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Situation au Kenya à partir de décembre 2007 (descriptif orienté) (07-12_08-01_02-Kenya)



Pillages


Le 29 décembre dans la matinée, les premiers résultats partiels de l’élection présidentielle donne le candidat de l’opposition, Raila Odinga, en tête, face à son adversaire au pouvoir depuis 2002, Mwai Kibaki. Cela fait déjà deux jours que le vote a eu lieu, et les lenteurs du dépouillement alimentent les soupçons de fraude dans le camp de l’ODM (Mouvement démocratique orange) d’Odinga qui remporte ce même jour les législatives. Dans des zones du pays qui lui seraient majoritairement acquises, on commence à envahir les rues. C’est alors la première phase de l’événement kenyan. Celle où la contestation prend les figures de la révolte. S’il y a bien déjà des affrontements entre groupes rivaux, ils ne priment pas encore. A Kibera, l’un des plus grands bidonvilles de Nairobi, et surtout à Kisumu dans le Nyanza, l’emballement, nourri par les propos publics d’un chef de l’ODM qui crie victoire, génère des pillages, que l’annonce de celle de Kibaki le 30 va faire perdurer. Ils seraient des milliers à y prendre part dans le slum, tandis que dans la ville de l’Ouest ils défoncent les portes des supermarchés et des magasins, sans faire véritablement de distinction suivant l’appartenance ethnique de ceux qui les tiennent. Les plaintes des commerçants d’origines indienne ou pakistanaise viendront plus tard garantir que les Kikuyus, qui constitueraient l’électorat de Kibaki, n’ont pas été les seules victimes des assauts de dits Luos, ceux-là plutôt pro-Odinga. Il semble qu’à Kisumu on continue à piller jusqu’au 31 au matin, peut-être massivement.


Répression

 
Alors que dans les régions plus rurales, telle la Vallée du Rift, des affrontements entre groupes de partisans concurrents ont eu rapidement cours, leur nombre de morts semble toutefois inférieur à celui que cause maintenant la répression contre les pilleurs. Car si l’amalgame médiatique a déjà noyé tout ça dans des « violences post-électorales » où il importe peu de faire le tri, ce 31 décembre à Kisumu les flics tirent à vue. Au 1er janvier, il pourrait y avoir une centaine de tués, dont beaucoup par les balles policières. La veille, une soixantaine de corps a déjà été retrouvée criblés. Mais maintenant un autre chiffre gonfle, celui des morts dus aux combats entre pauvres.


Tour « interethnique »


L’incendie très médiatisé d’une église à Eldoret, où s’étaient abritées des centaines de personnes identifiées comme Kikuyus, fait entre 35 et 50 morts. Déjà le 31 à Kibera, la colère s’est portée sur des particuliers quand la police a empêché ses habitants de sortir du slum pour participer au rassemblement appelé par Odinga. Ils paraissent alors s’être rabattus sur leurs compagnons de misère de l’autre camp. Le 2, le bilan des tués monte à 300 dont le tiers à Kisumu, les déplacés se compteraient alors par dizaines de milliers. C’est dans la province du Nyanza que les Luos, considérés comme défavorisés, feraient la chasse aux « privilégiés » Kikuyus. De tels affrontements vont continuer ensuite, dans certains bidonvilles avec rapidement les premiers signes de représailles anti-Luos, et surtout dans les campagnes, en parallèle d’une protestation dans certaines zones urbaines contre le régime accroché au pouvoir. A Nairobi le 3, les flics, qui bloqueraient tous les accès de Kibera, empêchent le rassemblement de l’ODM, qui le reporte à la semaine suivante.  


Manifestations


Alors que la capitale est toujours quadrillée par une importante présence policière, le couvre-feu à Kisumu est levé le 5 janvier. Face à un bilan humain qui monte à 600 morts, le petit jeu entre aspirants à la tête de l’Etat se poursuit avec quelques signes d’apaisement. Ceci jusqu’aux journées du 16, 17 et 18 janvier pour lesquelles l’ODM appelle à des manifestations, histoire de maintenir la pression pour les préliminaires de négociations. Elles drainent plus ou moins de monde suivant les lieux, mais entre Kisumu (où ça pourrait continuer jusqu’au 19, voire bien après, mais tout cela reste noyé dans la confusion médiatique), Nairobi et Mombasa, il pourrait y avoir 22 morts en trois jours, vraisemblablement dus aux tirs policiers qu’essuient les contestataires abrités derrière les barricades. Côté dispute entre groupes rivaux, de nouveaux lieux font leur apparition, avec les nouvelles appellations ethniques qui vont avec, ça s’écharpe à coups de machettes et de flèches. 

D’autres face-à-face avec les flics auront lieu ensuite au cours de nouvelles manifs : le 23 à Nairobi, le 28 à Kisumu, mais maintenant c’est l’espèce d’extension des tueries qui constitue l’essentiel de ce qui a lieu.


Représailles et autres motifs


Les violences paraissent désormais davantage organisées, sans les traces de spontanéité colérique des débuts, mais au moins en partie suscitées par de vieilles et tenaces rancunes notamment ancrées autour de la propriété foncière. A Naivasha et Nakuru, villes qui n’apparaissent qu’à ce stade, les morts sont quotidiennes, tout comme les incendies de maisons. Des Kikuyus, dont les Mungikis cette informelle organisation milicienne, s’y vengeraient contre des Luos. La répression policière monte d’un cran en cette fin de mois, les exécutants étatiques, qui ne l’avaient pas vraiment attendu, ont l’ordre de tirer à vue. Déjà à Naivasha, c’est d’hélicoptères qu’on dégomme des milliers d’incendiaires le 29 janvier, à balles en caoutchouc d’après les dires des flics.

Ce jour-là, certains bilans donnent 1 000 morts depuis le début des troubles.



Derniers faits négatifs


Le 31 janvier, après celui tué quelques jours plus tôt qui a déjà provoqué des troubles dans plusieurs points du pays, le meurtre d’un deuxième député de l’ODM met le feu aux poudres dans sa ville natale Ainamoi, dans le district de Kericho entre Kisumu et Nakuru. Tandis qu’en parallèle, notamment à Eldoret, des violences continuent, à Ainamoi, ce jour ou le lendemain, des milliers lynchent un flic accusé d’avoir blessé un manifestant, et attaquent un bâtiment gouvernemental. Ils parviendraient également à dérober armes et munitions, ce qui entraîne une vaste opération policière dès le 1er février, qui, elle, cause la fuite de milliers d’habitants.

A noter pour la suite, et alors que les violences inter-pauvres se poursuivent au moins jusqu’en mars, et qu’en coulisses les négociations ont accéléré, des descentes de flics dans un slum de Nairobi pour déloger des occupants de logements appartenant à des personnes en fuite. Mais la colère reste ponctuelle ce 20 février, on érige quelques barricades, et on brûle un bus.

Au mois d’avril, la suspension des négociations Kibaga-Odinki provoquera quelques remous à Kibera, avec de possibles pillages, et un mort dans les affrontements avec les flics (08-04-08-Kenya). Le même mois, les Mungikis sèment la zone dans plusieurs villes, leurs combats avec les flics feront au moins 13 morts dans leurs rangs (08-04-14-Kenya).



Mars 2009






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