Clôture
Nous avons décidé de clore
l’expérience
qu’a été Invitations au
Débat sur la
Totalité, c'est-à-dire l’intervention
publique
telle que nous l’avons projetée au commencement de
l’organisation en observatoire, puis telle que nous
l’avons
effectivement menée depuis la publication, en octobre 2006,
d’Une
expérience d’assemblée en France au
printemps 2006, jusqu’à
aujourd’hui.
Cette décision répond à la
volonté de
sortir d’un cadre dont la conservation s’opposerait
à la nécessité et à
l’exigence de
l’approfondissement critique : entre nous, membres de
l’organisation désormais dissoute ; et pour en
fourbir
d’autres armes appropriées à la
situation actuelle.
Les objectifs poursuivis à l’origine,
d’un
exposé global de la révolte contre
l’entretien de
son occultation, par le biais d’une focale partisane et
critique
annoncée, ont déterminé
l’ensemble des
modalités de notre association. Avec les conclusions
synthétiques de Proposition
sur l’histoire – De la guerre du temps au
début du 21ème
siècle,
où un tel constat commençait
d’être
exprimé, IDT a épuisé son possible
sous la forme
qui a été la sienne.
Ceci signifie que nous suspendons la publication des
résultats
du détournement de l’information dominante, qui
couvrent
donc la période allant de janvier 2003 à mai 2008.
Il faut dire
d’abord que
l’activité méthodique de
l’observatoire, des
repérages premiers aux indispensables analyses et mises en
perspectives, réclame un investissement que nous ne voulons
plus
reconduire en tant que tel, c'est-à-dire d’une
manière qui exclurait la possibilité de
définir et
explorer d’autres orientations. A cela s’ajoute que
nous
n’entendons pas nous enfermer dans une permanence confinant
à la spécialisation, qui équivaudrait
à
l’alimentation d’un simple constat informatif et
consommable sur les actes de révolte. Nous n’avons
jamais
aspiré à devenir une source instituée,
vouée à durer dans un entretien sans fin, il
s’est
bien plutôt agi de proposer une communication dont les
ouvertures
créées par le négatif en actes
constituaient les
bases. Le caractère insuffisant d’une observation
isolée était déjà au centre
de notre prise
de parole en 2006, avec cette interrogation toujours
d’actualité quant aux possibilités de
donner une
dimension supérieure aux offensives sans théorie,
d’en porter les termes dans la publicité, de
rompre par ce
faire la scission entre la théorie et la pratique, comme la
séparation entre les révoltés. En ce
sens, nous
avons lancé une proposition à l’adresse
de ceux,
émeutiers, insatisfaits, qui reconnaissent
l’hostilité aux conditions qu’ils
subissent dans la
communauté des faits où cette misère
est atteinte
le plus profondément : comment poursuivre après
l’explosion initiale, comment approfondir la
colère et
décupler l’ambition après nos
défaites ?
Ce choix particulier ne remet pas en cause la conviction que la
connaissance des manifestations les plus actuelles du conflit, pour en
lire la nouveauté, demeure centralement
déterminante.
Telle que la veille que nous poursuivons nous a permis de le saisir,
l’exposition, sous des formes voisines, des faits de
révolte depuis courant 2008 illustrerait surtout une
constance,
en termes d’intensités localisées et
générale. Les plus hauts pics de la
période de
référence, de la Bolivie à la
Guinée,
n’ont pas été surpassés,
dans la
portée que l’insurrection y a dessinée.
Si le
mouvement du négatif ne doit pas être perdu de
vue, pour
en comprendre les évolutions et les tendances, il
s’agit,
en modifiant nos méthodes, de permettre une focalisation sur ce
qui a déjà pu nous apparaître de
plus dévastateur, comme d’étendre notre
regard sur
les avancées et ressacs au cours des dernières
décennies. Nous n’en sommes plus au stade
où notre
priorité consistait à montrer que
l’insoumission se
manifeste dans la majeure partie du globe. Notre enthousiasme face
à cette découverte, quand la
présentation
médiatique centralement déterminée par
la division
spectaculaire Occident-Islam recouvrait le conflit, demande
à
être nuancé dans la phase actuelle du rapport de
forces,
où les manifestations offensives se trouvent
associées
aux crises diverses régissant désormais la vision
dominante. C’est maintenant l’enthousiasme
inconséquent qu’il s’agit de
réfuter, tel
celui de cette tendance à la mode lorsqu’elle se
fixe sur
des situations isolées dont elle hypertrophie
l’importance
et les qualités. Désormais, les mutations du camp
conservateur multiplient les médiations sur la
révolte,
mais en les maintenant sous la coupe de
l’idéologie qui
régente l’ensemble des opinions
autorisées, et qui assure, en lui donnant ses plus
profondes justifications, la préservation de tout ce qui est
là.
