Spéléologie 2008
Nous avions tout d’abord décidé de ne
pas donner
suite aux derniers propos des téléologues
à notre
sujet (Réactions à quelques
notes de lecture [archive]), sinon par une courte note
ajoutée à A
propos d’une note de lecture dans laquelle
nous
expliquions les raisons de ce choix. Tandis que notre
réplique
à leur note de lecture se voulait la plus
complète
possible, qu’elle mettait également le doigt sur
plusieurs
de leurs contradictions, en réponse ils n’avaient
su
qu’ânonner quelques-uns des reproches initiaux,
accompagnés cette fois d’insultes sans fondements
et de
grossiers raccourcis. Nos valeureux critiques tentaient bien de
justifier leur étonnant laconisme en invoquant notre
incompréhension ou ce qu’ils
interprétaient comme
notre légèreté face à la
critique, mais
leur empressement à couper court au débat prenait
le
dessus sur leur tentative de l’expliquer autrement. Puisque
la
majeure partie de ce que nous disions était
passée sous
silence, il était inutile de renchérir sur le
même
mode. D’une certaine façon les
téléologues
étaient clairs : ils ne comptaient pas
répondre point par
point à notre « long
texte », deux choses seulement
leur semblaient mériter d’être
clarifiées.
Fin du débat ; pourquoi pas vaguement justifiée
par une
opportune accusation de calomnie, devenue centrale, mais sortie
d’on ne sait où ; sinon d’une dispute
entre quelques
personnes dont les interprétations divergent radicalement,
et
qui reste à ce jour privée. A nous
d’interpréter ensuite les raisons d’un
si flagrant
évitement.
Oui mais voilà, une partie de ce qui ne méritait
pas de
réponse au mois de janvier se trouve prise pour objet au
mois
d’avril dans un très long texte
intitulé
Téléologie
2008. Y reviennent-ils sur les
premières justifications de leur
évitement ? Non.
Reconnaissent-ils que ce chapelet d’explications à
propos
de leurs orientations actuelles n’est, dans sa
deuxième
partie au moins,
que la
continuation d’une confrontation avec ce que nous avons
dit ? Pas
le moins du monde. Au contraire, s’ils se déjugent
bien de
fait, toute leur intervention est formulée de
manière
à passer pour le fruit
« spontané » de leur
réflexion propre. Pourtant il est bien question de nous dans
ce
texte général, mais pour nous réduire
à
rien. En rompant la continuité de
l’espèce
d’échange initial, en modifiant le contexte
à leur
convenance, ils s’offrent ainsi la possibilité de
répondre sans répondre, c'est-à-dire
sans plus
avoir à considérer
précisément, et dans
leur ensemble, les dires de leurs contradicteurs ni ce qui les a
suscités. Si l’évitement
n’est plus tout
à fait celui qu’il était, rien ne vient
corriger
l’effet initial du « Deux choses seulement nous
semblent
mériter d’être clarifiées
». Ce
n’est là que le procédé qui
permet tous les
autres, l’ensemble de leurs drôles de
manières dont
nous nous proposons ici la dénonciation. Puisque
c’est
à notre sens le préalable à la
discussion du fond.
Prenons leur texte dans l’ordre qu’ils lui ont
donné. Après d’assez longs rappels
concernant les
présupposés de la
téléologie moderne sur la
pensée, après l’exposition de la
découverte
téléologique des « courants de
pensée », les
téléologues abordent la
question de
l’observation des faits de révolte par eux
abandonnée. C’est pour y rejeter en bloc celle que
nous
menons de notre côté. Rappelons les deux
objections
qu’ils émettaient dans leur note de lecture.
D’abord
l’absence des sources d’information sur notre site,
leur
principal reproche alors, mais dont ils ne parlent plus
aujourd’hui, et pour cause : c’est en effet une de
leurs
critiques que nous avions considérée comme tout
à
fait justifiée et dont nous avons depuis tiré les
conséquences en réparant ce manque. Difficile
pour eux de
reconnaître une telle prise en compte de leur critique,
puisqu’ils essaient dorénavant de nous
discréditer
pour le peu de conséquence dont nous ferions preuve
vis-à-vis d’elle. Ils évoquaient
également
un autre problème de notre observatoire, en constatant que
l’ensemble de ses résultats
n’était pas mis
en perspective, en prenant toutefois la précaution de
supposer
que de telles conclusions ne pouvaient être qu’en
cours.
