurdes vivent aussi en ex-URSS (environ 300.000 en Azerbaïdjan et en Arménie) et en Europe, notamment en Allemagne.
Le Kurdistan existe sous forme de province romaine en 66 avant Jésus-Christ et reste dans l’Empire jusqu’en 384. Ce royaume recouvre la région à l’est et au sud de la ville de Diyarbakir, dans l’actuelle Turquie. En 1695, le poète et philosophe Ehmédé Khani appelle à l’édification d’un Etat national unifié du Kurdistan. Au début du XIXème siècle, les Russes encouragent ce sentiment national kurde afin de déstabiliser l’empire ottoman.
En 1927, dans la foulée du démembrement de l’empire ottoman et des promesses faites et non tenues par les Occidentaux, les Kurdes proclament unilatéralement la république d’Ararat dans l’actuelle province turque d’Agri. En vain, la Turquie reprend le contrôle du territoire en 1931 sans qu’aucun Etat n’ait reconnu l’éphémère république. Un scénario analogue se reproduit en 1946 lorsque les Kurdes d’Iran proclament dans le nord-ouest du pays la république de Mahabad. Mais l’armée régulière iranienne reprend le dessus un an plus tard et exécute publiquement Qazi Mohammed, président de la petite république. C’en est fini du deuxième Etat kurde contemporain.
En Turquie, le marxiste-léniniste Abdullah Öcalan crée le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en 1978. Ce mouvement séparatiste mène à partir de 1984 un soulèvement qui plonge le sud-est du pays dans la guerre civile. Une rébellion armée qui fait plus de 37.000 morts, malgré un cessez-le-feu unilatéral de cinq ans proclamé par le PKK entre 1999 et 2004, après la capture puis la condamnation à mort (peine commuée à la prison à vie) d’Öcalan. En juin 2004, l'organisation marxiste, qui a changé plusieurs fois de nom, reprend le combat, à moindre ampleur toutefois. Elle est accusée par Ankara d’orchestrer des émeutes dans le Kurdistan et à Istanbul, qui ont fait 15 morts depuis le début de la semaine dernière.
En Irak, la communauté kurde, qui représente 15 à 20% de la population, a longtemps été persécutée, en particulier sous le régime de Saddam Hussein. Au début des années 1970, les autorités de Bagdad déplacent de force des populations kurdes tout en leur reconnaissant « des droits nationaux et culturels ». En 1972, les Etats-Unis apportent leur soutien financier aux Kurdes afin de contrer l’influence soviétique. C’est en 1988, alors que la guerre Iran-Irak n’est pas finie, que la répression atteint son apogée lorsque l'armée de Saddam Hussein réprime le soulèvement kurde et bombarde à l'arme chimique la ville de Halabja. Bilan : près de 5.000 civils tués.
En 1991, dès la fin de la guerre du Golfe, plus de deux millions de Kurdes irakiens fuient la répression irakienne, poussant les alliés occidentaux à instaurer une zone d'exclusion aérienne au nord du 36e parallèle. C’est cette opposition au pouvoir baasiste qui pousse les Kurdes à soutenir les Etats-Unis dans leur guerre contre l'Irak en 2003. Une alliance qui paye puisqu’aujourd’hui, les Kurdes ont accédé à la plus haute fonction de l'Etat avec l'élection en avril dernier du chef kurde Jalal Talabani à la présidence irakienne.
En Iran, les Kurdes représentent 7 à 8% des 67 millions d'Iraniens. Au lendemain de la Révolution islamique en 1979, un soulèvement kurde est maté par les autorités. Les partis représentant cette minorité, en particulier le Parti démocratique du Kurdistan iranien (PDKI) et le Komaleh communiste, sont interdits. Depuis, les séparatistes ne font parler d'eux que par des actions sporadiques.