En ce sens, s’il demeure une urgence, c’est bien
ce préalable à toute critique qu’est
celle de
l’information dominante. Or là encore, il semble
qu’en l’état notre observatoire ne
suffise pas
à contrer comme il se devrait les renforcements, par
l’expansion des moyens à son service, de cette
dictature
sur le sens.
Que le sens dépende du but est une des nombreuses
propositions
de la téléologie moderne que nous partageons,
comme celle
qui pose la détermination élémentaire
et
fondamentale de ce but dans le tout accomplir. C’est un
projet dont l’élaboration n’est la
propriété de personne sinon ceux qui seront
capables de
lui donner du contenu. Ses théoriciens originels,
d’Adreba
Solneman à Téléologie Ouverte, en ont
tracé
les grandes lignes, avec lesquelles nous-mêmes avons pu nous
confronter, jusqu’à la dispute. Mais
l’ampleur de
leur idée l’impose comme la percée
à
explorer, par les perspectives qu’elle ouvre, par le
renversement
qu’elle propose. Parce qu’il donne une plus grande
cohérence à leur théorie et
qu’il
révèle en même temps des
façons de faire et
de voir à mettre en question, l’ensemble de leurs
ultimes
publications demande un examen critique important. Il s’agit
de
mesurer toutes les conséquences d’un discours qui
se
présente désormais dans sa globalité,
suivant les
manques et défauts que nous avions commencé
à
exprimer, suivant les positions, perspectives et
subjectivités
qui sont les nôtres. C’est là parmi
d’autres,
avec cette nécessaire prise de hauteur qui
détermine
chacune, une orientation des ex-participants d’IDT, qui
n’oublient pas toutefois ce qui prime sur chaque conscience,
susceptible de s’imposer à elle sans
prévenir : ce
que les assauts à venir porteront
d’imprévisible,
de neuf, d’inimaginable.
Pour ce qui est plus directement de chacun des individus
associés dans IDT, clore une telle
expérience
provient aussi de la volonté d’en finir avec les
limitations de notre débat interne. Du fait de ce que
l’observatoire exigeait, comme traitement, discussion sur
les
faits, division du travail, échéances de
publication,
et compromis opérés en
conséquence, un tel
débat a pu en pâtir, et plus
particulièrement au
stade où nous en sommes arrivés face à
l’essentiel, au théorique, au
général. En se
libérant d’un fonctionnement devenu lourd
à la
longue, et qui aurait menacé de
s’encroûter dans la
routine, ce sont aussi les possibilités de
privilégier la contradiction que la clôture
permet.
D’autre part, pour de simples motifs liés à la
survie, l’organisation que nous formions a
tendu
à changer dernièrement, dans son nombre
d’émetteurs-récepteurs de
pensée, et il
n’aurait pas été concevable de
continuer dans le
même cadre à la suite d’une telle
transformation.
Dans la cacophonie ambiante où le discours perd son fond et
sa raison d’être, de futures prises de parole seront
conditionnées
par la nouveauté que nous serons capables, ou non, de donner
à leur contenu, et sous une forme qui saura rompre au mieux
avec
la communication autonomisée qui se décuple pour
tout
absorber, généralisant
l’inconséquence,
appauvrissant les idées, érodant les disputes,
autorisant
le si utile entretien du n’importe quoi.
D’un tel achèvement, nulle satisfaction, nulle
résignation, ne doivent se déduire,
c’est au
contraire l’insatisfaction initiale qui s’obstine,
désormais davantage fondée et assurée,
et qui
appelle une maturation à la hauteur de son intransigeance et
de
son ambition.
Jusqu’à avis contraire, il est
décidé que
les ex-participants d’IDT maintiennent le site en ligne,
l’adresse mail de contact active, et se laissent la
possibilité, s'ils se révèlent impératifs, d’éventuels
communiqués. (Avis contraire : à compter du 16 mars 2015, la messagerie n’est plus active.)
Le 23 janvier 2010
Clôture