Supposition confirmée par notre réponse, comme
elle
l’était déjà par la
présentation de
la sous-section « Entrer dans le détail
des
faits »
mise en ligne en avril 2007 : nous avons prévenu
des
différentes étapes de cette activité,
comme des
raisons pour lesquelles il nous semblait tout de même utile
de
rendre publics ses premiers résultats. Il leur faut donc
maintenant forcer le trait, sans plus de précautions, pour
conclure sur ce dont nous nous satisferions. A partir d’une
conclusion aussi fausse peuvent bien en être
tirées
d’autres, conséquemment tout aussi bancales. Nous
regrettons bien entendu la relative lenteur avec laquelle nous menons
l’investigation des faits négatifs dans le monde,
elle a
jusqu’ici effectivement retardé
l’inévitable
synthèse que nous n’avons jamais perdue de vue. Il
est
assez paradoxal que ceux qui nous reprochent notre impatience
aujourd’hui soient aussi catégoriques à
notre
sujet, en occultant le caractère évolutif de ce
que nous
faisons. Et, contrairement à ce qu’ils affirment
effrontément, nous n’avons fait mystère
ni de nos
partis pris ni de nos présupposés. Il est vrai
toutefois
que nous sommes certainement plus prudents qu’eux dans la
confrontation avec ce que nous pouvons savoir des actes des
révoltés dans le monde, ce qui a
d’ailleurs
présidé à la menée de notre
observation,
à partir d’une certaine perplexité
quant à
leurs propres résultats parfois trop peu
présentés
pour ce qu’ils ont de relatif et de limité.
C’est
une question sur laquelle nous reviendrons, mais dont nous pouvons
déjà dire que l’option principalement
idéologique par laquelle les
téléologues
choisissent de l’aborder ne nous convient pas. Si nos
conclusions
sur l’époque tardent à venir
à leur
goût, c’est que nous avons jugé
nécessaire,
dans un premier temps, de scruter sans illusions les faits de
révolte, pour y découvrir ce qui pouvait
véritablement y être en jeu. Il nous aurait paru peu
sensé de tirer des conclusions générales sur la
base des résultats d’une seule année
d’observation systématique, ou d’en tirer sur trente
mois à partir de la présentation exhaustive de
ceux-là seulement, tel qu’ils ont pu le faire
eux-mêmes. Il semble qu’il faille trouver là la
raison d’approximations ou d’erreurs contenues dans leur
texte sur 2003-2005, dont une partie des généralisations
est incontrôlable puisqu’ils ne livrent pas leurs sources
pour les années 2003 et 2005. Ils ne s’appliquent donc pas
à eux-mêmes ce principe d’après lequel ils
ont voulu invalider tout intérêt de notre démarche.
Une telle inconséquence serait fort étonnante, voire
incompréhensible, si nous n’y avions pas eu affaire,
déjà, peu avant la rupture de 2003 – ce qui avait
d’ailleurs contribué à la provoquer. Maintenant,
ils n’ont plus qu'à endosser sans rechigner ce
« farceurs » dont ils nous qualifiaient si
impudemment en appelant ceux qui nous lisent au « plus
grand détachement » vis-à-vis de nos analyses.
Au sujet du contenu de leur note de lecture, nous parlions
d’un
glissement de la reconnaissance initiale à la honte et la
préoccupation qu’ils exprimaient au final.
Là ce
n’est plus de glissement qu’il s’agit, ou
plutôt si, en se prolongeant le glissement s’est
changé en grand écart, des
« félicitations »
premières
à la conclusion actuelle que notre
observation n’aurait aucun intérêt.
Même
phénomène à propos du suivisme que
nous avions su
si bien éviter selon eux il y a quelques mois, et qui
maintenant
constitue notre principale tare. Il faut donc se demander ce qui a pu
mener d’un tel jugement nuancé à cette
option de la
table rase trop mal argumentée et trop simplificatrice pour
être juste. Inutile de chercher bien longtemps. Pour cacher
que
leur grand texte n’est pour l’essentiel
qu’une
réponse, tout en contorsions et en enrobages, à
ce qui
leur était opposé dans A propos d’une
note
de lecture, il leur est nécessaire, maintenant,
de
déconsidérer et de minimiser ce que nous sommes.
C’est une tactique assez grossière
puisqu’elle ne va
pas sans de flagrantes contradictions, ni sans l’usage
d’amalgames et d’affirmations fausses. Rappelons en
passant
que la dernière partie de notre réponse
à leur
note de lecture, à laquelle ils
s’étaient donc
publiquement dispensés de répondre, consistait
à
relever ce qu’ils ne semblaient pas prendre en compte pour
juger
de l’insuffisance d’une théorie, ces
deux
éléments importants que sont l’urgence
et
l’effectivité.
