A l’instar de ce qui se joua au printemps 2005, depuis
l’élection d’Evo Morales à la
présidence à la fin de cette même année, les
situations de tension sociale en Bolivie demeurent principalement
liées à la mise en place des nouvelles lois de la gestion
étatique, et à leur contestation par l’opposition
politicienne dedroite unifiée autour des leaders et dirigeants
basés dans les provinces de la partie orientale du pays, aux
visées autonomistes et notamment désireux de
préserver les bénéfices tirés de
l’exploitation des hydrocarbures. Motifs et engagements ne
paraissent plus déterminés, centralement, que par ce
genre d’enjeux, qu’on réfute ou qu’on appuie
les orientations et les promesses gouvernementales. C’est ainsi
le cas en janvier 2007 à Cochabamba (07-01-08-Bolivie),
où l’on exige la démission du gouverneur local
après qu’il a annoncé la tenue prochaine d’un
référendum autonomiste, avec des affrontements entre
partisans de chaque camp qui font notamment deux morts le 11 janvier.
Puis en février suivant, autour de Camiri à
l’extrême sud de la province de Santa Cruz
(07-02_08-03-Bolivie), où un mouvement encadré se
constitue réclamant une « vraie nationalisation »
dans la gestion des hydrocarbures ; et encore en avril dans la province
de Tarija (07-04-17-Bolivie), dans la zone de Yacuiba, où un
différend local lié à la même question
entraîne des blocages de routes, des assauts contre des
installations gazières, et des affrontements entre habitants et
flics qui font au moins un mort et une vingtaine de blessés.
Enfin, à partir de l’été, c’est la
ville de Sucre, accueillant l’assemblée devant doter le
pays de sa nouvelle constitution, qui devient le lieu principal de la
confrontation. En août, manifestations et actions menées
sous l’égide de l’opposition, réclamant que
la ville devienne le centre des pouvoirs exécutif et
législatif au détriment de La Paz, ce que rejette le camp
gouvernemental, conduisent au blocage et à la suspension des
travaux de l’assemblée constituante, dont la clôture
est prévue pour le mois de décembre. Le statu quo se
maintenant les mois suivants, le gouvernement finit par décider
une sorte de passage en force à la fin novembre.
Le mardi 20 novembre, des paysans « afines a Evo Morales »
bloquent deux des quatre accès à la ville de Sucre. De
leur côté, des habitants de la ville, opposants au
régime, se rassemblent aux abords de l’édifice
censé accueillir l’assemblée constituante, dont la
reprise des débats est prévue pour le lendemain. Au
centre-ville, une bagarre oppose des membres de chaque camp et se solde
par deux blessés – avec la continuation de telles
altercations les jours suivants.
Le vendredi 23 novembre, le gouvernement décide que
l’assemblée se réunira désormais dans un
lycée militaire à 10 km de Sucre, ceci sans discontinuer
jusqu’à la date butoir du 14 décembre. Les partis
de l’opposition annoncent leur boycott. Les soutiens du camp
officialiste, tels certains de ces « ponchos rojos » se
déclarant « listos para une guerra civil »,
convergent par centaines vers Sucre, pour se rassembler aux abords du
lycée militaire déjà sous la garde des flics et
militaires. Pour leur part, des milliers de manifestants opposants se
rassemblent sur la place principale de la ville, en protestation du
déménagement du siège de l’assemblée.
Il y aurait alors une première opposition avec les flics, qui
tirent des lacrymogènes.
Le samedi 24, le « texte global » de la nouvelle
constitution est approuvé par les seuls députés
gouvernementaux ; tandis que les opposants convergent par centaines
vers le lycée militaire – il sera ensuite question de 8
000 participants aux troubles. C’est alors que la tension monte
d’un cran, possiblement lorsqu’un premier manifestant est
tué dans la confrontation avec les flics et militaires, dans un
désordre qui gagne son ampleur la plus conséquente, et
qui va se prolonger jusqu’au lendemain. Les affrontements
paraissent soutenus entre « opposants » et flics,
canardés à coups de pierres, cocktails, dynamites ; les
possibles affrontements entre partisans de chaque camp, non flics,
n’apparaissant pas prédominants. Les députés
sont évacués du lycée militaire. Entre le samedi
et le dimanche, il se peut que l’ensemble des «
dependencias policiales » de la ville ait été
détruit, de même qu’une à plusieurs casernes
de pompiers, et près d’une cinquantaine de voitures et
motos de flics. La maison du gouverneur local, membre du MAS, est
incendiée. Une prison est également prise d’assaut,
possiblement saccagée et incendiée, avec
l’évasion de plus d’une centaine de prisonniers
(peut-être 170). L’aéroport de Sucre passe sous le
contrôle des émeutiers, les vols sont suspendus. A
l’instar du gouvernement, des leaders de l’opposition
appellent au calme, ce qui tendrait à confirmer la tournure
incontrôlée prise par la situation, quand l’assaut
émeutier devient le centre de ce qui a lieu. « Au point
culminant des violences, le commandant de la police bolivienne
(…) a ordonné le repli de ses forces sur la ville voisine
de Potosi », tandis que d’autres flics sont enjoints, ceci
plutôt le dimanche, de demeurer dans leurs quartiers –
alors que les troubles semblent bien prendre fin ce dimanche, les flics
ne feront leur retour dans les rues de Sucre que le mercredi suivant.
Au total, quatre morts sont dénombrés du
côté des protestataires, et plus d’une centaine de
blessés, voire le triple, dont 3 flics. Annoncée le
dimanche, la mort d’un flic lynché par la foule est
ensuite démentie.
Avril 2009
Descriptif des troubles de novembre 2007 en Bolivie