Ils paraissent justifier leur texte par la grande découverte
que
la téléologie moderne serait devenue un courant
de
pensée, après celle non moins grande de la notion
même de « courant de
pensée ». Il faut
louer ici leur incontestable talent à construire
rétrospectivement une cohérence sans faille aux
différentes étapes de leur discours et de leur
activité. On peut se reporter par exemple
à
l’évolution des façons dont ils
expliquent leur
abandon de l’observation, d’abord
conséquence
d’une impossibilité pratique, maintenant
résultat
d’un choix stratégique relatif à leur
appréciation de l’époque actuelle.
L’explication du devenir courant de pensée de
l’idée de téléologie moderne
procède
de la même « logique ».
Tandis qu’on pouvait
supposer qu’une telle évolution s’est en
partie
manifestée par l’influence de la
téléologie
sur de récentes prises de parole publiques
d’anonymes
insatisfaits, elle ne leur devrait en fait qu’à
eux-mêmes depuis leurs analyses des insurrections de 2001 et
les
orientations qu’elles ont alors
déterminées pour
eux. Quelles en sont les preuves, les illustrations pratiques, de ces
fameux effets de la théorie qu’ils essaient bien
ici de
mesurer ? En les lisant à ce propos, on croit
comprendre
qu’il n’y en a pas, et pourtant :
« Ce courant de
pensée est un courant de pensée parce
qu’il est
l’expression des conséquences d’une
idée,
dans l’histoire, (…) ». Il ne
doit donc rester que
l’idée et ses émetteurs
légitimes d’un
côté, et la multitude des faits de
révolte de
l’autre. Quand de plus l’observation, ce
garde-fou,
n’est plus considérée comme centrale,
on est en
droit de s’inquiéter de
l’espèce de
dérive solipsiste qui mène à justifier
tout ce que
l’on fait en y asservissant le cours et
l’état
général du monde. Une certaine confusion est
entretenue
entre une représentation issue de la prise pour objet de
l’histoire par quelques consciences, fussent-elles les
accoucheuses de ce qu’ils décrètent
être
l’idée de la dernière
révolution, et
l’histoire elle-même.
De même, il nous paraît au moins très
discutable de
justifier une « forme de retraite » dans la
théorie,
quand elle est présentée comme ce qu’il
y aurait
dorénavant de mieux à faire, en attribuant les
motifs
d’un tel choix à la période
post-défaite
dans laquelle nous serions aujourd’hui. Puisqu’ils
intitulent la partie de leur texte traitant de
l’urgence « Patience
contre résignation », nous
pourrions leur dire
que de notre point de vue effectivement, qu’elle soit le
fruit de
leur lucidité ou non, l’amère
validation de leur
probable échec individuel constitue une forme de
résignation. S’il y a
« impatience »
de notre
côté, elle est la manifestation de
l’insatisfaction
de notre position, de notre pratique, nous pour qui la
théorie
n’est effectivement qu’un moyen, et qui ne nous
hasardons
pas à faire de notre but le but
générique. Sur
cette question, il faut toutefois reconnaître que leur
développement amène au moins des
précisions sur
les raisons de certaines divergences mises au jour dans
A
propos d’une note de lecture. Il devance les
conclusions
appropriées dont nous annoncions la
nécessité dans
notre note du 3 février.
Ce qui suit par contre sous le titre « Visibilité de
la
téléologie (et des
téléologues) »
voudrait répondre à une question plus
embarrassante
encore, mais en la détournant. Il est nécessaire
de
situer le moment où elle s’est posée
pour saisir
comment ils esquivent le problème. Dans A propos
d’une note de lecture, nous nous
étonnions
qu’à partir du constat de ce qu’il
manque aux
révoltés, c’est-à-dire de
théorie, les
téléologues fassent aussi peu cas des effets, ou
plutôt du peu d’effet, de la
téléologie
moderne jusqu’ici. Suivant les exigences de
réalisation
qui sont les siennes, il nous paraissait quelque peu suspect que cette
question ne soit jamais soulevée à la longue,
d’autant plus lorsqu’il est reproché
à
d’autres leurs inconséquences pratiques. Dans
Téléologie
2008, les termes de notre critique sont
changés. C’est par le biais de la
visibilité que la
question est abordée, et c’est en nous
mêlant
à divers individus qui ne semblent pas avoir
été
des contradicteurs. Dès lors tout est possible. Ce
n’est
plus tant de son effectivité que nous traiterions, mais de
la
« reconnaissance » de la
téléologie
moderne,
ainsi que de sa
« réussite », de son
« succès » –
s’il s’agit
bien de nous, car
ils se suffisent d’abord de vagues désignations
allusives
pour s’ériger contre ceux qui
s’exaspéreraient qu’elle en manque.
Attribuée
ainsi soit à des suivistes soit à des
récupérateurs médiatiques, puisque
c’est de
cela qu’il s’agit, la mise en cause du peu de
visibilité et d’effectivité de la
téléologie est tout de suite beaucoup plus simple
à rejeter. Sur cette lancée, pourquoi ne pas nous
mettre
dans le même sac qu’un néojournaliste,
qu’un
universitaire ou qu’un éhonté
faussaire. Et par ce
moyen, laisser ensuite entendre que, tels que ces douteux personnages,
c’est une quête de reconnaissance qui motiverait
notre
usage du point de vue téléologique, pour,
allons-y, en
tirer quelque
« éclat » dans un
« micromilieu ». Ces
gens-là voient des
milieux partout, et toujours
chez les autres. Quand on en est arrivé là, on
peut
ensuite enchaîner par quelques fausses affirmations sur notre
prétendue absence de but ou encore notre
prétendue
occultation de la référence théorique
qui
« fonde »
l’observation. La fin de la
manœuvre
consistant à extraire adéquatement de leur
contexte deux
phrases de nos mises en cause pour tenter de prouver
l’ensemble
des amalgames et faussetés débités
jusque-là.
Une fois ce nécessaire défrichage
opéré,
que reste-t-il face aux questionnements critiques par nous
formulés ? Principalement une indication sur la
seule
manière dont ceux qui partagent son point de vue doivent
aborder
la téléologie moderne. Au risque sinon de
l’affaiblir, seule la critique convient à son
approche,
mais une critique telle qu’eux l’entendent et la
projettent, qui exclut ce qu’ils nomment
« bienveillance ». Ils voudraient
déterminer eux-mêmes comment la
théorie qu’ils ont formulée doit
être
critiquée, à partir de ce qu’ils
voudront bien
reconnaître comme ses manques et ses contradictions.
D’un
texte à l’autre, on constate un assez grand
paradoxe, des
appels à la confrontation avec leur pensée
à une
attitude de défenseur de son
intégrité, voire de
son orthodoxie, par laquelle ils décrètent par
exemple
quel courant de pensée qu’elle provoque est le
bon, ou
quel contradicteur l’aurait comprise ou non. Il faut se
demander
alors à partir de quelle considération
supérieure
on peut juger de la justesse d’une façon de faire
qui
révèle ainsi son
unilatéralité. Nous
pensons pour notre part que c’est à
l’aune des actes
des révoltés actuels, car quelque constat que
l’on
fasse sur la domination des ennemis du débat dans le temps
présent, le dépassement de la
téléologie
moderne est encore à trouver et à faire dans la
rue. Le
juge suprême reste l’histoire, dans sa permanence,
et une
théorie se discute aussi sur la base de
l’interaction,
effective ou pas, entre ce qu’elle énonce et ce
qui a lieu
en actes. Que l’information dominante, et
l’idéologie de la communication infinie qui la
soutient et
qu’elle entretient, s’opposent
aujourd’hui à
une telle action réciproque, ne nous paraît pas
une raison
valable pour en quelque sorte consacrer la séparation entre
une
position de théoricien, isolée et
assumée, et ce
qui a lieu dans la guerre en cours. Comment interpréter
autrement en effet leur phrase sur la
« plongée
sous-médiatique » de la
téléologie qui
peut
bien durer « jusqu’à la fin de
l’organisation
médiatique actuelle, c’est-à-dire
marchande et non
contrôlée par l’assemblée
générale du genre
humain. » ? A partir du
constat
de l’emprise de l’information dominante sur la
parole
publique et celui de la séparation des
révoltés,
l’enjeu actuel de la théorie critique nous semble
consister aussi en la définition des moyens de
communication,
des médiations, à créer et
à mettre en
œuvre pour qu’un véritable
débat soit
possible. La destruction de l’organisation
médiatique
actuelle dépend bien des individus en vie
aujourd’hui. La
création de ces conditions du débat critique sur
la
totalité nous semble inséparable du
développement
de la théorie sur la réalisation de
l’humanité. L’une ne va pas sans
l’autre dans
la dialectique de la guerre et du débat. Et disons-le au
passage, l’inquiète préoccupation de la
Bibliothèques des Emeutes à faire
connaître leurs
actes aux révoltés peut bien être
rappelée,
si l’on n’explique pas quelle a été sa
diffusion, à notre connaissance restreinte et seulement en
langue française,
il
manque des éléments importants susceptibles
d’expliquer aussi son échec, pas seulement
réductible à l’insuffisance de la
pertinence de ses
développements théoriques.
Voilà de quoi il était question dans la partie de
notre
réponse à leur interpellation qui les concernait
directement. Voilà ce qui détermine nos propres
orientations, comme nos considérations sur le but et sur
l’histoire. Nous avons lu et compris leur théorie
de la
totalité, et que cela leur plaise ou non, la sorte de
« courant de pensée »
que nous
manifestons, en tant
qu’anonymes insatisfaits, ne s’annihilera pas,
même
à grands renforts de développements
théoriques sur
le sens véritable de la téléologie
moderne. Il est
évident que nous avons un profond désaccord avec
eux, qui
semble s’ancrer essentiellement autour de ce qu’ils
appellent une idée, et de la part de relativité
qu’il faut lui reconnaître à notre avis,
comme nous
avons par conséquent des positions opposées sur
la
question de l’idéologie – visiblement
elles nous
distinguent aussi de leurs anciens associés laborantins
auxquels
pourtant ils nous identifient tout au long de leur texte. Si la
formulation de ces divergences n’est encore qu’en
germe,
celles-ci sont déjà une autre justification des
priorités de notre activité publique qui
consistent,
répétons-le, à comprendre et
à rendre
visible l’unité des faits négatifs
à
l’échelle du monde sur la base de partis pris et
de
présupposés affirmés. Il ne saurait
être
question pour autant d’un évitement de la
confrontation
théorique, l’effort de saisir ce qui a lieu vise
justement
à la critique des représentations insuffisantes
sur ce
qui a lieu, qu’elles soient du côté de
la
répression, ou à l’inverse partisanes
du
négatif en actes. En ce sens, nous allons continuer
à
montrer ce qu’il en est de la guerre du temps, à
partir
d’un point général sur
l’époque qui
pourra déjà servir à relativiser la
supposée pauvreté du négatif actuel,
comme
à réactualiser l’objectif que nous
partageons de
mettre en communication les pauvres à l’offensive.
S’il y a aujourd’hui un risque
d’affaiblir la
critique téléologique de la totalité,
c’est
justement en la séparant de ce qui lui donne sa
cohérence
et sa conséquence dans la rue. Il est possible de constater
à l’heure actuelle comment la domination
middleclass
produit le spectacle du négatif, la mise en scène
de sa
pseudo-critique, par l’occultation de la révolte
dans sa
globalité ou plus simplement par l’entretien de
l’ignorance à son sujet. C’est bien
ainsi
qu’il faut comprendre la possibilité
d’une sorte de
renouveau de la littérature dite subversive plus ou moins
débarrassée des anciennes idéologies,
et à
laquelle les libraires réservent des rayons entiers, ou les
circonvolutions sans fin des débats
« d’idées »
sur les blogs et forums
Internet. Lorsqu’a
été si bien séparé le
discours public des
conséquences qui devraient être les siennes, on
peut bien
échanger, suivant les nouvelles marchandises
théoriques
à disposition et dans le confort de la tolérance
réciproque, ses opinions
« radicales » sur
de
grandes questions générales, et pourquoi pas en
faisant
de la téléologie une
référence
intellectuelle parmi d’autres. Ce qui pointe mais se perd en
permanence, dans l’incohérence du rythme
imposé par
l’information, c’est la conscience de la guerre en
cours,
et celle de la participation de tous ici et maintenant, de leur
inévitable engagement. Quand nous présentons
notre usage
du point de vue téléologique comme celui
d’une
arme, c’est pour signifier que le but ne se trouve pas dans
la
théorie, mais bien à
l’extérieur
d’elle, sur le territoire de la pensée dont
dépend
sa réalisation. L’enjeu réside dans la
confrontation de la théorie critique et de sa
vérification dans l’histoire, et c’est
aussi
à partir de cette confrontation que l’on peut
être
juste.
D’une telle justesse, les téléologues
montrent
aujourd’hui qu’ils sont de moins en moins capables.
En
entretenant sciemment la confusion, par l’amalgame et les
procès d’intention, et pour des raisons
défensives,
entre des ennemis du débat et des anonymes insatisfaits qui
prennent leur responsabilité du point de vue de leur
engagement, en hypostasiant, comme il paraît par moments, leur
hypothèse sur l’histoire, en différant
dans une
espèce de long terme indéterminable
l’accomplissement du projet
téléologique, ce sont
eux qui nous paraissent mettre en péril ce que la
téléologie moderne comporte aujourd’hui
de
dangereux pour la société telle que nous ne
faisons pour
l’instant que la subir.
Le 17 mai 2008
Spéléologie
2008